La musique, et la musique populaire surtout, s’écoute avec oreille disposée à la profondeur de champ. Comment dire : vous découvrez un jour un disque, il vous accompagne, vous l’oubliez. Dix ans plus tard il revient, et c’est comme si vous ne l’aviez pas quitté (pour peu qu’il vous ait un tant soit peu plu, évidemment). Le cas Katerine est plus que problématique. Il a fallu tout ce travail d’absurde gentrification de la personne, sciemment, consciencieusement, pour aboutir à une espèce de chef d’œuvre comme Le film (#161 de notre liste), paru après bien des réussites éparpillées ici ou là, ou encore l’inénarrable (et génial) 52 reprises dans l’espace. Et en même temps, il a fallu à l’auditeur tout l’apprentissage de ce cabotinage mélancolique cinéphile expérimental hype et décontenancé, tout ce qui, a priori, n’est pas notre tasse de thé (je veux dire nous, les cinq-cent quarante millions de francophones de cette planète, moins les habitants intramuros de Paris), pour parvenir à entendre ce genre de disque, paru en 1999, au milieu des Chemical Brothers, Red Hot, Jamiroquai, Moby, pas une grosse année anglophone, mais c’est aussi, en français, Céline Dion, Florent Pagny, Pascal Obispo. Seul le 113 (Les princes de la ville, #375 de notre liste) relève le gant. Donc, c’est une chance d’écouter ces chansons solo, guitare/chant, toujours surprenantes, et même, cruellement mélodiques (qualité qui semblait alors être devenue totalement marginale alors). Katerine, déjà farfelu et tendre, se prend au sérieux, se pose comme auteur, et il faut bien reconnaître que cela fonctionne. Il y a bien des choses un peu révolues (le grand usage du montage sonore), mais dans l’ensemble les chansons se tiennent et fonctionnent, et même si on est rétif à la bossa nova (comme mon épiderme). (À noter que l’album est venu avec son parèdre, Les créatures (#283), où se trouve l’un de ses premiers tubes grand public, Je vous emmerde; que j’ai choisi de traiter séparément, parce qu’il s’agit somme toute d’un projet différent.)