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Victor Martinez • La langue est sans pourquoi : avènement de la couleur chez du Bouchet


                                                                  dans la substance de la couleur
                                                il n’y a pas de couleur

(Carnet 2)


Nous connaissons le titre d’Angélus Silésius, La Rose est sans pourquoi, qui est une réflexion sur la conception du langage et de la réalité. Si « la rose est sans pourquoi », c’est parce que, pour Silésius, la réalité n’a pas de signe, qu’elle est sans détermination dans une objectité dont la nomination serait dépositaire. Cette idée peut se retrouver intacte dans des problématiques esthétiques XXème siècle, autant en Occident qu’en Orient. Claudel ouvre ainsi Cent phrases pour éventails : « Tu m’appelles la Rose / dit la Rose / mais si tu savais / mon vrai nom / je m’effeuillerais / aussitôt ». Or, la seconde « phrase » de Cent phrases pour un éventail a trait, de manière non indifférente, à la couleur : « Au cœur / de la pivoine blanche / ce n’est pas une couleur / mais le souvenir d’une / couleur (…) ». C’est ainsi, assez naturellement, que l’on se souvient de « L’art poétique » de Verlaine, qui écrit, prenant ses distances avec la couleur en tant que coloris : « Pas la couleur, rien que la nuance ». Il faut que la couleur, comme la rose ou la langue, soient « sans pourquoi ».

La couleur, que l’on a assimilé très naturellement avec l’éloquence ou la rhétorique, se doit paradoxalement d’être « muette » ou « invisible » pour qu’elle fournisse sa valeur intacte, à l’écart, précisément, du signe ou de la catégorie. A l’écart des catégories de la perception ou de l’entendement se situerait une dimension de la réalité, ou du monde, qui détiendrait précisément ce qui dans le monde fait réalité et n’est pas recouvrable par l’appareil logico-grammatical de formalisation de l’expérience. Une sorte d’expérience d’en dehors les catégories de l’expérience aurait lieu dans une dimension esthétique, qui n’est pas simplement une dimension aisthésique ou de sensation.

L’avènement de la couleur dans l’œuvre d’André du Bouchet s’inscrit dans cette problématique générale. Un détour par la théorie du sensible est préalablement nécessaire.


Théorie du sensible

La question posée est double :

1. Pour l’écrivain ou l’artiste, comment dire ce qui n’appartient pas à une catégorie et n’a pas de signe (la réalité, la couleur, le sentiment, ce qui n’est pas assignable dans une langue positive) ?

2. Pour les analystes que nous sommes, comment décrire ce qui précisément ne doit pas pouvoir se saisir objectivement, selon des catégories analytiques fermes ?

La problématique est classique et revient à se demander comment échapper au double écueil de l’objectivisme des sémiotiques positives et du subjectivisme des impressionnismes rhétoriques. Ce questionnement poursuit la question littéraire et artistique depuis ses origines. Elle croise, au XXème siècle, les réflexions sur le sensible et la perception.

Dès qu’on parle de la notion de « sensible », on pense, du moins historiquement et en France, à Merleau-Ponty. Un bon pendant théorique à l’esprit de Merleau-Ponty est celui des « sémiotiques objectives », dont Fontanille est, dans le domaine du sensible, un représentant. On sait moins comment s’articule le sensible dans l’œuvre du phénoménologue. Le domaine du sensible a une double articulation. D’une part il s’articule à un fond de sensations et de perceptions qui n’est pas simplement une hylé, un flux sensationnel, mais un existential, c’est-à-dire un sol de conditions sur lequel l’individu ne peut se retourner. Merleau-Ponty se réfère à Husserl et à « L’arche-terre [qui] ne se meut pas ». Une problématique originellement de perception devient une problématique de condition qui affecte le statut du langage et de la représentation.

Mais si le sensible s’enracine dans ce fond qui n’a pas de signe, et y revient pour s’y confondre à nouveau, il s’articule aussi avec « l’inapparent » ou « l’invisible » , où il éclate jusqu’à disparaître. Le domaine du sensible, c’est-à-dire officiellement du tangible, peut éclater dans une « invisibilité du visible » , par exemple, où il apparaît comme intangible. C’est ainsi que Claudel peut écrire qu’« un certain rose est moins une couleur qu’une respiration ». Autrement dit, en termes phénoménologiques, une donnée sensationnelle ou perceptive est moins une sensation ou une perception qu’une Stimmung, qu’un pneuma, qu’une intonation. Ce que nous disent les phénoménologues, ou certains poètes comme Claudel, c’est que le marqueur ontologique de la réalité est moins ce qui se voit que ce qui se sent comme marqueur ultime de réalité.


