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‘‘ Quelle ombre sort de la nuit ? ’’ | Daniel Dobbels & Carole Quettier

Quelle ombre sort de la nuit ?
Daniel Dobbels | Carole Quettier
Performance effectuée au Cyclone le studio les samedi 28 et dimanche 29 mai 2022

« Je ne danse pas pour que l’on m’attende », dit, dans ses « Cahiers », Nijinski. Mais des danses peuvent attendre, patienter, vivre de souffles presque éteints et, sans s’y attendre, se voir ouvrir un espace, se conjuguer un temps propre à les accueillir, une porte se déverrouiller qui les enjoint à respirer en prenant corps – un corps, toujours, vient vers elles et en incarne l’âme, passant de la liasse à la liesse – et à « rappeler » au jour leurs écritures passées. Peut-être ne danse-t-on (rives et étranges bordures des danses) que lorsque les êtres semblent au plus loin, sont déjà au plus loin, très loin devant, en avant ou retirés dans leurs plus secrets abris ? Peut-être est-ce l’un des secrets et la pudeur la plus réfléchie de la danse : se « produire » hors de toute attente, conjurant ainsi ce qui demeurerait « déceptif », décevant, indifférent dans le cœur de toute attente ? Avertie qu’elle serait, étant née sans origines et comme telle orpheline, qu’un rapport trop greffé (noté par un greffier anonyme) aux lois d’un temps administré se révélerait n’être qu’un échafaud d’âges, nécessairement meurtris.
Détente mais non détention ! le « moindre geste » – pour reprendre ici une expression sans prix de Deligny – y trouve sa chance, son élan, son infime et même infirme liberté : l’une s’étend, l’autre s’appuie sur un point non contrôlé et s’accorde des sorties, de nuit comme de jour.
L’ œuvre de Schönberg en a descellé les gonds et desserré les compressions (du moins a-t-elle tout tenté en ce sens). Sortir est aussi périlleux que d’entrer dans un ordre. Une vie s’y joue qui ne sait pas et cherche une vision qui n’aveuglerait pas ses « sens ».
Olivier Revault d’ Allonnes, dans son livre, « Aimer Schoenberg » décrit et ana- lyse de façon bouleversante le mouvement inouï qui conduit et hante Les six petites pièces pour piano, opus 19 de Schönberg : « (…) Lorsqu’il écrit cette pièce – on ne peut pas dire qu’il la compose : il la pose, tout au plus – Schönberg revient des obsèques de Gustav Mahler ; il veut faire entendre, entre « piano » et un quadruple pianissimo final, et « très lentement », quelque chose qui pourrait passer comme un ultime hommage à Mahler, un minuscule « collage », un infime « pot-pourri » qui, comme la vie même du maître disparu, se ter- mine « ein Hauch », comme une haleine, comme une buée, comme un souffle sur un la bémol à peine audible » (Bourgois, p.60).
Ce « pot-pourri » (l’expression vient peut-être d’Adorno) est à entendre comme un ineffable sans fin. Un ensorcellement vague en remue les fonds et les em- pêche de tourner à l’aigre.
Se donne là, on pourrait l’imaginer et tenter de s’y fier, la tonalité de ces deux journées que nous a offertes Patrick Sandrin, dans le cadre si singulier du « Cyclone » : une haleine, un souffle volé au pire, des œuvres et des noms n’ayant cédé sur rien, hantés seulement par le fait que le dernier des souffles soit repoussé… que « l’accord parfait » se voit déplacé et, pour des raisons vitales, refusé ou différé… Schönberg, Kagel, Coltrane, Dylan… procède-t- on à un « collage » en associant ces auteurs en une sorte de programmation subjective ? Entre l’exhalaison et l’exaltation des noces se nouent, inattendues, imprévues mais ayant le pouvoir d’accorder des échos et des résonances là où les champs semblent désertés. Dans It’s all right, Ma, Dylan chante en fin de refrain : « So don’t fear if you hear a foreign sound to your ear, it’all right ma, I’m only sighing…”
“To sigh” est en anglais plus modulé et fluide que soupirer en français… mais ce qui s’y suggère de vertige et d’extrême, entre langues et langages, appelle en silence des Ponts… dont la parole et la danse ont aussi l’obsession.
Paris, le 28 mai 2022

Le 28 mai 2016 : « Il y a cinq ans, jour pour jour, nous avions pensé cette offre avec les mots qui suivent. Ils sont sans oubli et signent une fidélité qu’aucune circonstance ne pourrait effacer. » :
« (Texte de 2016)

Daniel Dobbels

CHORÉGRAPHIER/ÉCRIRE ?

