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Tanguy Viel • La disparition de Jim Sullivan

Avec le recul qui sied au retard plus qu’à la prudence, Hors-Sol lit et commente des livres qui sont parus parfois il y a longtemps. La pile ne cesse de croître, des livres qui restent à lire. C’est amusant car on pourrait penser que plus on en lit, moins il nous en reste à lire ; or c’est l’inverse qui se produit ; c’est un travail infini, alors nous avons laissé de côté la pression du marché et de la chronique facile.



tanguy viel • ‘La disparition de Jim Sullivan’

Je dois dire que c’était gagné d’avance parce que Tanguy Viel, on connaît.

Ça a commencé avec Le black note (tiens un titre américain ?) et depuis en passant par Maladie, Cinéma et les autres ça ne s’est pas arrêté, sauf que Paris- Brest, c’était en 2009 et que quatre ans sans un livre de Tanguy Viel, c’est long, c’est très long.
Alors on relisait.

Sur Facebook on échangeait avec des fans, on citait la dernière phrase de L’absolue perfection du crime.

La lumière s’était arrêtée pour nous, le disque orangé du soleil tombé aux trois quarts sous l’horizon, et les larmes sur mes yeux qui irisaient la mer. J’ai repris l’escalier, tranquillement, et je ne me suis pas retourné.

Puis arrive La disparition de Jim Sullivan.

Mais ces dernières années, c’est vrai, j’ai fini par me dire que j’étais arrivé au bout de quelque chose, qu’après tout, mes histoires, elles auraient aussi leur place ailleurs, par exemple en Amérique, par exemple dans une cabane au bord d’un grand lac ou bien dans un motel sur l’autoroute 75, n’importe où pourvu que ça quelque chose se mette à bouger

Et là on sait tout de suite, mais vraiment tout de suite, que ça va être « crazy », qu’on va percevoir jusqu’à « trois mille deux cents éclats de mots » en même temps.

Et c’était encore plus formidable qu’on l’imaginait, c’était un roman américain avec tous les codes du genre, on y était comme dans les meilleurs du Big Jim, y avait les grands espaces, l’alcool, les divorces… mais c’était aussi un roman français, et ce subtil montage, l’écrivain se regardant écrire (pas nouveau certes) marche à fond, parce que Tanguy Viel a du métier, de l’humour, qu’il fait participer son lecteur et l’associe à ses tours et pirouettes. Et d’expliquer pourquoi telle ou telle scène, tel nom pour les lieux et les personnages tout en déployant une intrigue serrée dont on ne dévoilera rien, ce serait vous enlever tout le plaisir de l’émotion, de la tension et de la beauté qui irradient ces pages, en effet, comme le dit Fabrice Colin :

C’est très ennuyeux d’expliquer en quoi tel ou tel bouquin est magique, et c’est merveilleux en même temps de ne pas pouvoir le faire — ça signifie que le mystère de l’écriture résiste à l’analyse et au trivial.

FT

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François Tresvaux anime le Café littéraire de Sainte-Cécile-les-vignes (84), CALIBO.

revue • Le Chant du Monstre #1

Avec le recul qui sied au retard plus qu’à la prudence, Hors-Sol lit et commente des livres qui sont parus parfois il y a longtemps. La pile ne cesse de croître, des livres qui restent à lire. C’est amusant car on pourrait penser que plus on en lit, moins il nous en reste à lire ; or c’est l’inverse qui se produit ; c’est un travail infini, alors nous avons laissé de côté la pression du marché et de la chronique facile.



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Une nouvelle revue, c’est un évènement important ; c’est un évènement important parce qu’ici du moins, on considère que les revues sont des lieux formidables de découverte et d’expressions des singularité. A l’heure où le numérique pèse beaucoup sur la création littéraire (sans pour autant que les publications numériques soient considérées à leur juste valeur), sortir une revue papier est gonflé.

Mais les tenancières, ci-devant Sophie Duc, Angélique Joyau et Céline Pévrier, ont en effet un sacré courage et, on peut le dire à présent, le pari est tenu et leur travail est une réussite. Une vraie grande belle réussite. A laquelle on associera Alexandre Rivault et Julien Berthier, graphiste et lettriste de l’objet. Et sans doute les éditions Intervalles qui ont pris ce risuqe là, ce n’est pas si souvent.

Un bien bel objet donc, esthétique dans la forme et complet dans le contenu. Format à l’italienne allongé, 130 pages environ, et six rubriques :
— Affinités électives donne la place, une palce confortable, à un éditeur qui présente son parcours et son travail. Le premier à se coller au jeu est Dominique Bordes de Monsieur Toussaint Louverture, jeune éditeur fortement remarqué par Karoo et Enig marcheur, dont un extrait est ici proposé, avec David Foster Wallace, Frederick Exley, Russel Hoban,
— Alchimie en est le cahier de création hybride : texte + image, et présente dans ce premier numéro le travail ébouriffant de Donatien Garnet et Guillaume Bullat ainsi que le remarquable style de Thomas Vinau et Emilie Alenda.
Seul contre tous est une tribune laissée à une éminence du livre, et c’est Fabrice Colin qui s’en va découdre du Foenkinos ;
Ex-qui ? est la rubrique dédiée aux auteurs morts, mais bien vivants dans leur évocation et leur force ! Kathy Acker, cette fois-ci.
Cabinet de curiosités, comme son nom l’indique ajoute au artificialia et naturalia les literalia ; avec Frédéric Noël ; puis Pierre Senges illustré par Killoffer ; on ne les présente plus.
— enfin Parce que ! pour les textes injustifiables et dont le choix s’impose à l’évidence. Et c’est vrai que le texte de Pierre Terzian fait mouche.

Exigence est en effet un mot qui revient régulièrement pour décrire cette équipe et son œuvre ; impertinence, un peu aussi, mais surtout, dirions-nous, vu d’ici, une véritable curiosité, ce qui est tout de même plus porteur et plus cohérent, et une vrai grand plaisir pour la découverte et l’art. Nous souhaitons donc longue vie à ce monstre, parce que nous aussi, on aime bien les monstres.