Mathieu Brosseau | L’amour est art populaire

Notre collaborateur Mathieu Brosseau publie L’Exercice de la disparition au Castor Astral, dont nous sommes honorés de présenter un extrait.
L’Exercice de la disparition est un ensemble de poèmes hallucinés polymorphes et foisonnants dont on comprend et ressent l’évolution et l’unité au fil des mots.

Mathieu Brosseau nous incite à voyager à travers le temps pour atteindre nos fondements, avant même nos perceptions et représentations. À force de casser notre boussole littéraire, de surprise en tournure, de vision en pirouette, il y parvient.” (site de l’éditeur)

Quelqu’un d’hier ou que sais-je, une photo un souvenir,
Grand-ma, mommy ou le cosmos
Un œil tendre le vôtre tourné vers une perte
Une perte qu’on
Vous a apprise une douleur
Comme un plaisir
Un creux dans la route, ça cabosse,
une forme qui rompt, une forme qui heurte et rappelle votre
perte, bébé plus, plus fusion, non
une forme moule, faites
faites couler la pâte en celui
faites couler ce dé hasardeux
ce désir bègue, ce dé
faites le couler amnésique dans le creux
faites-le

— oh qu’il est ame…
— oh qu’elle est moule lave liquide
— oh qu’il est amour bouillon
— oh qu’elle est forme rêvée jamais vue

alors que
toujours le canon tonne il aspire, conformité aspire

Le refrain des amours
Plâtre ce modèle, vous
Coulez votre transport, voix tendre, oh chérie, votre
Désir sans mémoire pour un nouveau temps,
Nouvelle histoire, dans le patron aux mesures de Vitruve,
Mesures connues comme phrase musicale
Quelques notes et s’achève l’histoire

Faites couler votre pâte dans un moule, vous le faites
Vos désirs et oublis, pareils pareils,
deux petites croches sur une partition palimpseste
pareilles pareilles

et si là, vous tentiez telle ou telle couleur,
ou matière, ou approche, ou cette parade nuptiale jamais
encore proposée
à cette douce qui passe
à ce doux qui envole

Désir comme l’oubli, marqueur des présents recommencés,
Désir comme début d’ère nouvelle
Cet amour pratiqué comme sport communautaire
Cet amour réclamant le vide avant l’éruption

Le dedans avant de s’en extraire

L’intérieur et son départ comme un art,
Une recherche instinctive
Et une occupation

— Que croire quand vide ?

Passer le temps pour
revenir sur son arrête
revenir et renaître dans cette tension attirance et mots séduits
mots d’apparat

Mots que vous prononcez

— Je vous ai tant entendus

Vous forgez votre art sans le savoir
Sans mémoire et le reproduisez dans son modèle
Trame d’une histoire connue
Théâtre rejoué encore et toujours

La pâte en ce moule translucide, pensé lévitant sans contours,
La danse nuptiale que vous pratiquez, coulée dans le plat conforme
Et puis l’ajout de vanille, et quelques grains de lits,
Avant d’y mettre quelques déchirures de farine et grumeaux,
Avant d’y mettre le feu, ce four, avant de consommer,

Et le ronron du goût si connu, l’amour de l’ailleurs
Désiré irrespirable

Sorti du moule, l’histoire tient et cet art a la forme d’un oubli
Plus, plus, lassitude a sonné devant le rien restant

Vous le saviez, nécessaire chute,
Pourtant, larmes tombes, théâtre habité d’une vie la vôtre,

— Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche et viens te coucher avec moi.
— Ma mère-grand, que vous avez de grands bras !
— C’est pour mieux t’embrasser, ma fille.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes !
— C’est pour mieux courir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles !
— C’est pour mieux écouter, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux !
— C’est pour mieux voir, mon enfant.

Et toujours en sursaut le réveil ne pas
Ne pas se souvenir du cauchemar
Vous avez pleuré cette cette
Cette histoire

C’était dit, votre peur vos larmes étaient dites,
L’oubli aussi, ignorer le scénario invite au vide
Invite à revenir au présent un autre

Renouveler sa pratique
Passer le temps dans l’espoir de passer sa peau, rejoindre l’autre

L’amour est un art populaire

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