Le lien se fait-il ? Se laisse-t-il lire ou voir ? Ou juste pressentir ?
Ou bien ne doit-il ni être noué ni dénoué ?
Cette « carte blanche » offerte par Patrick Sandrin ne déplie peut-être qu’une segmentaire plage de temps, d’autres « coins » restant enfoncés dans l’espace, fermés comme des angles qui pourraient, une autre fois, s’ouvrir et laisser transparaître une lueur d’existence passée, battante comme l’un de ces cœurs qui se sont croisés sans se fondre dans le strict silence.

Certains pourront s’y attarder, s’ils le veulent, à leur rythme et à leur pas; d’autres ne feront que la longer, émaillant leur parcours de quelques brefs regards veillant à ce que la distance demeure et ne soit pas rompue : la ligne d’attrait ou d’attraction (qui n’est pas d’horizon) dessinant dans son tremblement un monde d’apparitions qui semble obstinément se tenir par ailleurs, plus loin ou plus profond, plus réel et plus intime. Attente que rien ne saurait désavouer et qui s’impose intermittente et sans conteste. Un visi- teur (un invité) est plus libre de cours qu’un spectateur. Et la carte, blanche, fait d’abord signe d’une invitation, n’exigeant pas, par essence, de répondre, encore moins de faire preuve. Le temps qui passe (ou passé) laisse encore une faible marge où chacun a le choix de se dire : «Je veux bien y passer et y faire passer un peu de mon temps».

Quelques heures donc. Pour indiquer, rappeler ou suggérer quelques voies empruntées, certaines suivies, d’autres suspendues ou abandonnées. Sont- elle aimantées par un même souci (une seule obsession) ou ne sont-elles qu’esquissées, juste amorcées avant qu’un spectre s’en fasse l’hôte et l’occupant ? L’équation de Marcel Duchamp (peut-être héritée de Joyce) ne cesse jamais de flotter étrangement, inscrite comme des lettres chiffrées dans un espace aléatoire où rien ne brille ni ne s’éteint absolument. « A Guest + A Host = A Ghost ». Stance d’une instance joueuse ? Stase d’un jeu instable ne bénéficiant même pas de ce plan et de ce support qu’est l’échiquier où l’on déplace les pièces et réduit leurs marges de mouvements aux règles de la victoire, de la défaite ou du mat.

Chorégraphier n’est-il pas l’art d’éviter tous les pièges que les calculs et les contingences d’une existence dressent comme au-devant du corps pour qu’il s’y heurte et en soit stupéfié ? Une écriture, hantée par le temps perdu, par le temps qui se perd, n’essaie-t-elle pas, même en ayant recours à la ma- gie, de plier l’objet qui fait obstacle ou de courber le plan indéfini qui érige le vide comme un mur ou une dalle séchée… et de se promettre un autre corps pour passer corps et âme non pas de l’autre côté mais dans une zone de pures proximités, non pas rivales mais riveraines les unes des autres ?

Zone d’existence à laquelle le moindre geste rêve pour y composer des suites d’instants que l’enfer ne saurait condamner. Brèves épiphanies, secrètes illuminations, incertaines du temps qui prétendrait les accueillir, les recueillir et les transformer en forces utiles, pour en forcer les sens.

Le corps ne porte peut-être sur soi que ce désir de rayer la lumière sans la blesser, de faire entrevoir son propre rayonnement non meurtrier (ni soleil trop intense, ni braise de cendres noires). Serait-ce le vœu à peine émis, jamais prononcé, de cette présence, si peu sûre d’elle-même, de ces deux corps se silhouettant dans la lumière blanche de la Synagogue de Delme, lumière brûlée et intacte où l’absence est entière, où le jour est sans appels, sans aubes glaciales, sans mémoires à détruire ?

L’écriture ne chercherait-elle pas cette levée de temps où un corps viendrait vers elle, rayonnant mais veillant sur le sens de « gestes inapparents», suivant l’expression d’Egon Schiele, seuls en mesure d’effacer, en anticipant sans fin, l’extrême menace de voir « un corps rayé » hanter les temps, sans exception ?

Se rappeler, ici, les premières pages du « Journal » de Kafka : « Je priais en rêve la danseuse Eduardowa de bien vouloir danser encore une fois la czardas. Une large bande d’ombre ou de lumière lui coupait le visage entre le bord inférieur du front et le milieu du menton. Juste à ce moment, quelqu’un s’approcha d’elle avec les gestes répugnants de l’intrigant qui s’ignore, pour lui dire que le train partait tout de suite.

A la manière dont elle accueillit cette information, j’eus la terrible certitude qu’elle ne danserait plus. « Je suis une méchante femme, une mauvaise femme, n’est-ce pas ? », dit-elle. – « Oh non, dis-je, pas cela… et je me dis- posai à partir dans n’importe quelle direction… ».

Danser/écrire : ne pas céder aux gestes de l’intrigant qui s’ignore. Tenter cela… en partant et en cherchant dans toutes les directions…

Daniel Dobbels – 4 mai 2016.

