Archives de catégorie : Chroniques

733. Adam Ant, Friend of foe, 1982 | BV

 


 

Ce coquin de Malcom McLarren, vers lequel s’étaient retournés les membres de Adma and the Ants pour muscler leurs ventes qui avoisinaient l’infinie asymptote, les prenant donc sous son aile, fomente une mutinerie contre leur chef, nommément Adam Ant, et les autres membres le foutent dehors, et fondent les Bow Wow Wow. N’imp.

Ils avaient pourtant réalisé leur troisième et super album, Prince charming (#521), muni de deux singles notables. N’imp.

Devant cet état de fait n’imp, Adam Ant fonde son propre groupe en solo, sobrement intitulé Adam Ant, et Friend of foe est son premier essai. Puisqu’on n’en est pas à une étrangeté près, on y mettra une reprise des Doors (Hello I love you) et une section de cuivres très présente. On oscillera entre rock’n’roll basique et excursions plus new wave, mais dans l’ensemble, on garde l’esprit punk, c’est à dire, en l’espèce, « desperate and not serious ». Et ça marche.

Adam Ant ira, lui aussi pionnier qui n’a pas froid aux yeux, vers le hip-hop blanc (?), et vers d’autres territoires, toujours avec Marco Pirroni (Sinead O’Connor, The SLits) tout en voyant sa réputation décliner petit à petit, jusqu’à la dépression et un modeste retour ces temps-ci après vingt ans d’absence. Ce premier album reste sans doute, avec le dernier d’Adam and the Ants, son effort le plus notable.

 

 

933. Kool Keith, Black Elvis / Lost in space, 1999 | BV

 


 

Il m’est toujours difficile d’écrire une chronique sur un disque de hip-hop ; si je l’apprécie (et on ne trouvera dans la Souche à peu près que les disques que j’apprécie, la vie est trop courte), ce sont pour ses qualités intrinsèques, avec deux limites majeures : je n’ai pas une très grande culture du mouvement (ni historique, ni esthétique) et, s’il n’est pas en français, ce qui arrive dans le rap, souvent je ne comprends rien aux paroles, qui sont pourtant paraît-il essentielles en hip-hop.

Donc je chronique à vue. Réécoutant ce drôle d’objet vert, je me sens tout de suite bien (même dans l’intro qui souvent ressemble plutôt à du remplissage inutile).

Kool Keith (aux multiples identités dont l’influent Dr.Octagon) connaît son affaire (le flot, le touche, etc.), mais à la différence de ses camarades, une touche d’excentricité, comment dire, retenue, un côté pince-sans-rire, soutient tout ici des paroles aux samples, des rythmiques au flot. Certes, on est informé des performances sexuelles du bonhomme (Supergalactiv lover), et on a droit à tout le tralala du hip-hop dont visiblement les gens ne sont pas lassés après quarante ans de muscles, de chibres et de bagnoles à la noix.

Mais il y a quelque chose d’abstrait dans ces sons, comme si Antipop Consortium était passé par là, avec même parfois un débit presque proche d’un Zack de la Rocha (de RATM). Comme d’habitude, c’est trop long, mais on est tout de même enchanté par ce son interstellaire, futuriste, faussement sérieux, qui raconte des histoires bizarres comme dans I’m Seein’ Robots ou Lost in Space… le Black Elvis, avec sa banane, nous emmène dans un monde bizarre, pour le moins original dans le paysage très codifié du genre.

 

 

117. Dominque A, La mémoire neuve, 1995| BV

 


 

Dominique A a représenté pour moi, pendant un temps, parmi les écritures les plus exigeantes que les belles et insouciantes et nerveuses et déprimées années 90 ont pu nous offrir, et c’est à partir de cet album qu’il s’affirme au plus grand nombre.

C’était l’effervescence d’une espèce de renouveau de la chanson française, porté par Dominque Ané, mais aussi Têtes Raides, Katerine, Yann Tiersen ou Noir Désir, pour citer des gens très divers (et Louise Attaque, et Miossec, et Thomas Fersen…) Tous collaboraient plus ou moins ensemble, et tous revendiquaient plus ou moins l’héritage de Bashung ou Higelin, mais aussi de Brel ou Brassens, et via plus récentes étincelles telles Rodolphe Burger ou Hubert-Félix Thiéfaine.

Cet album accède même aux bandes FM grâce à son beau single Le Twenty-Two Bar. Une orchestration d’une esthétique étrangement très cinématographique, presque western (Calexico), qui oscille, musicalement, entre les dingos de cette époque (Burton, Kustorica, Lynch, et oserais-je, Gaultier, Goude, Jeunet…). Dominique A reste sobre, et réservé, tout en étant généreux sur ces arrangements ; la voix de Françoiz Breut amène un peu de sombre légèreté. Les mélodies sont soignées. IL n’y a pas de recommandations (comme sur d’autres albums), dont on se passe, ni de tortures ad libitum. Il y a même un humour distancié qui se tient.. Dans la Souche, c’est le premier de l’artiste, devant Remué, puis La musique.

