Sara Bourre | Chant d’Annabelle

Sara Bourre

Sara Bourre écrit et se produit régulièrement sur scène avec le collectif CLN (projet musical au sein duquel se rencontre poésie, matière sonore et visuelle), et le groupe Crashing Dolls.

Elle a publié des textes poétiques dans plusieurs revues, ainsi qu’un livre aux Éditions du Cygne « À l’aurore, l’insolence ».

Elle est actuellement en master de création littéraire à Paris 8.

 
 
 

 
 

Sous quel soleil te caches-tu
si tu te caches
si tu cueilles un à un mes cheveux dans la nuit
si le sable au coin des yeux te fait rire comme un fou à l’approche des tempêtes
je pense à toi comme on dérive
avec beaucoup de sang dans les paumes de main à force de m’accrocher aux branches

dans quel désert ton corps se plie

ma peau fantôme
ma peau de crime et de sueur
avec quelle main la sèches -tu
et quel regard donner à l’amour qui sans prévenir
se balance des falaises

donc tu me laisses
tu pars
tu avances dans l’oubli de mes yeux
parfois la nuit je te devine
la chambre bleue vacille
tu manques à ces murs
tu manques à tout ce que je touche
dans le sommeil je te sais droit et fière
les yeux plein d’un soleil rouge
les mains ouvertes aux fracas des mémoires des rires des cris

tu m’attends

lettre après lettre je trace l’histoire
je remonte à l’envers le chemin du corps
je joue à me crever les yeux à coup d’absence et de désir
je marche comme une aveugle
comme une morte
comme une folle – ils disent
avec leurs voix de fer
ils disent voilà la folle et je me courbe
je me découpe à l’intérieur
avec les dents je m’arrache et me donne à bouffer aux chiens
voilà la folle – Annabelle la putain
la sœur de crime et de nuit
la traînée l’indécente la furieuse l’impossible
voilà celle qui ne regarde rien
et qui se vautre dans toutes les ombres

je trace ton corps
je trace ta route et chaque matin
je t’attends sur la pierre brûlante
derrière la maison
là où aucun regard ne se pose

sous quel soleil marches-tu
Quelle routes
Quels vertiges
Est-ce qu’entre tes lèvres
mon nom encore
comme une prière
un appel
un chant
un cri

me voilà nue
bercée par le brouhaha des souvenirs
les pulsations de l’enfance
secouée comme une garce
par les mains larges de la honte

me voilà sans visage
et revenue de tout
me voilà sans raison
la peau du frère jetée aux marées noires de l’oubli
ma propre peau en vrac
dans la lumière crue
et la bouche
la grande bouche de ma mère qui
depuis ce jour
ne parle plus
juste le geste et faire mine de ne rien comprendre
ne rien savoir
ne pas cligner des yeux face à celui qui
sans un regard
un matin
ferme la porte et un pied devant l’autre
s’en va

la route sur laquelle je marche plonge dans la mer
je suis bête et violente au dedans
je suis abrutie par l’odeur de mon propre corps
qui sans toi continue
sa mascarade
son théâtre de pacotille
ses histoires à dormir debout
à l’envers
et qu’importe le sens de la marche
j’avance les lèvres sèches
assoiffée
bête et violente au dedans

voilà la folle – Annabelle la putain
la sœur de crime et de nuit
la traînée l’indécente la furieuse l’impossible
voilà celle qui ne regarde rien
et qui avance
avance
avance.

 

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