151. Jacques Brel, BREL, 1977 | BV



 

Paraphrasant Akhénaton, je dirais “Je me souviens encore mais pourtant je devais être petit” et sans évoquer Scarface, je dois avouer qu’en 1977 je ne peux pas me souvenir. Mémoire familiale, déjà-vu collectif, réimpression ? Chez Phillips, à Dieulefit, la pochette de ce disque en vitrine. Pochette un peu trop kitsch d’ailleurs, mais efficace oui.

Dernier album du maître belge donc, et est-ce que ça vaut le coup, est-ce que ça a pu valoir le prix de l’attente, presque 10 ans depuis 1968 et l’album numéro dix intitulé plus tard J’arrive, et 11 ans depuis les adieux à la scène.

Et ce n’est pas exagérer de dire que cet album incarne les adieux aux humains tout court (comme disent les Français). Du Brel net, précis, qui défonce tout sur son passage, pulvérise dans tous les recoins, politique, social, intime, personnel… un petit concentré de Brel finissant, et, comme il le dit, “qui persiste et signe”. Des gauloiseries comme Les remparts de Varsovie, Le lion, parfois plus cyniques comme Les Flamingants, des farces acerbes et lucides, comme Mourir, Knokke-le-Zoute tango (qui rappelle La chanson de Jackie) ou des pièces intimistes qui confinent à la sensiblerie sans y tomber, comme Jojo, Le bon Dieu, Voir un ami pleurer

Mais Brel, informé de sa fin, transfiguré par sa clairvoyance, se pose également en auteur accompli, figure intermédiaire entre Quichotte et Drogo, dont il distribue le destin dans des vers ciselés, de magnifiques chansons qui sont de véritables poésies : Orly, et l’intemporelle La ville s’endormait.

Et lucide, avec ça, “pourquoi ont-ils tué Jaurès” ?