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Jean-Paul Duboc • Lac salé (3/3)

 

 

Neuvième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir.  Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir  contribuer.

Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.

J’ai fait plusieurs fois le tour du Lac afin de l’intriguer. Comme si de son secret, je voulais m’imprégner.

Un jour enfin, je vis la barque sur la rive. L’homme était assis au pied d’une souche, et me regardait. Son regard n’était ni d’invite, ni hostile. Il commandait que je m’approche. Je me suis assis.

Voilà, ce qu’il m’a dit.

Ma femme était belle comme une émotion. Je l’aimais, comme on entre en  dévotion.

Pour la réjouir, je lui disais tendrement et en m’amusant, vouloir me noyer dans son lac salé. Ce que je faisais bien volontiers avec la ferveur d’un amoureux de bénitier. « Tu m’aimes divinement » me disait-elle en riant. Et je me prenais pour un ange, car seuls les anges savent aimer divinement. Les dieux ne connaissent rien à ce jeu.

Elle en était encore plus belle qu’au présent et l’émotion que me produisait  sa nouvelle beauté en était dédoublée, à tel point que je revenais toujours à l’abnégation.

Elle prenait quelques fois les choses au premier degré. C’était son côté « bonne du curé ».

Un jour, elle me dit : Moi aussi je veux goûter l’eau du lac salé. J’ai pris peur. Elle ne savait pas nager.

Et je me dis chaque jour, qu’elle s’est noyée dans notre amour, dont je croyais être le seul à avoir les clefs. J’ai au bout de ma canne, un petit morceau d’étoffe rouge.

Voilà, vous savez ma vérité.

 

 

Dixième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir.  Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir  contribuer.

Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.

J’ai fait plusieurs fois le tour du Lac afin de l’intriguer. Comme si de son secret, je voulais m’imprégner.

Un jour enfin, je vis la barque sur la rive. L’homme était assis au pied d’une souche, et me regardait. Son regard n’était ni d’invite, ni hostile. Il commandait que je m’approche. Je me suis assis.

Voilà, ce qu’il m’a dit.

Ma femme était belle comme une émotion. Je l’aimais, comme on entre en  dévotion.

Pour la réjouir, je lui disais tendrement et en m’amusant, vouloir me noyer dans son lac salé. Ce que je faisais bien volontiers avec la ferveur d’un amoureux de bénitier. « Tu m’aimes divinement » me disait-elle en riant. Et je me prenais pour un ange, car seuls les anges savent aimer divinement. Les dieux ne connaissent rien à ce jeu.

Elle en était encore plus belle qu’au présent et l’émotion que me produisait  sa nouvelle beauté en était dédoublée, à tel point que je revenais toujours à l’abnégation.

Elle prenait quelques fois les choses au premier degré. C’était son côté « bonne du curé ».

Un jour, elle me dit : Moi aussi je veux goûter l’eau du lac salé. J’ai pris peur. Elle ne savait pas nager.

Et je me dis chaque jour, qu’elle s’est noyée dans notre amour, dont je croyais être le seul à avoir les clefs. J’ai au bout de ma canne, un petit morceau d’étoffe rouge.

Voilà, vous savez ma vérité.

 

Cet homme-là sait mieux écrire les histoires que moi.

 

 

Onzième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir.  Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir  contribuer.

Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.

J’ai fait plusieurs fois le tour du Lac afin de l’intriguer. Comme si de son secret, je voulais m’imprégner.

Un jour enfin, je vis la barque sur la rive. L’homme était assis au pied d’une souche, et me regardait. Son regard n’était ni d’invite, ni hostile. Il commandait que je m’approche. Je me suis assis.

Voilà, ce qu’il m’a dit.

Ma femme était belle comme une émotion. Je l’aimais, comme on entre en  dévotion.

Pour la réjouir, je lui disais tendrement et en m’amusant, vouloir me noyer dans son lac salé. Ce que je faisais bien volontiers avec la ferveur d’un amoureux de bénitier. « Tu m’aimes divinement » me disait-elle en riant. Et je me prenais pour un ange, car seuls les anges savent aimer divinement. Les dieux ne connaissent rien à ce jeu.

Elle en était encore plus belle qu’au présent et l’émotion que me produisait  sa nouvelle beauté en était dédoublée, à tel point que je revenais toujours à l’abnégation.