 

 

518. The Rolling Stones, Dirty work, 1986 | BV

 


 

Vous allez rire, mais j’aime beaucoup cet album.

Je pense même, en conscience, et en toute sérénité de corps et d’esprit, que c’est l’un des meilleurs des Stones (dans la Souche, c’est le… septième !, après la Sainte Quadrilogie Intouchable 68-72 (#2, 30, 76, 107), et Some Girls (157) et Blues and lonesome (160) !), et l’un des meilleurs disques de rock des années 80. Surtout cette année bien bien rude qui voit naître le CD et exploser Money for nothing, entre INXS et Simply Red. On ne nous aura rien épargné.

Certes les fans des Stones (mais pourquoi se faire du mal ?) regrettent à pleine cordes que le groupe se sépare sur cet album. Victime collatérale : Charlie Watts, qui sombre dans la drogue. Qui l’eut cru ?

J’en ai déjà parlé souvent, pas la peine de s’attarder. IL y a des morceaux dégueulasses (Back to zéro), ou inutiles (Hold back), mais vite oubliés devant les deux reprises parfaitement interprétées, le single (!) Harlem shuffle, et surtout Too rude, qui deviendra un fer de lance de Keith Riff hard en live solo. Et puis il y a des morceaux de bravoure comme I had it with you, drôle de boogie déjanté, le lyrique Sleep tonight, et ce qui reste pour moi une petite perle très « Exile », le morceau éponyme (la batterie de la fin est tout simplement époustouflante -> effets de la drogue ?)

C’est un disque en effet de transition, qui tient à la fois de Undercover (1983) (que je considère le moins bon album des Stones pour ma part et le retour de Steel Wheels (1989) ; l’absence, la séparation aura été de courte durée ; et si ce disque en est l’emblème, on peut honnêtement considéré que le jeu en a valu la chandelle. C’est un album ou Keith travaille beaucoup, la production est énorme, musclée, et, autre effet collatéral ?, la voix de Jagger est hargneuse et décidée.

On est quelques-uns, je le sais (F, G…) qui l’apprécions. Ça ne le rend que plus aimable.

 

 

778. Prince, Sign o’ the times, 1987 | BV

 


 

Que les choses soient claires, j’aime beaucoup, beaucoup, mais beaucoup, Prince.

J’ai écrit un livre, qui n’a pas paru, sur lui. Je l’ai vu en concert, je l’ai vu en after, j’ai dansé avec lui, j’ai nagé avec lui.

J’aime beaucoup de choses de lui, ses paroles, son malin génie, son astuce, son esprit, son intelligence, son talent, son style. Ok. Ensuite on ne peut constater qu’il peine, incontinent qu’il est, à réaliser un album complet cohérent et soutenu. Pour ma part je trouve une exception, et c’est Parade (#89). Mais Sign o’ the times est une exception dans l’exception.

D’aucuns disent que c’est le pic créatif du pourpre-follet. Universellement acclamé, il pose le rythme, la liberté, et la puissance de l’artiste. C’est certain.

Il y a donc tout un tas de morceaux, puisque c’est un double-album, très hétéroclites, comme de convenu. Des trucs pour s’éclater comme Housequake, des trucs qu’on dirait sortis d’un Atari (The Ballad of Dorothy Parker), des cris, des pleurs, des geignements, des chansons pour aller bosser, d’autres pour ken, d’autres pour chialer sa race, d’autres pour pier, d’autres enfin pour les blancs.

Il y a un coup de génie (Strange relationship, magnifiée en live 15 ans après).

Mais il me semble que la pochette dit tout cela mieux que quiconque ne le ferait quiconque (et je passe aussi sur la production). Aussi, pour conclure, il faut le dire, et aller l’écouter : il y a surtout un PUTAIN DE CHEF D’ŒUVRE, sur cette galette, qui est la chanson éponyme, Sign o’ the times. À la fois grasse et brillante, concernée et relâchée, étonnamment instrumentalisée, guitare présente sans excès, paroles idoines, c’est un sacré petit bijou, d’une force esthétique telle que, s’il l’avait étendue à son royaume, il en serait devenu le souverain.

 

 

1138. The Walkmen, Everyone who pretended to like me is gone, 2002 | BV

 


 

Bizarre de sortir ce disque après le Barrett de la semaine dernière… il y a quelque chose dans le chant qui n’est pas très lointain.