Poétique d’André du Bouchet

Cette idée de couleur semble se construire à partir du domaine du sensible, du tangible ou du visible, et rejoindre analogiquement la question de l’éloquence et de la rhétorique, notamment la question de la métaphore. La métaphore est « l’éclosion » du style, pourrait-on dire. Assez naturellement le champ floral apparaît pour dire ce moment de création inattendu qui vient colorer un énoncé, et le transformer en parole esthétique, poétique ou artistique. C’est toute la conception traditionnelle de la langue qui est mise à jour. Contre cette conception de la langue semble se prononcer la réflexion de du Bouchet.

Le poète partage avec d’autres auteurs de L’Ephémère, Bonnefoy, Dupin ou Jaccottet, un intérêt pour la peinture et pour la nature ou l’univers sensible. Cependant, par la radicalité de ses positions et l’extrême singularité de sa langue, du Bouchet produit une pensée qui, comme ont fait les présocratiques, semble « physicaliser » la langue, la renvoyer à des constituantes physiques et logiques qui en permettent de la recomposer à un niveau matériel et énonciatif particulier. Il faut donc plutôt rapprocher du Bouchet de Celan : comme lui, il est moins le poète du retour au sensible que de la destruction de la langue par la voie du sensible. En effet, si retour à l’élément il y a, c’est pour porter la langue à un état élémentaire d’atomisation qui contienne, à un niveau invisible et hors d’appréhension par le régime du discours, sa qualité paradoxalement intacte. En quelque sorte, pour Celan et du Bouchet, la langue n’incorpore pas la destruction : c’est la destruction . Le rapport au détruit est d’emblée naturalisé et conditionne un travail de recomposition au sein même de la décomposition. La destruction, pour du Bouchet comme pour Celan, c’est la possibilisation de toute la langue et sa résurgence dans sa qualité de support inentamable, la « pause du terrible / dans la langue, lorsque dans la langue / il a pu enfin être incorporé » .

C’est exactement à ces moments de recomposition et de respiration que fleurissent les couleurs dans certains textes de du Bouchet.


L’avènement de la couleur

Du Bouchet s’est exprimé très clairement sur la « couleur », mot dont il fait le titre d’un recueil en 1975 et de certaines parties de ses livres. Le poète propose une résolution intéressante concernant les problématiques de langage et de représentation incessamment reposées depuis le moyen âge, notamment avec Angélus Silésius.
https://hors-sol.net/revue/wp-admin/post.php?post=912&action=edit&message=6
D’abord, au niveau plastique, le poète a travaillé avec de nombreux artistes. Tal Coat, Bram van Velde, Tapiès, Asse, Giacometti, Mirò, Hélion : des éditions illustrées sont faites en collaboration avec de grands peintres. A tel point que du Bouchet, poète identifié avec le blanc de ses mises en pages dans les éditions courantes, est surtout au départ un poète de la couleur. L’espace du blanc, dans les mises en page très aérées de l’auteur, est peut-être l’espace de la couleur des éditions d’artiste tel qu’elle n’a pas pu être reproduite dans l’édition pour le grand public. Cette impossibilité technique et éditoriale, le poète l’a saisie pour éloigner le blanc des idées de neutre ou d’absence, avec lesquelles on l’identifie encore, et l’inscrire dans une problématique du sensible et de la respiration. Le blanc serait l’espace-temps du souffle et de la couleur enfouie. Le blanc serait toute la couleur rentrée dans la page et devenue « ton enfoui » :

Non, peinture, parole, image, cela est à rentrer, et cela rentre aussitôt que j’arrive à rejoindre un ton enfoui (…).
Non, plus d’image, pas de couleur (quand même cela incomberait à image et à couleur de le dire) mais en plein jour arracher à la parole, à la couleur, un visage auquel il nous faut demeurer aveugles, et se traduisant parole bloquée.