Elle prenait quelques fois les choses au premier degré. C’était son côté « bonne du curé ».

Un jour, elle me dit : Moi aussi je veux gouter l’eau du lac salé. J’ai pris peur. Elle ne savait pas nager.

Et je me dis chaque jour, qu’elle s’est noyée dans notre amour, dont je croyais être le seul à avoir les clefs. J’ai au bout de ma canne, un petit morceau d’étoffe rouge.

Voilà, vous savez ma vérité.

 

Cet homme-là sait mieux écrire les histoires que moi.

 

Je me suis éloigné. Deux jours. Puis suis revenu au bord du Lac salé. La barque était vide du pécheur.

 

 

Douzième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir.  Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir  contribuer.

Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.

J’ai fait plusieurs fois le tour du Lac afin de l’intriguer. Comme si de son secret, je voulais m’imprégner.

Un jour enfin, je vis la barque sur la rive. L’homme était assis au pied d’une souche, et me regardait. Son regard n’était ni d’invite, ni hostile. Il commandait que je m’approche. Je me suis assis.

Voilà, ce qu’il m’a dit.

Ma femme était belle comme une émotion. Je l’aimais, comme on entre en  dévotion.

Pour la réjouir, je lui disais tendrement et en m’amusant, vouloir me noyer dans son lac salé. Ce que je faisais bien volontiers avec la ferveur d’un amoureux de bénitier. « Tu m’aimes divinement » me disait-elle en riant. Et je me prenais pour un ange, car seuls les anges savent aimer divinement. Les dieux ne connaissent rien à ce jeu.

Elle en était encore plus belle qu’au présent et l’émotion que me produisait  sa nouvelle beauté en était dédoublée, à tel point que je revenais toujours à l’abnégation.

Elle prenait quelques fois les choses au premier degré. C’était son côté « bonne du curé ».

Un jour, elle me dit : Moi aussi je veux goûter l’eau du lac salé. J’ai pris peur. Elle ne savait pas nager.

Et je me dis chaque jour, qu’elle s’est noyée dans notre amour, dont je croyais être le seul à avoir les clefs. J’ai au bout de ma canne, un petit morceau d’étoffe rouge.

Voilà, vous savez ma vérité.

 

Cet homme-là sait mieux écrire les histoires que moi.

 

Je me suis éloigné. Deux jours. Puis suis revenu au bord du Lac salé. La barque était vide du pécheur.

 

Cependant, un couple d’oiseaux, qui tournoyait et voletait, semblait vouloir prendre possession de l’embarcation.

 

 

Treizième jour d’écriture

Il s’agit d’un vendredi treize : je me confonds de superstition.

A suivre : (1)(2)(3)

Jean-Paul Duboc • Lac salé (2/3)

 

 

Cinquième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir.  Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir  contribuer.

Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.

J’ai fait plusieurs fois le tour du Lac afin de l’intriguer. Comme si de son secret, je voulais m’imprégner.

Un jour enfin, je vis la barque sur la rive. L’homme était assis au pied d’une souche, et me regardait. Son regard n’était ni d’invite, ni hostile. Il commandait que je m’approche. Je me suis assis.

 

 

Sixième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir.  Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir  contribuer.

Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.

J’ai fait plusieurs fois le tour du Lac afin de l’intriguer. Comme si de son secret, je voulais m’imprégner.

Un jour enfin, je vis la barque sur la rive. L’homme était assis au pied d’une souche, et me regardait. Son regard n’était ni d’invite, ni hostile. Il commandait que je m’approche. Je me suis assis.

Voilà, ce qu’il m’a dit.

Ma femme était belle comme une émotion. Je l’aimais, comme on entre en  dévotion.

Pour la réjouir, je lui disais tendrement et en m’amusant, vouloir me noyer dans son lac salé. Ce que je faisais bien volontiers avec la ferveur d’un amoureux de bénitier. « Tu m’aimes divinement » me disait-elle en riant. Et je me prenais pour un ange, car seuls les anges savent aimer divinement. Les dieux ne connaissent rien à ce jeu. 

Elle en était encore plus belle qu’au présent et l’émotion que me produisait  sa nouvelle beauté en était dédoublée, à tel point que je revenais toujours à l’abnégation.

