173. Dire Straits, Dire Straits, 1978 | BV

 




 

Sans le carrousel de mes dés, je n’aurais pas songé à traiter ce disque aussi vite. D’ailleurs sans l’entêtement de ma Souche (c’est donc le nom du fichier source qui regroupe tous ces disques en un seul aleph), je n’aurais peut-être même pas pensé à traiter DS du tout.

Disons-le d’emblée et tout net : c’est leur meilleur album, et de loin pour tous les autres sauf peut-être Making Movies.

C’est l’album de l’exorde, et c’est donc la première chose qui frappe : un son très travaillé en total décalage avec l’époque. Du moins pour un premier disque, parce qu’on a l’impression ici d’un style vaguement suranné ou rural qui s’approche plus de JJ Cale, maintes fois évoqué pour parler du groupe, voire de Tom Petty ou Fleetwood Mac — sans oublier Dylan pour la voix.

C’est tout le coup de génie de cet album : sonner décalé dans un monde où le décalage est de mise (où règne le punk, qui balaie toute musique populaire sur son passage), avec pour risque assez évident de retomber assez vite sinon dans la tradition du moins dans la routine (et c’est bizarre de passer à côté de Police pour courir après Clapton ou donc Dylan). Ou pire, l’ennui. Pour y remédier, Mark Knopfler se croira assez jeune et large d’épaule pour donner une envergure progressive à sa musique. Et paradoxalement, il y perdra des plumes (l’envergure a ce défaut que le soleil brûle). Mais c’est une autre histoire.

Pour l’instant le groupe, hyper cohérent (une rythmique impeccable de Pick Withers dont le départ signe pour moi la fin des bonnes idées — et pour cause, c’était une mauvaise idée), dynamique, bien produit (là encore Knopfler voudra gérer en direct), tricote à toute allure ce rock-steady acéré, effilé, classieux, parfois même brillant, tout adonné à la guitare, encore insatiable, dudit. Je n’en dirai guère plus, j’ai écrit un livre sur cette période où tout est possible, et tout va se fracasser la gueule sur des soupes de théâtre de comédie, de plages de synthétiseurs et de star-guitar-hero-system. Mais tout est là, y compris le dobro (succédané de National Steel Guitar pas dégueu), le jeu, la voix, les paroles même. On retient : Down the waterline, meilleur intro de disque depuis longtemps (quinze jours au moins), Six blade knife tout en retenue, et puis une autre, au choix.