 

PROGRAMMATION

SAMEDI 28 MAI 2022

15h00
Schönberg peintre, le corps et la nuit (Kandinsky, Gerstl, Schiele, Kokoshka) (1 h) Conférence par D. Dobbels

« Il faut que ce qui est sans lieu soit astreint à un corps » Merleau-Ponty

16h00
L’ombre du soir – 2018 (30 min)

Chorégraphie : D. Dobbels | Interprétation : C. Quettier Musique : Arnold Schönberg, La nuit
direction Pierre Boulez avec le New-York Philarmonic 2006

Solo dédié à Alain Fleischer et Danielle Schirman

A l’origine il y a cette phrase de Nelly Sachs
«Elle danse, une charge sur les épaules».
«L’ombre du soir ne pèse rien. Elle se place, étroite, étirée, mince comme un fil que l’existence ne peut suivre que par égard, là, entre les masses évidées, que les rêves ont désertées. Ne rien écraser en ce passage limité, dans le temps, dans l’espace.»
D. Dobbels

18h30

Avant-propos par D. Dobbels sur John Coltrane

Double impression – 2020 (16 mm)

Chorégraphie D. Dobbels | Interprétation: C. Quettier Musique : (alternate take) The John Coltrane quartet, Africa Solo dédié à Francis Marmande

Station unaire – 2022 | Création pour Cyclone le studio (30 min)

Co-chorégraphie de Daniel et Carole Dobbels
Musique: John Coltrane, Love Supreme, Live in Seattle (Interlude and Persuance) Solo dédié à Patrick Sandrin

« Pourquoi ne jouez-vous plus autant d’harmoniques qu’il y a quelques mois ? » « Pour le moment j’en ai assez. Les harmoniques sont trop difficiles.
Cela finit toujours par « couiner » »
(Entretien avec John Coltrane, « Je pars d’un point et
je vais le plus loin possible » éd. De L’Éclat)

20h00 | COCKTAIL DÎNATOIRE

 

DIMANCHE 29 MAI 2022

15h
Le corps acéphale, Michaux et la danse (1 h)

Conférence par D. Dobbels
« On préfèrerait dans le secret de soi un corps plus uniquement corps (corps: émouvant infirme)bondissant aveugle, sans tête…» (Michaux, Danse, 1938)

16h
« Mes « soudains » » – 2021 (22 min)

Chorégraphie et interprétation: C. Quettier Musique: Mauricio Kagel par Alexandre Tharaud

« Mes jambes coulaient sous moi… Je me surveillais…Je me savais toujours en danger de me trouver emporté en altitude, sur n’importe quel impossible corps qui se trouverait passer ou se tenir dans l’espace… Fini le solide. Fini le continu et le calme. Une certaine infime danse est partout… Désentravé, débrayé, devenu un être d’une nouvelle espèce, s’oriente vers une nouvelle patrie… plaine ébrieuse de la folie ».
(Henri Michaux, Connaissance par les gouffres)

 

17h30
Avant-propos par D. Dobbels sur Bob Dylan: Wounded Places

It’s alright, Ma (I’m only bleeding), 2022 (8mn)
Under the line, alone, 2016 (30mn)
Chorégraphie D. Dobbels | Interprétation: C. Quettier | Musique : Bob Dylan

« I was thinking of a series of dreams
Where nothing comes up to the top.
Everthings stays down where it’s wounded
And comes to a permanent stop. » (Bob Dylan, Series of dreams)

Corps en tout point en alerte mais aussi – paradoxe irrésolu – sous protection, soucieux des moindres figurations venant le frôler, le traverser, peser sur lui ou l’alléger ou le dispenser d’une peur soudaine (trop sienne). Il n’aurait, en un sens, qu’une tâche : danser de travers mais avec la plus aigüe des précisions (précision qui au- rait comme visée de ne toucher aucun but, de ne rien confondre, de révéler une forme d’osmose séparée de

 

Cyclone le studio
16/18 rue Vulpian
75013 Paris
cyclonelestudio.com

… Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux, vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.
Charles Baudelaire

… Nous ne sommes tués que par la vie.
La mort est l’hôte.
Elle délivre la maison de son enclos et la pousse à l’orée du bois.
Soleil jouvenceau, je te vois ; mais là où tu n’es plus.
Qui croit renouvelable l’énigme, la devient.
Escaladant librement l’érosion béante, tantôt lumineux, tantôt obscur, savoir sans fonder sera sa loi.
Loi qu’il observera mais qui aura raison de lui; fondation dont il ne voudra pas mais qu’il mettra en œuvre.
On doit sans cesse en revenir à l’érosion. La douleur contre la perfection.