(L’Incohérence, « Peinture », p. 170)


Nous notons ici que « peinture », « couleur » et « image » sont rapprochés. Ils renvoient à une forme d’éloquence de la langue ou de l’œuvre plastique mises sur le même plan d’analogie. La couleur comme l’image sont les moments passagers qui doivent délivrer la tonalité du vivant. Pour que cette tonalité reste vivante, il faut qu’elle soit entrée et sortie dans le matériau. Il faut que « dehors entre et sort[e], sans porte à pousser », écrit le poète. La couleur, comme l’image, font éclosion dans la page mais reviennent au monde muet du matériau (langue ou peinture) ou du vivant (respiration, pneuma, Stimmung) qui sont les marqueurs de la réalité du présent. C’est lorsque la « parole [est] bloquée », écrit-il, c’est-à-dire lorsque le pouvoir des signes s’immobilise, moment souvent qualifié « d’aveugle », que l’éclat de la couleur ressurgit hors de l’idée de couleur.

La couleur ainsi désigne moins une teinture que le fait même de la labilité de la couleur. Etymologiquement la couleur renvoie à ce qui cache, à ce qui se superpose pour cacher (celare). Mais par la vertu de l’assonance, la couleur est littéralement « ce qui coule », ce qui passe insensiblement à travers les matériaux pour leur donner leur éclat. C’est à l’éclat du ton, qui n’a pas de couleur, que la couleur renvoie.

Le blanc apparaît ainsi, paradoxalement, comme l’extrême potentialisation de la couleur. Le matériau passe par toutes les couleurs avant d’entrer dans le blanc de son incandescence. Le matériau, pour le poète, c’est la langue, soumise au processus de disqualification des mots, préalable à toute entreprise de requalification, seconde étape que le poète refuse d’investir. Cette entreprise de disqualification et de requalification, le poète la fait subir à la couleur :

La couleur : comme l’eau blanche sur la chaux. Comme l’eau blanche ajoute à la chaux – cela est chaleur


Ce que découvre alors la couleur, c’est « l’emplacement de la couleur » (L’incohérence, p. 199 sqq.), c’est « l’incolore qui se fait jour ». La couleur y apparaît comme l’eau blanche. Par le jeu des synesthésies, la couleur devient le lieu de la mobilité des signes. Le rouge renvoie à la disparition (L’incohérence, p. 40 sqq.). Le blanc renvoie au glacier comme à l’aveuglement, c’est-à-dire au noir (la couleur à son intensité rejoint le fond). Le jaune renvoie à l’éclat du champ de colza, qui renvoie à l’idée d’un mouvement extrême. Le gris et bleu de la lithographie renvoient à la roche quand on y a jeté l’eau (L’incohérence, p. 190 sqq.). Tout moment de couleur est dépassé et résorbé dans un moment de monde pour lequel la couleur a été indispensable, comme il a été indispensable qu’elle s’y incorpore silencieusement. Ce que découvre alors la couleur, c’est « l’emplacement de la couleur » (L’incohérence, p. 199 sqq.), c’est « l’incolore qui se fait jour ».

La couleur est incorporée au silence, au mutisme ou au blanc, non par essentialisation, mais par reconduite au mouvement vivant dont elle est surgie et où elle doit rentrer. Dans Cézanne par exemple, on ne voit pas la couleur pour sa couleur, mais pour l’éclatement général d’un moment sensible qui n’a pas de restitution dans les signes (« le bleu, là-bas »). Les pins ne sont pas bleus, ils font la course à la mer en pleine terre, et ils accusent un bleu du ciel qui plaque contre la terre en même temps qu’il projette dans les airs. C’est à un ensemble de dislocations que renvoie Cézanne, et à l’idée que nous sommes sur cette dislocation. La langue doit, non pas dire la dislocation, mais l’être, sans marge ou réserve sur elle-même.