 

 

Septième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir.  Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir  contribuer.

Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.

J’ai fait plusieurs fois le tour du Lac afin de l’intriguer. Comme si de son secret, je voulais m’imprégner.

Un jour enfin, je vis la barque sur la rive. L’homme était assis au pied d’une souche, et me regardait. Son regard n’était ni d’invite, ni hostile. Il commandait que je m’approche. Je me suis assis.

Voilà, ce qu’il m’a dit.

Ma femme était belle comme une émotion. Je l’aimais, comme on entre en  dévotion.

Pour la réjouir, je lui disais tendrement et en m’amusant, vouloir me noyer dans son lac salé. Ce que je faisais bien volontiers avec la ferveur d’un amoureux de bénitier. « Tu m’aimes divinement » me disait-elle en riant. Et je me prenais pour un ange, car seuls les anges savent aimer divinement. Les dieux ne connaissent rien à ce jeu.

Elle en était encore plus belle qu’au présent et l’émotion que me produisait  sa nouvelle beauté en était dédoublée, à tel point que je revenais toujours à l’abnégation.

Elle prenait quelques fois les choses au premier degré. C’était son côté « bonne du curé ».

Un jour, elle me dit : Moi aussi je veux goûter l’eau du lac salé. J’ai pris peur.

 

Huitième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir.  Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir  contribuer.

Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.

J’ai fait plusieurs fois le tour du Lac afin de l’intriguer. Comme si de son secret, je voulais m’imprégner.

Un jour enfin, je vis la barque sur la rive. L’homme était assis au pied d’une souche, et me regardait. Son regard n’était ni d’invite, ni hostile. Il commandait que je m’approche. Je me suis assis.

Voilà, ce qu’il m’a dit.

Ma femme était belle comme une émotion. Je l’aimais, comme on entre en  dévotion.

Pour la réjouir, je lui disais tendrement et en m’amusant, vouloir me noyer dans son lac salé. Ce que je faisais bien volontiers avec la ferveur d’un amoureux de bénitier. « Tu m’aimes divinement » me disait-elle en riant. Et je me prenais pour un ange, car seuls les anges savent aimer divinement. Les dieux ne connaissent rien à ce jeu.

Elle en était encore plus belle qu’au présent et l’émotion que me produisait  sa nouvelle beauté en était dédoublée, à tel point que je revenais toujours à l’abnégation.

Elle prenait quelques fois les choses au premier degré. C’était son côté « bonne du curé ».

Un jour, elle me dit : Moi aussi je veux goûter l’eau du lac salé. J’ai pris peur. Elle ne savait pas nager.

Et je me dis chaque jour qu’elle s’est noyée dans notre amour, dont je croyais être le seul à avoir les clefs. J’ai au bout de ma canne, un petit morceau d’étoffe rouge.


A suivre : (1)(2)(3)

Jean-Paul Duboc • Lac salé (1/3)

 

 

Premier jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

 

 

Deuxième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

 


Troisième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir. Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

 

 

Quatrième jour d’écriture

Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.

Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.

De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends  la patience, l’infinie patience. ».

L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »

Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.

Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.

J’ai cherché à savoir.  Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.

Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.

Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir  contribuer.

Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.

A suivre : (1)(2)(3)

Nagoya mon amour : de quoi la biodiversité est-elle le nom ?


Biodiversité, objet de toutes les préoccupations de l’hypercontemporain… et terme qui recouvre différentes réalités, et différents enjeux. Terme qui peut aisément, aussi, être posé comme une borne, à la croisée des chemins : biologie, écologie, bien sûr, mais aussi philosophie, éthique, économie, géographie… A vrai dire, c’est moins la définition de la biodiversité qui est changeante que la forme des attentions qui se portent sur elle.

Et ces attentions partagent rarement les mêmes valeurs. Aujourd’hui, quand on parle de biodiversité, on dit qu’elle s’érode, comme s’érode une montagne, un sol : socle la biodiversité ? Racine ? Ou arbre ?