René Char

Mathieu Brosseau | L’amour est art populaire

Notre collaborateur Mathieu Brosseau publie L’Exercice de la disparition au Castor Astral, dont nous sommes honorés de présenter un extrait.
L’Exercice de la disparition est un ensemble de poèmes hallucinés polymorphes et foisonnants dont on comprend et ressent l’évolution et l’unité au fil des mots.

Mathieu Brosseau nous incite à voyager à travers le temps pour atteindre nos fondements, avant même nos perceptions et représentations. À force de casser notre boussole littéraire, de surprise en tournure, de vision en pirouette, il y parvient.” (site de l’éditeur)

Quelqu’un d’hier ou que sais-je, une photo un souvenir,
Grand-ma, mommy ou le cosmos
Un œil tendre le vôtre tourné vers une perte
Une perte qu’on
Vous a apprise une douleur
Comme un plaisir
Un creux dans la route, ça cabosse,
une forme qui rompt, une forme qui heurte et rappelle votre
perte, bébé plus, plus fusion, non
une forme moule, faites
faites couler la pâte en celui
faites couler ce dé hasardeux
ce désir bègue, ce dé
faites le couler amnésique dans le creux
faites-le

— oh qu’il est ame…
— oh qu’elle est moule lave liquide
— oh qu’il est amour bouillon
— oh qu’elle est forme rêvée jamais vue

alors que
toujours le canon tonne il aspire, conformité aspire

Le refrain des amours
Plâtre ce modèle, vous
Coulez votre transport, voix tendre, oh chérie, votre
Désir sans mémoire pour un nouveau temps,
Nouvelle histoire, dans le patron aux mesures de Vitruve,
Mesures connues comme phrase musicale
Quelques notes et s’achève l’histoire

Faites couler votre pâte dans un moule, vous le faites
Vos désirs et oublis, pareils pareils,
deux petites croches sur une partition palimpseste
pareilles pareilles

et si là, vous tentiez telle ou telle couleur,
ou matière, ou approche, ou cette parade nuptiale jamais
encore proposée
à cette douce qui passe
à ce doux qui envole

Désir comme l’oubli, marqueur des présents recommencés,
Désir comme début d’ère nouvelle
Cet amour pratiqué comme sport communautaire
Cet amour réclamant le vide avant l’éruption

Le dedans avant de s’en extraire

L’intérieur et son départ comme un art,
Une recherche instinctive
Et une occupation

— Que croire quand vide ?

Passer le temps pour
revenir sur son arrête
revenir et renaître dans cette tension attirance et mots séduits
mots d’apparat

Mots que vous prononcez

— Je vous ai tant entendus

Vous forgez votre art sans le savoir
Sans mémoire et le reproduisez dans son modèle
Trame d’une histoire connue
Théâtre rejoué encore et toujours

La pâte en ce moule translucide, pensé lévitant sans contours,
La danse nuptiale que vous pratiquez, coulée dans le plat conforme
Et puis l’ajout de vanille, et quelques grains de lits,
Avant d’y mettre quelques déchirures de farine et grumeaux,
Avant d’y mettre le feu, ce four, avant de consommer,

Et le ronron du goût si connu, l’amour de l’ailleurs
Désiré irrespirable

Sorti du moule, l’histoire tient et cet art a la forme d’un oubli
Plus, plus, lassitude a sonné devant le rien restant

Vous le saviez, nécessaire chute,
Pourtant, larmes tombes, théâtre habité d’une vie la vôtre,

— Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche et viens te coucher avec moi.
— Ma mère-grand, que vous avez de grands bras !
— C’est pour mieux t’embrasser, ma fille.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes !
— C’est pour mieux courir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles !
— C’est pour mieux écouter, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux !
— C’est pour mieux voir, mon enfant.

Et toujours en sursaut le réveil ne pas
Ne pas se souvenir du cauchemar
Vous avez pleuré cette cette
Cette histoire

C’était dit, votre peur vos larmes étaient dites,
L’oubli aussi, ignorer le scénario invite au vide
Invite à revenir au présent un autre

Renouveler sa pratique
Passer le temps dans l’espoir de passer sa peau, rejoindre l’autre

L’amour est un art populaire

Sara Bourre | Chant d’Annabelle

Sara Bourre

Sara Bourre écrit et se produit régulièrement sur scène avec le collectif CLN (projet musical au sein duquel se rencontre poésie, matière sonore et visuelle), et le groupe Crashing Dolls.

Elle a publié des textes poétiques dans plusieurs revues, ainsi qu’un livre aux Éditions du Cygne « À l’aurore, l’insolence ».

Elle est actuellement en master de création littéraire à Paris 8.