La couleur, comme la langue, sont sur une dislocation : cette caractéristique, qui pourrait passer pour une caractéristique sensible, relève en réalité d’un rapport à la langue qui est un existential, c’est-à-dire une ontologie régionale. On voit ici à quel point toute parole du sensible contient en puissance une parole incorporée de l’histoire, qui doit être considérée comme support de toute réflexion sur le sensible. Chez du Bouchet, il y a suppression des cloisons entre la langue, le sensible et l’histoire, et reconduite de l’ensemble des réalités au domaine qu’il nomme le « muet » et « le fond », dont les caractéristiques premières sont de relever d’une destruction et d’une dépossession. Mais cette destruction, au lieu de faire l’objet d’une réaction, dans tous les sens du terme, y compris politique, est l’objet d’un redoublement du geste destinal impliqué dans la langue. Redoubler la destruction, ou reconduire « l’inhumain », c’est retrouver le « deux fois humain » écrit du Bouchet. La couleur ainsi détruite est passée dans le matériau et c’est là qu’elle s’exprime, hors de la saisie représentationnelle.



*



C’est pourquoi la couleur est un événement sans signe, comme la langue est sans pourquoi. Pour Angélus Silésius, pour Paul Claudel ou pour André du Bouchet, la langue doit apparaître comme un événement de floraison, si l’on veut, qui n’a pas d’assignation dans un domaine perceptif ou sensitif objectif. Il y a cependant sensibilité et perception, mais dans le sens de la phénoménologie, qui reconduit tout le sensible à l’inapparent. Cette question de la couleur renvoie à celle de la langue littéraire ou poétique : la poésie n’est pas dans le poème, mais dans la traversée du poème, sans que pour autant il y ait lieu de parler d’impressionnisme ou de subjectivisme. Il s’agit de protocoles logiques et non d’impressions. La couleur, comme l’image, sont des moments de monde dont le marqueur ontologique non objectif est le ton, l’intonation ou la Stimmung, un moment de vérité inentamable pour les signes, qui constitue l’assise de la langue ou de le représentation, sur laquelle on ne peut pas dans le même geste se retourner. C’est cela, pour le poète ou le peintre, la réalité. Un rapport à un présent momentanément délivré de date, qui peut dès lors faire source dans la cassure du temps par rapport au temps.

Manlio Iofrida | Ecologia e filosofia

Manlio Iofrida est professeur de philosophie à l’Université de Bologne. Il travaille depuis de nombreuses années sur la philosophie française et plus particulièrement sur les œuvres de Gilles Deleuze et de Maurice Merleau-Ponty. Il est notamment particulièrement concerné par le thème de la nature et de la naturalité.

La natura, l’ecologia sono temi che sono diventati, ormai da molti anni, quasi dei luoghi comuni, di cui si servono indifferentemente le parti politiche e le posizioni culturali più diversi; tuttavia, si tratta di concetti tutt’altro che scontati e privi di pericoli e ambiguità. Se si esamina brevemente il concetto di natura che è al centro del pensiero di Rousseau, e che certamente è stato uno dei più importanti e influenti, questi problemi emergono con chiarezza: nemico della tecnica, Rousseau le contrappone una natura vergine, intatta, intesa come un’origine piena: appellarsi alla natura diventa così la nostalgia del recupero di uno stato e un’epoca precedente alla violenza dell’uomo; natura significa un ordine, un equilibrio che ha l’oggettività di una legge naturale. In questo modo, la natura non è che l’opposto correlativo della cultura e della storia: questa coppia di concetti, nonché escludersi, si presuppongono reciprocamente, pur escludendosi, secondo quella categoria del supplemento che Jacques Derrida, nel suo De la grammatologie, ha così efficacemente introdotto, proprio a proposito di Rousseau e del suo grande seguace contemporaneo, Claude Lévi-Strauss.

Se vogliamo  uscire dall’alternativa di questi concetti tradizionali, dobbiamo deciderci a pensare la natura non come a qualcosa di oggettivo, di positivo, di fisso e stabile, ma, al contrario, come a qualcosa di negativo, di storico, di relativo (in senso lato) a un soggetto (non necessariamente umano: anche semplicemente animale). Per fare un esempio molto banale, che cosa è naturale per noi? Ciò che si riferisce a un sapere che non deriva dalla nostra tradizione culturale, dal linguaggio, dalla nostra esperienza storica e personale, ma che attingiamo mediante le risorse del nostro corpo: quest’ultimo è ben lontano dall’essere diretto da un sapere positivo, chiaro e cosciente, da ciò che possiamo aver appreso per via intellettuale e culturale; anche se la cultura e la storia molto possono su di esso, non possono mai esaurire quello strato, preculturale e prelogico, che comanda gli aspetti fondamentali della nostra vita come esseri viventi, biologici. Non respiriamo, né camminiamo secondo quel che ci detta la nostra volontà cosciente: al contrario, come ha ben mostrato Italo Svevo, se ci mettiamo a camminare pensando ai movimenti dei muscoli delle nostre gambe che sono a ciò necessari, cominciamo ben presto a zoppicare e incespicare…