1. Définir ?

Définir est utile mais peut se révéler également spécieux : il réduit les explorations marginales d’un terme, là où les sèmes se mélangent, et le “rigidifie” dans une acception pratiquement définitive. Pour le mot biodiversité, on recourt généralement à trois première définitions : la biodiversité spécifique où la variété d’êtres vivants présentes en un lieu donné ; cette définition très générale s’étaie de deux compléments : en “amont”, la biodiversité génétique, c’est-à-dire la variété des gènes (par exemple au sein d’une même espèce) ; en “aval”, la biodiversité écologique, c’est-à-dire la variété des habitats.

Cette définition nécessite alors, rapidement, qu’on s’entende sur une définition commune du vivant. Qu’est-ce qui est vivant ? Une définition simple consiste à considérer comme être vivant ce qui associe les trois (et toutes les trois en même temps) propriétés suivantes (Joël de Rosnay) : l’autoconservation (qui est la capacité des organismes à se maintenir en vie par l’assimilation, la nutrition, les réactions énergétiques de fermentation et de respiration), l’autoreproduction (leur possibilité de propager la vie) et l’autorégulation (les fonctions de coordination, de synchronisation et de contrôle des réactions d’ensemble). On peut éventuellement inclure l’évolution comme la dynamique générale du vivant au-delà des entités de l’individu et de l’espèce.

C’est ainsi que, pour autant qu’ils sont organiques (constitués de cellules organiques) ou produits par un organisme, les graines et les spores, les gamètes, les virus, certaines variétés et races (agricoles par exemple), certaines formes cybernétiques ne sont pas des êtres vivants en tant que tels.

Les virus, par exemple, sont tantôt considérés comme des êtres vivants, tantôt non : bien que constitués de séquences d’ADN ou d’ARN, ils ne disposent pas de la fonction métabolique. Le feu, qui réalise la fonction d’oxydation propre à la digestion, n’est pas un être vivant. Le mouvement n’est pas un critère suffisant pour définir le vivant, et l’eau et le vent ne sauraient en être.

Ce sont les critères qui définissent le vivant qui vont donc inclure ou exclure des organismes. La question qu’on peut poser également dès l’abord : les Pokémons sont-ils des êtres vivants ? Dieu est-il un être vivant ? En tout état de cause, on ne peut nier que les pokémons ou les dieux sont des êtres vivants.


2. Classer, trier, ranger

Une fois qu’on s’est entendu sur la définition commune du vivant, il faut encore prendre en considération le niveau d’étude, soit à l’intérieur d’un individu (mais qu’est-ce qu’un individu ?), soit à l’intérieur de l’espèce (mais qu’est-ce qu’une espèce ?), soit à l’intérieur ou d’un habitat (mais qu’est-ce qu’un habitat ?)… et l’on voit qu’on pourrait encore propager les définitions.

Sans occulter l’importance de ces questionnements, on peut essayer de les rassembler dans le dispositif ou l’attention qui les sous-tend tous les trois, et consiste en l’élaboration d’un guide critériologique. J’emploie à dessein cette périphrase peu élégante afin de me défaire de la distinction à présent établie (à l’école par exemple) entre trois termes qu’on ne peut plus confondre : ranger, classer, trier.

Quel que soit le verbe qu’on choisisse (personnellement je ne fais pas une distinction exacerbée), ce qu’il faut retenir c’est 1. le critère de différenciation (ou le caractère) qui permet de séparer un ensemble en deux sous-ensembles selon une différence (à quelque niveau qu’elle se situe : ordre alphabétique, morphologie, fonction écologique, etc.), et 2. la catégorie ainsi créée, ou la boîte qui permettra par la suite une lecture du monde qui est une organisation de ces boîtes.

Pour citer une référence très célèbre, on trouve chez Jorge Luis Borges, une encyclopédie chinoise qui classe les animaux de la manière suivante :

  • appartenant à l’Empereur
  • embaumés
  • apprivoisés
  • cochons de lait
  • sirènes
  • fabuleux
  • chinchards
  • chiens en liberté
  • inclus dans la présente classification
  • qui s’agitent comme des fous
  • innombrables
  • dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau
  • qui viennent de casser la cruche
  • qui de loin semblent des mouches
  • autres…

Cette organisation nous paraît absurde, puisque on ne trouve pas de critère distinctif qui permette les différentes catégories ; on ne retrouve ni les caractères ni les boîtes et on est plongé dans l’inquiétude et l’inconfort qui peut être aussi celui de l’exotisme…

Il faut pourtant bien comprendre qu’une telle liste n’est pas plus absurde, c’est-à-dire pas plus arbitraire que la classification linnéenne ou la classification phylogénétique. En effet, toute classification est une lecture du monde, une construction (supplémentaire) de langage : elle est donc orientée et fautive, de fait. La seule “vérité” (la justesse) étant la biodiversité elle-même.