 
 
 

 
 

Sous quel soleil te caches-tu
si tu te caches
si tu cueilles un à un mes cheveux dans la nuit
si le sable au coin des yeux te fait rire comme un fou à l’approche des tempêtes
je pense à toi comme on dérive
avec beaucoup de sang dans les paumes de main à force de m’accrocher aux branches

dans quel désert ton corps se plie

ma peau fantôme
ma peau de crime et de sueur
avec quelle main la sèches -tu
et quel regard donner à l’amour qui sans prévenir
se balance des falaises

donc tu me laisses
tu pars
tu avances dans l’oubli de mes yeux
parfois la nuit je te devine
la chambre bleue vacille
tu manques à ces murs
tu manques à tout ce que je touche
dans le sommeil je te sais droit et fière
les yeux plein d’un soleil rouge
les mains ouvertes aux fracas des mémoires des rires des cris

tu m’attends

lettre après lettre je trace l’histoire
je remonte à l’envers le chemin du corps
je joue à me crever les yeux à coup d’absence et de désir
je marche comme une aveugle
comme une morte
comme une folle – ils disent
avec leurs voix de fer
ils disent voilà la folle et je me courbe
je me découpe à l’intérieur
avec les dents je m’arrache et me donne à bouffer aux chiens
voilà la folle – Annabelle la putain
la sœur de crime et de nuit
la traînée l’indécente la furieuse l’impossible
voilà celle qui ne regarde rien
et qui se vautre dans toutes les ombres

je trace ton corps
je trace ta route et chaque matin
je t’attends sur la pierre brûlante
derrière la maison
là où aucun regard ne se pose

sous quel soleil marches-tu
Quelle routes
Quels vertiges
Est-ce qu’entre tes lèvres
mon nom encore
comme une prière
un appel
un chant
un cri

me voilà nue
bercée par le brouhaha des souvenirs
les pulsations de l’enfance
secouée comme une garce
par les mains larges de la honte

me voilà sans visage
et revenue de tout
me voilà sans raison
la peau du frère jetée aux marées noires de l’oubli
ma propre peau en vrac
dans la lumière crue
et la bouche
la grande bouche de ma mère qui
depuis ce jour
ne parle plus
juste le geste et faire mine de ne rien comprendre
ne rien savoir
ne pas cligner des yeux face à celui qui
sans un regard
un matin
ferme la porte et un pied devant l’autre
s’en va

la route sur laquelle je marche plonge dans la mer
je suis bête et violente au dedans
je suis abrutie par l’odeur de mon propre corps
qui sans toi continue
sa mascarade
son théâtre de pacotille
ses histoires à dormir debout
à l’envers
et qu’importe le sens de la marche
j’avance les lèvres sèches
assoiffée
bête et violente au dedans

voilà la folle – Annabelle la putain
la sœur de crime et de nuit
la traînée l’indécente la furieuse l’impossible
voilà celle qui ne regarde rien
et qui avance
avance
avance.

 

Damien Guggenheim | Fuites

Damien Guggenheim

Diplômé en Arts visuels à l’École Supérieure des Beaux-arts de Genève en 2004, Damien Guggenheim vit à Paris. Son travail tente d’explorer la dimension narrative des œuvres à partir de la secondarité topologique du regardeur. Sa dernière exposition personnelle a eu lieu à la galerie Eyris Dadoun, en novembre 2018.

 
 
 
 
 

Fuites

Vidéo, 45’’, couleur, son, 2019​
Sans changer de tableau, la caméra passe de la première à la seconde pièce de l’appartement représenté dans les deux premiers panneaux de la prédelle de Paolo Uccello « Le miracle de l’hostie profanée », jouant d’une aberration de la perspective qui s’y trouve logée : la deuxième pièce contient la première qui est plus grande qu’elle. Ce qui se traduit par une disproportion des portes de gauche et de droite entre elles et par rapport aux damiers du sol. Le drame se divise ainsi en deux, selon le côté par lequel déborde l’événement, là où la narration se réduit à un sens qui fuit et à un bruit qui court.​

 

 

Marine Riguet | Hors-série

Marine Riguet

Marine Riguet est chercheuse en Littérature et en Humanités Numériques. Elle est l’auteure de textes poétiques, d’une pièce de théâtre (Talk to me, mise en scène par Laurent Cazanave en juin 2012 au Théâtre Côté Cour), d’un texte sonore (La Souterraine, illustrée par Emma Duffaud et performée Galerie POS en 2018), et pratique l’écriture audiovisuelle.

 

 

Tu seras sauvage
Tu garderas tes histoires comme des odeurs
à même la peau
Ta voix aura l’épaisseur des pierres qu’aucune nuit, qu’aucun jour ne perce
Tu habiteras les chemins qui ont ton allure
Tu marcheras le dos rond
le ventre lourd
comme la terre porte sa semence
Tu seras plein de ton royaume
des connus, des croisés, des souvenus et des invisibles
peu importe les noms
Tu emprunteras des langues, des bancs, des toits
et des traces de chaleur
Tu seras partout ce qui demeure

(On m’a appris que chaque homme portait au fond de lui un point de rupture vers lequel il ne fallait pas aller, pas creuser. Qu’on apprenait à travestir en suivant les routes tracées, en écartant de soi la vieillesse, les tremblements, l’insoluble. On m’a appris que chaque homme portait sa folie comme le fruit son noyau et qu’il ne fallait pas l’ouvrir. Je l’ai cru longtemps.)