Se diamo il giusto peso a questo sapere prelogico che governa la parte fondamentale della nostra vita, arriveremo rapidamente a riconoscere che naturale non è un ordine di cose oggettivo e originario, ma un rapporto, un certo accordo fra noi in quanto esseri viventi e l’ambiente che ci circonda, una corrispondenza che si è creata fra noi e il mondo in secoli di evoluzione; la natura non è un  oggetto, ma la coppia essere vivente-ambiente, coppia che è in continua trasformazione, poiché sia il nostro ambiente che noi, esseri viventi che ne facciamo parte, siamo in continua evoluzione e la vita consiste in uno scambio reciproco fra l’essere vivente e l’ambiente in cui è inserito.

È chiaro, in questa prospettiva, che né tecnica né cultura né storia sono esclusi da un simile concetto di natura: la tecnica non è che il prolungamento dei nostri organi e dunque non fa che spostare l’equilibrio fra noi e l’ambiente a nostro favore, ma senza mai (come dimostrano recenti eventi naturali: l’eruzione del vulcano islandese, la rovinosa inondazione di petrolio nel Golfo del Messico…) esaurire del tutto la natura, senza mai culturalizzarla completamente. Storico è l’equilibrio fra essere vivente e ambiente che si realizza in ciascun momento, poiché esso non dipende dal rispetto di nessuna legge fissa, ma dall’adattarsi continuo di due entità intimamente storiche, dinamiche, l’ambiente e l’essere vivente.

Ma allora quale è il senso del concetto di rispetto dell’ordine ecologico? Se non esiste una natura oggettiva, fissa, immobile, astorica, possiamo forse fare qualunque cosa? Ovviamente no: un ordine e un equilibrio, per il fatto di essere dinamici e di non consistere in leggi oggettivabili, non sono per questo meno reali; i limiti al prometeismo dell’uomo ci sono, e i risultati della loro violazione sono sotto gli occhi di tutti – basti pensare al fenomeno surriscaldamento del pianeta. Semplicemente, l’ordine e l’equilibrio vanno riferiti non a un’entità, ma a quella relazione vitale (e dunque non meccanica e non completamente determinabile) fra essere vivente e ambiente che è il vero significato del concetto di natura. Sono antiecologiche tutte quelle tecniche e quelle azioni (non solo umane) che tendono a inaridire o a distriggere tale relazione vitale; sono ecologiche quelle che invece non solo la conservano, ma possono accrescere, rafforzare tale relazione. Così l’equilibrio (ormai purtroppo distrutto) che si era stabilito fra uomo e ambiente in Camargue non era affatto dovuto allo spontaneo equilibrio armonico della natura, ma a un insieme di tecniche tradizionali di controllo delle acque, di gestione parsimoniosa delle risorse del suolo, ecc., insomma, ad un insieme di interventi umani legati alla cultura contadina tradizionale del luogo, che erano tali da lasciare un certo gioco, una certa libertà alle forze evolutive dell’ ambiente: non si trattava di un controllo totale (che è sempre mitico), ma di un’azione umana accordata all’azione convergente dell’ambiente, dunque di un controllo parziale – che lasciava spazio all’indeterminatezza, al caso, all’intervento imprevedibile del non-umano. In questo senso l’ecologia non è l’abolizione della storia, ma la possibilità di immaginare un’altra storia, un’altra tecnica che invece di cercare di esaurire la natura cercano di lasciarne attive le risorse.