Comme on comprendra, il n’est pas ici question de justifier tel ou tel classement, ou de proposer une théorie propre à la biodiversité, pas plus que de déplorer son érosion, d’en lister les causes ou de proposer des solutions. Il s’agit ici de parcourir les différents réflexes ou les intentions plus ou moins déclarées de la connaissance (observation et classification), de la préservation et de la gestion de la biodiversité.


3. En effets

Sous forme de liste, voici les principales préoccupations qui animent, qui devraient animer, n’importe quel gestionnaire, n’importe quel naturaliste, et sans doute n’importe quel penseur sur l’écologie comme fait humain, concernant la biodiversité.

L’effet papillon

On nous répète à l’envi que “le battement d’ailes d’un papillon en Amérique latine peut provoquer un tremblement de terre en Europe…” Ceci pour indiquer l’interrelation constitutive du vivant sur la planète — et donc la nécessité de considérer le continuum du vivant comme une pellicule sur la planète (terme qu’on donne parfois à la biosphère, partir du globe où se meut le vivant). Cette bonne résolution indiquerait, en tout état de cause, qu’il est nécessaire également de considérer l’espèce humaine comme une maille dans cette chaîne ou ce tissu et de ne pas, en conséquence, s’en extraire au prétexte de la connaissance, de l’évolution ou l’illumination (la foi) — au prétexte du langage donc, qui crée des mots absurdes comme environnement (ce qui environne, ce qui nous tourne autour).

L’effet loup

Voilà bien le sujet qui fâche : le loup aujourd’hui en France n’a pas droit de cité (ou droit de forêt). Pourquoi ? Espèce protégée, espèce également menacée, elle est pourtant régulièrement mise en cause dans le cas de prélèvements sur les troupeaux, la plupart du temps à juste titre, d’ailleurs. Mais le loup pose problème : il questionne les pratiques agricoles, devenues productivistes, qui permettent à des troupeaux immenses de se mouvoir sans berger et parfois sans chien. Le débat peut être retourné dans tous les sens : un troupeau nécessite un berger et le loup est un superprédateur. Il n’y a pas à tergiverser. Soit on éradique cette espèce, soit on l’accepte en tant que superprédateur. Les superprédateurs (loup, ours, aigle royal, hibou grand-duc, brochet) entrent tous en concurrence avec l’homme dans ses pratiques agricoles, mais aussi, de manière beaucoup plus souterraine et moins maîtrisée, dans son imaginaire, dans la mythologie, etc. Ils sont tous en danger d’extinction (hors d’Europe aussi) : n’est-ce pas un signe fort ?

L’effet panda

Comme le superprédateur dérange parce qu’il questionne en silence, certains décident de protéger à tout prix le vivant, au point qu’ils décident, comme ça, que, pour autant que l’homme est lui aussi un superprédateur, il est devenu une super menace pour le vivant. C’est un peu le revers de la difficulté qu’a l’être humain à accepter de faire partie du flux vivant ; c’en est une autre application : comme nous sommes doués de raison, nous allons “charger” les espèces d’épithètes : espèce rare ou menacée, espèce protégée, espèce invasive… Evidemment, d’un point de vue scientifique, on peut tout à fait organiser le monde qui nous entoure à notre idée, et lorsqu’on évalue objectivement, la fragilité de telle ou telle espèce, on arrive à obtenir des outils qui pourront orienter notre action (comme l’épatant travail de l’UICN et l’établissement des listes rouges). Mais le critique peut se demander : de quel droit décidons-nous que telle espèce est à protéger et telle autre à éradiquer ? Et selon quels critères, surtout, et donc selon quel point de vue ? Ces questions, il faut toujours se les poser lorsqu’on entreprend une étude d’observation, de préservation ou de gestion de la biodiversité.

