Luc Garraud qu’on a déjà accueilli par le passé dans Hors-Sol propose aujourd’hui une longue série de textes brefs, qu’il appelle Herborisations, et dont voici, dans cette suite, neuf extraits.
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Le couloir est éclairé par des fenêtres qui donnent sur le jardin, il y a, accroché avec d’autres, un portrait dans un cadre doré, aussi grand que le visage du gars qui l’occupe, on le reconnaît tout de suite, bien au centre il n’y a que lui, du premier coup d’œil, une sorte de profil de face, habillé si l’on peut dire d’une chemise froissée avec un col ouvert, rien de plus qu’une photo couleur Ektachrome, à moins que ce soit une peinture hyperréaliste. À bien regarder, on est surpris, l’intérêt capte l’attention tout de suite et nous terrifie dans la même seconde, seul moyen de détacher le regard hors du cadre. Un balayage rapide dans le moindre détail, dans les recoins noirs sombres du portrait, ceux qui s’éclairent et tiennent le regard. Il a dû se passer des trucs, pour que l’on soit interdits, stupéfiés et déçus, d’un coup méconnaissable. Il ne se ressemble plus du tout, ce n’est plus lui. Ce qui frappe le plus, c’est cette tête que l’on connaît bien, que l’on peut nommer sans problème, mais qui possède à l’instant la mémoire de ses têtes d’avant, une tête à souvenir d’enfance. C’est un portrait bien mal cadré avec en arrière-plan des arbres et des herbes, un ciel sombre de nuages très exubérants, des petits coins de ciel bleu ou tout brille, ce n’est pas simple de se regarder dans un miroir le matin.
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