Je me suis trompée
Je repars du début, de ma mort, je remonte
J’ai quitté mon nom
J’ai quitté les miroirs

Suis-je d’eau et de mots
Suis-je des gravats d’histoires
Et les graviers que je prends le soir dans mes chaussures pour des photos d’enfance
Ou toutes les figures de papier, de peau, de béton dépliées en villes

Suis-je dans chacune des traces qui me balisent
Comme des points de croix, de non retour
Des déchets que personne ne réarticulera

Suis-je la chaussée pour les jours migratoires
La vacance entre le ciment et les pierres
Ou les os qu’on noie dans la mer
Comme les pièces dans la fontaine, accrochées à un voeu
Et que fait-on des ombres qui se restent sur les rives avec nos haillons en plastique
Est-ce qu’elles se revêtent, est-ce qu’elles se portent encore
Ou s’évaporent
Dans le soleil

Suis-je l’arbre quand tu viens
Quand tu t’appuies debout
Un instant
Ventre de haut en bas
Racines écorces
Qui respirent en poussant
Un instant

Sommes-nous devenus des fugitifs
À quel moment

Ma mère m’avait dit : tu n’auras pas d’enfant
Tu n’auras pas d’enfant, ma fille
Pas toi
Parce que ça ne peut pas être autrement bien sûr, la fille mère de sa mère
Tu as choisi, tu es la fille et la mère de ta mère
Tu n’auras pas d’autre enfant
Tu n’auras pas d’autre enfant dans ce ventre
Pas toi

Jusqu’à ce jour…
Je ne saigne plus
Je ne saigne plus
Plus de sang entre les cuisses
Tout à l’intérieur qui reste et qui grandit

Mon enfant
Je suis ta chambre noire du cœur à l’os
Mes jambes forcissent pour te porter
Et mon dos et mon ventre comme deux coques, comme ciel et terre autour de toi
Et mes seins qui s’emplissent et se tendent pour toi
Mon corps après le passage de l’homme
Après l’amour et les peaux qui se boivent se confondent s’agrègent
Mon corps ouvert et fermé, resserré sur lui, empli par lui
Après ce trou creusé par l’homme qui se retire et s’en va
Aimé jusqu’au sillon
Mon enfant de chair d’entrailles de réconciliation
Tu seras la mémoire des champs travaillés par nos mains et qui ont besoin de trois saisons pour mûrir
Des tiges qui montent dans le matin bleu, que les fleurs font plier
Et qu’on égraine en juillet en frottant dans des draps
La mémoire de la sueur sur l’échine, du blé parmi la paille
Et de la farine blanche dans la pliure des doigts
La mémoire de l’homme qui m’a prise pour refuge
Du midi qui se lève
Tu seras
Mon enfant

Ils répètent ils insistent comme une maladie
Ils répètent : plus rien qui ne coule ni ne vient
C’est dans les nerfs et non le ventre, le corps qui fait semblant
Et qui grossit d’inexistence
Ils répètent comme on cogne la pierre
Plus de blé, plus de terre
Ils répètent comme une maladie
Comme ma mère qui m’avait dit : tu n’auras pas d’enfant

 

On ne parlera pas
de ses mains au volant
de ses épaules apprises dans l’embrasure des matins et des soirs
en trois gestes
sa présence dans trois gestes
capitonnés de cuir de clim de pastilles à la menthe
et l’air émaillé de la ville entre vous
On ne parlera pas
entre vous
Seulement l’autoradio

Non, on ne parlera pas du père
apparaissant quand on se penche sur le rétroviseur
et le regard ailleurs
jamais droit jamais dit
mais dehors toujours dans l’arrière-pays
toujours dans les pierres
toujours ce que l’on quitte

Michel Woelfflé | Leçon de ténèbres 03 (La lutte avec l’Ange)

Michel Woelfflé poursuit une œuvre obstinée, lancinante, dont la nuit est partie prenante. Nous sommes honorés d’accueillir une série de leçons de ténèbres dont il est coutumier. Il vit aux confins de la Drôme, “au sein de cette nature minérale, originelle et solitaire qui de plus en plus m’est intime et inspire mes poèmes…”

 