Album typique de l’époque, trop long à mon goût, pas excellemment produit, avec de bons morceaux (les deux premiers), et d’autres tout à fait passables. Intelligent, sans être génial, il devient vraiment bon dans l’abstraction (Roll down, Wake up, Stop talking)

 

 

902. Syd Barrett, The madcap laughs, 1970 | BV

 


Premier album de Syd Barrett, cette fois définitivement issu du Pink Floyd qu’il a pensé, et en partie produit par David Gilmour (son successeur au sein du groupe) et Roger Waters, il est tout à fait dans la lignée de la fantaisie de l’artiste échevelé. Les morceaux produits par ses comparses sont un chouia plus intéressants — mais la matière est bien la même, celle de Barrett même.

J’ai sans doute une préférence pour le deuxième album (Barrett, #46) parce qu’il est peut-être vaguement plus inspiré (difficile à dire, sorti la même année, cette fois produit en partie par le même Gilmour avec Richard Wright), et peut-être aussi un peu moins longuet, plus direct (j’ai contrôlé,il fait pourtant une minute et deux secondes de plus).

Il y a de belles choses, bien sûr, toutefois, ici, comme l’étrange Dark globe ou l’envoûtant Golden hair. Dans bien des instances, on a l’impression d’un disque de garage, d’un folk bancale, original mais qui se serait coincé la guitare dans la porte (Feel et surtout If it’s in you sont tout de même bien gonflées à balancer au public).
 

 

447. Jacques Brel, Ces gens-là, 1966

 


 
Comme c’est le cas pour les collègues de son époque, la discographie de Brel est particulièrement chaotique à ses débuts, où la formule ‘album’ n’est pas première. Celui-ci, à l’origine sans titre, parfois comptabilisé dixième (dans l’intégrale), est renommé plus tard Ces gens-là.

Eh bien Brel est pratiquement au sommet de son art, et toujours plus désespéré. Magistralement servi par Gérard Jouannest et Jean Corti, plus les arrangements et la direction de François Rauber, l’album est joue plutôt dans la catégorie « sombre ». À se jeter dans la Meuse.

Si l’on met de côté les « gentillesses » typiques du jeune Brel (Les bergers) et son côtés pacifiste grandiloquent (L’âge idiot), qui sont deux morceaux un peu inférieurs dans la composition, et les sensibleries comme les Désespérés qui rappellent Les paumés du petit matin et anticipent Orly… et, si on les trouve un peu trop joyeuses, si l’on passe sur l’excellente et satyrique Grand-Mère (sur le versant humoristique… meusien), et l’irrésistible Tango funèbre, le reste est proprement parfait, dramatiquement parfait. Qu’on en juge : Mathilde, Jacky (salut Dieulefit), Jef… Enfin, extraordinaire Fernand, incroyable Ces gens-là. A mettre d’urgence entre toutes les oreilles.

 

 

666. Moondog, Sax pax for a sax, 1994

 


 

Quelle flaveur new-yorkaise dans cet opus qui fait presque office de bilan d’une carrière et d’une vie mouvementée. Du moins est-ce mon impression, puisqu’il est bien stipulé que l’album et une collaboration entre Moondog et le London Saxophonic, ensemble de saxophones.

C’est peut-être moins d’avoir gardé en image ce grand guerrier casqué et aveugle dans les rues de New York City que de cet entrelacs de jazz tout droit sorti d’un gala du Radio City Music Hall qui donne cette impression.

Bilan, en tout cas de ses travaux pour le saxophone, dont Moondog (Louis Thomas Hardin) a le pétulant secret… faisant la part belle aux sonorité et aux variations savamment orchestrées d’un instrument qui sait difficilement rester discret. Et il y parvient, loin de l’improvisation, dans un art du contrepoint maîtrisé à l’extrême (et donc chacun reconnaît la maîtrise).

 

 

410. Bonnie « Prince » Billy, The letting go, 2006 | BV

 


 

Lo-fi, freak music, gothic ou alternative country, americana ou punk acoustique, les étiquettes conviennent difficilement au profil de Will Oldham, qui a adopté sur le tard le pseudonyme de Bonnie « Prince » Billy.
Cet album, qui est parfois considéré comme son plus abouti, présente essentiellement des balades qu’on peine à rattacher à de la pure country en effet, oscille entre Bert Jansch James et Nick Drake (clairement assigné), mais aussi étrangement un je-ne-sais-quoi de Neil Young ou de Tim Buckley.

L’atmosphère étrange (l’album est enregistré en Islande), la fermeté de la voix (et de son double par Fiona, et la hardiesse des arrangements (The seeding ?), offrent un recueil de petits contes plus ou moins cruels, faussement mièvres ou naïfs, d’une drôle de mélancolie.