Torniamo ora un momento al concetto di equilibrio fra essere vivente o ambiente, – un tema in cui convergono la lezione di Maurice Merleau-Ponty, che ha coniato per esso il termine di chiasma, e quello della contemporanea teoria dei sistemi, che parla piuttosto di accoppiamento. Il senso di tali termini va attentamente soppesato in tutte le sue implicazioni: non si tratta di pensare alla coesistenza di due termini – l’essere vivente e l’ambiente – l’uno esterno all’altro, ma della relazione di due “entità” che non sono né un’unità pura e semplice (l’essere vivente infatti si distingue e si contrappone all’ambiente) né due entità separate: si tratta di due entità che si coappartengono. La relazione fondamentale, fondativa della natura è una relazione paradossale: possiamo cercare di avvicinarci alla comprensione di tale paradossalità se prendiamo in esame il fenomeno della visione. Quando noi guardiamo un paesaggio, ciò che conta è certo quello che vediamo di fronte a noi; ma in realtà, lo spettacolo anteriore è condizionato dal fatto che noi siamo inseriti in un campo visivo: non potremmo vedere quel paesaggio senza che ci fosse in qualche modo presente (non esplicito, non evidente) anche tutto ciò che è alle nostre spalle. Noi non vediamo come una cinepresa che guarda dall’alto e dall’esterno gli eventi che riprende, noi vediamo il mondo dal suo interno: in altri termini, il visibile ha una parte di invisibile che lo condiziona e lo rende possibile. Il fenomeno della visione manifesta insomma il fatto che io appartengo a un mondo che è più ampio di me, anche se (è questo il culmine del paradosso) quel mondo non potrebbe esistere senza di me: è il mio mondo e se non ci fosse il mio occchio a suscitarlo, esso non ci sarebbe.

Se abbiamo voluto soffermarci su questa singolare relazione, non è per un’inutile sottigliezza concettuale: in realtà, questo tipo di relazione, per cui io rientro in qualcosa che mi eccede, è proprio, come già annunciavamo, quella che fonda la natura e l’ecologia. È proprio il fatto che la mia esistenza rimanda a qualcosa che mi eccede, che va ben al di là di ciò che io posso aver fatto e costruito a evidenziare che non tutto si riduce al mio facere, alla mia costruzione consapevole e che esiste qualcosa da cui dipendo, anche se questa dipendenza non è meccanica e anche se quello da cui io dipendo dipende a sua volta da me, secondo quella dipendenza reciproca che anche la fisica quantistica e il principio di indeterminazione di Heisenberg, nel XX secolo, hanno posto in luce. A monte del mio facere c’è un appartenere, a monte della cultura e dell’azione c’è un momento di passività e contemplazione, ogni determinatezza presuppone un vuoto e un’indeterminatezza che sono una risorsa vitale. Non è vero che in principio era l’azione; al contrario, l’azione è l’altra faccia di un momento di stasi, di immobilità, di limite: una ripetizione marca costantemente ogni differenza, un ricorso vichiano inflette la mitica curva del progresso in un cerchio, o, se si vuole, in una spirale che si riavvolge su se stessa[1]. Al ritmo febbrile dell’azione utile e trasformativa si affianca un momento di contemplazione estatica, di inutilità o gioia priva di finalità esterna che fa parte a pieno titolo dell’idea di natura: quest’ultima non è volta ad un passato di purezza immemoriale, ma rappresenta la fuoriuscita dall’utile e dalla storia che è possibile, almeno in via di principio, in ogni presente storico. La natura e la storia non si dispongono su una linea evolutiva che fa sì che l’equilibrio si sposti progressivamente dalla prima alla seconda: esse sono piuttosto in un rapporto orizzontale, di coappartenenza reciproca e ogni momento storico – se gli uomini sono in grado di pensare e agire non prometeicamente, ma con la consapevolezza del limite e dell’ appartenenza – può aprirsi sulla natura che gli fa da sfondo e da sostegno: va da sé che si tratterà di combinare azione e non-azione, attività e passività, di radicare l’attività nella consapevolezza del limite. A noi, oggi, dunque, il compito di operare storicamente per conquistare la natura che è sul nostro orizzonte, prima che la catastrofe incombente in più modi – riscaldamento ambientale, inaridirirsi delle risorse naturali, continuo impoverirsi del patrimonio della biodiversità – non ci trascini in uno di quei “ricorsi di barbarie” su cui la lezione di Giovambattista Vico ha ancora molto da insegnarci.


[1] Questi temi del vuoto, dell’immobilità e della ripetizione sono stati sentiti assai più dalla cultura orientale che da quella occidentale e la riscoperta, anche in Occidente, di questi valori, riscoperta che dura ormai da più di un secolo, è anch’essa un aspetto importante del sorgere di una nuova sensibilità ecologica.