Dans le tableau de Rembrandt cette lutte est une étreinte où l’on voit l’ange supporter Jacob et lui offrir consolation. Dans cette lutte alors, Jacob s’abandonne. Chez Leloir la lutte est vigoureuse, le ciel tourmenté. Il couvre l’horizon. Jacob est nu. Il étreint l’ange qui résiste et s’arc-boute avec force. Il s’agit, on le pense, de vaincre l’inutile en soi. Chez Delacroix on voit dans le regard de l’ange cette tendresse résignée portée sur Jacob. l’ange supporte cette lutte inégale ou Jacob se force à lutter contre lui. Mais l’ange doit cette lutte à Jacob. Toute sa vigueur le montre. Le désir d’être de Jacob lui impose son obstination. Il doit devenir. Un automne flamboyant porte sa lumière sur le corps des deux combattants. Chez Gauguin cette lutte est lointaine observée au premier plan par un groupe de femmes en coiffe bretonne traditionnelle. Elles font un demi-cercle à distance respectueuse autour de l’ange et de Jacob. Certaines prient les yeux clos sans regarder la lutte. Il y a une bête sans cornes pas très loin, perdue dans sa danse… Un arbre penché étend ses ramures au-dessus de tous. On en voit principalement le tronc. L’arbre apparaît être un pommier. Devant nous deux fines branches s’entrecroisent formant un cœur vide. C’est la place du nom à venir de Jacob. La terre de la lutte est rouge d’un vermillon affaibli. L’ange a les ailes largement écartées (comme dans chaque tableau cité, excepté chez Delacroix, plus réservé) il plie Jacob contre son genou. Celui-ci est habillé d’une robe de bure avec une ceinture. Les ailes de l’ange sont d’or. Il fait plein jour. Il y a onze femmes dans cette lumière. Jacob avait onze fils. C’est la seule lutte peinte avec témoin.

La hanche démise est-elle un souvenir de notre être boitant avant l’accomplissement ?

Nous sommes tous désert attendant la pluie

Pendant des mois, des années mon esprit se porta vers cette lutte. J’observais les témoignages de cette lutte. Jacob entre les ailes de son dieu. L’obsession fraternelle de dieu. Son désir de consoler l’homme dans cette éternelle lutte contre lui-même. Contre cette absence en lui. L’homme sans demeure. Sans horizon. Sans au-delà. Qui ne lutte sans promesse ?

Quand je sus que tout était accompli le silence se fit et le mystère en moi dessina un autre être qui connaissait les nymphes que seules révèlent d’antiques rêves refusant tout bannissement de cet amour que nous ne saurions trahir. Roseau familier des eaux je vis Narcisse se penchant comme une flamme sous le vent. Fils d’un fleuve il ne pouvait trouver qu’en la fuite des flots le visage manquant. La demeure réelle de sa nature. Le destin éphémère des fleurs. Il accepta ce que les êtres refusent.

Narcisse fut le seul à ne pas lutter, ni avec un ange, ni avec l’eau, ni avec l’amour qui l’avait porté jusqu’aux rives où il s’absorba.

Qui n’est Narcisse ?

Qui n’est noyé dans le souvenir de ce qu’il fût, qui n’est la fleur de ce souvenir qui n’existe plus et que la nymphe Écho nous rappelle, qui ne veut être Narcisse penché sur un visage qu’il aime et ne connaît pas. Qui ne veut soupirer et sentir frémir au ventre, l’onde du premer bain…

Pourquoi lutter avec l’ange, dieu ou soi-même, qui a besoin de lutter contre une fleur ?

 

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Virginie Gautier | Les déprises (09)

Les Déprises est un travail poétique en cours d’écriture, le débord d’un récit qui m’a amené à m’interroger sur la question des ZAD comme zones à défendre. Cette forme poétique est traversée par l’idée de recyclage.

Virginie Gautier mène un travail plastique autour de questions d’espaces et de paysage tout en enseignant les arts visuels. À partir de 2008, elle poursuit ses recherches à travers l’écriture, publie plusieurs récits aux éditions du Chemin de Fer ainsi qu’aux éditions Publie.net dont elle co-dirige la collection de poésie, L’esquif. Elle est actuellement en contrat doctoral en recherche et création littéraire et chargée de cours à l’université de Cergy-Pontoise.

 
 

-ils restent                    des hommes-demoiselles                    avec des nez comme des cor

nets                    des mains                    au bout d’un gant                    dans la forêt

                    robes d’une toile plutôt blanche                    avec des yeux-miroirs qui vous re-

gardent pile où vous êtes plantés                    au risque d’attiser un feu

                    d’enflammer quelque chose de plus grand                    il y en a qui rappliquent et

d’autres qui détalent                    quand                    la peau rasée des tambours

                    des arbres l’aplomb le tombant                    le silence du début d’un spec-

tacle                    quelque chose se prépare                    _puis ils vous font marcher où vous

ne voyez rien d’autre que quelques pointes de flammes                    glaneurs glaneuses

d’obscurité                    posez bien un pied devant l’autre                    habituez vos

yeux pour demain-

 

 
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Virginie Gautier | Les déprises (08)

Les Déprises est un travail poétique en cours d’écriture, le débord d’un récit qui m’a amené à m’interroger sur la question des ZAD comme zones à défendre. Cette forme poétique est traversée par l’idée de recyclage.

Virginie Gautier mène un travail plastique autour de questions d’espaces et de paysage tout en enseignant les arts visuels. À partir de 2008, elle poursuit ses recherches à travers l’écriture, publie plusieurs récits aux éditions du Chemin de Fer ainsi qu’aux éditions Publie.net dont elle co-dirige la collection de poésie, L’esquif. Elle est actuellement en contrat doctoral en recherche et création littéraire et chargée de cours à l’université de Cergy-Pontoise.

 
 

-du mouvement                    rotations saisonnières des récoltes                    qu’ils ramènent

à plein bras des champs                    comme des enfants                    connaissent

                    les fruits les crosses                    les vrilles grimpantes                    (crochets gra-

minées gaillet gratteron)                    garance voyageuse aux croupes des chiens qui s’é-

brouent                    ils ont poussé un jour cette porte d’un jardin                    n’en bougeront

pas                    ou par deux                    par trois                    par tour de garde

veillant sur un banc comme des pierres                    des culs de plomb                    rete-

nus                    ralentis                    _à vue d’œil la ronce aussi ce qu’elle ne peut gommer le

recouvre                    fournit la retraite et l’aiguille                    la lanière                    des

brouillons de phrases mêlées d’averses sous les bâches récupérées d’une serre

                    avec cordes tendues au vent                    provision de palabres                    maté-

riaux tombés d’un ciel                    idoines                    qui font sourire                    ils rest-

 

 
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Virginie Gautier | Les déprises (07)

Les Déprises est un travail poétique en cours d’écriture, le débord d’un récit qui m’a amené à m’interroger sur la question des ZAD comme zones à défendre. Cette forme poétique est traversée par l’idée de recyclage.

Virginie Gautier mène un travail plastique autour de questions d’espaces et de paysage tout en enseignant les arts visuels. À partir de 2008, elle poursuit ses recherches à travers l’écriture, publie plusieurs récits aux éditions du Chemin de Fer ainsi qu’aux éditions Publie.net dont elle co-dirige la collection de poésie, L’esquif. Elle est actuellement en contrat doctoral en recherche et création littéraire et chargée de cours à l’université de Cergy-Pontoise.

 
 

-jeu des routes                    ils déroulent                    en travers                    un morceau de vil-

lage                    fabriquent une chaleur musicale pour traverser la nuit entière

un concert sans fin                    un remix de tous les morceaux                    les cagettes de

pain viendront bien                    les alcools seront tirés des caves                    ils trinque-

ront                    aux convois !                    aux buissons !                    aux dix haches

en état de marche                    au geste de planter son clou                    debout dehors

s’endorment dans un courant s’éveillent avec des voix comme des cymbales                    qui

dureront jusqu’au matin                    avec les grelots d’un troupeau de bêtes                    pais-

sant                    (plantain pissenlit)                    quand on n’a rien on trouve                    les

limes nécessaires                    on se souvient                    du fruit de l’églantier rosa canina qui

réduit les douleurs articulaires et améliore la fluidité du mouvem-

 

 
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Virginie Gautier | Les déprises (06)

Les Déprises est un travail poétique en cours d’écriture, le débord d’un récit qui m’a amené à m’interroger sur la question des ZAD comme zones à défendre. Cette forme poétique est traversée par l’idée de recyclage.

Virginie Gautier mène un travail plastique autour de questions d’espaces et de paysage tout en enseignant les arts visuels. À partir de 2008, elle poursuit ses recherches à travers l’écriture, publie plusieurs récits aux éditions du Chemin de Fer ainsi qu’aux éditions Publie.net dont elle co-dirige la collection de poésie, L’esquif. Elle est actuellement en contrat doctoral en recherche et création littéraire et chargée de cours à l’université de Cergy-Pontoise.

 
 

-nuit très noire/                    où l’on se cale                    on se lèche les plaies                    c’est

dehors qu’est la sauvagerie                    le monde hérissé de panneaux de balises

                    occupe toute la place                    te saisit par le col                    à revers

aussi c’est ça                    défaire                    c’est toute l’entreprise                    détourner les

tournures                    désosser les petites mécaniques                    _calés dans les fourches

d’un arbre ils imitent le cri de certains animaux                    (des oiseaux particuliers)

ils sont la présence invisible pendant les pourparlers                    avance peuple des noues

des roues des pieds nus                    foule masquée                    gens des caravanes

avance                    pour un énième traité de Grande Paix                    puis ramasse là tes

mauvaises graines                    dégage ton troupeau                    c’est assez joué avec l’enjeu

des rout-

 

 
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