Nous sommes souvent floués par notre émotivité : si les grandes ONG utilisent des mascottes c’est bien pour nous toucher dans notre sensibilité1 : le panda, le bébé phoque, sont plus “vendeurs” que la mygale ou le poulpe (ou une bactérie, un champignon) — mais agissant ainsi, on ne permet pas une prise de conscience découplée de l’anthropomorphisme, et on retombe dans les excès démiurgiques, les délires déistes de l’être humain.


L’effet pokémon (extrait d’un autre texte)

Je développerai un cas plus précisément en me penchant sur un exemple unique : les Pokémons®.

Les pokémons peuplent un monde imaginaire créé par Satori Tajiri, à l’origine pour un jeu électronique mais décliné rapidement dans toutes les dimensions qu’une franchise commerciale autorise. Le jeu de cartes est un double réel du jeu électronique.

Dans le monde des Pokémons, ceux-ci représentent des créatures disposant de capacités spéciales, des pouvoirs et toute l’intrigue de la narration (il existe une série télévisée et plusieurs films d’animation) repose sur les combats que se livrent ces créatures, les pokémons, entrainées à cet effet par des humains appelés “dresseurs”, qui les capturent dans leur milieu d’origine, les exercent et les entretiennent, les collectionnent2, et peuvent parfois tisser des relations fortes avec elles (amitié, amour, compassion, pitié, toute la gamme existe).

Le jeu possède des règles assez strictes (et codifiées) et nécessite une certaine stratégie. Les créatures quant à elles, sont décrites assez précisément selon un modèle qui ressemble à s’y méprendre aux classifications biologiques fondées sur la morphologie3.

La “série” Pokémons confond allègrement la curiosité à l’endroit de la biodiversité avec l’appât du gain et la collectionnite aiguë. Le monde vivant, censé être représenté, est le plus souvent décevant : les animaux dits supérieurs (mammifères en tête) sont légion, les autres sont le plus souvent dépréciés (arthropodes notamment), les plantes sont très rares, les autres règnes (champignons, bactéries) quasiment absents4. L’idée est de posséder des créatures, qu’on capture grâce à une “pokeball”, sphère qui peut contenir un individu de l’espèce. Enfin, il y a toujours confusion entre l’espèce et l’individu, de sorte qu’on appelle Pikachu non pas une espèce de créatures (les pikachus, parmi lesquels il y a des mâles et des femelles, des jeunes et des vieux, etc.), mais un individu singulier, Pikachu (le pikachu de Sacha, le héros de la série).

Cette impression désagréable est exacerbée par le fait même que le cri des pokémons est, dans la grande majorité des cas, leur nom, ce qui autorise cette question : est-ce parce que Pikachu dit Pikachu qu’il s’appelle Pikachu ou bien est-ce que parce qu’on appelle Pikachu Pikachu qu’il dit Pikachu ?

Cette franchise, qu’on nous présente comme un succédané de la biodiversité (et qu’on imagine donc avoir pour intérêt sa compréhension voire sa préservation), ne fait au final que trahir les pires pulsions utilitaristes, déterministes et anthropocentrées de l’être humain et noie la responsabilité en une simple chasse au trésor — et la biosphère en un terrain de jeu. En ce sens, elle ne diffère guère de la manie de certains passionnés de nature comme les adeptes des sports dits nature, certains photographes spécialiste de macro, et même des naturalistes, pour lesquels la rareté (et donc la préservation qui en découle) ou la beauté (et donc la préservation qui en découle) sont les seules valeurs attribuées au monde vivant, entendu comme un dehors que l’on est censé “gérer”. Ce qui est tout autant un manque d’humilité qu’un aveuglement.


Nagoya mon amour

Cet aveuglement est à ce point tel que l’ensemble des commentateurs ont applaudi lorsque s’est déroulée la Conférence des parties sur la convention de la diversité biologique à Nagoya du 18 au 29 octobre 2010.

Or cette conférence a clairement exposé ses intentions et ses actions : la biodiversité est au service de l’être humain ; sa connaissance est primordiale (il faut donc poursuivre les recherches, favoriser les cartographies, notamment les cartographies d’espèces protégées et les cartographies d’habitats), tout comme sa préservation : elle va pouvoir revêtir une valeur fiduciaire, financière et pénétrer ainsi sur le marché ; les états vont pouvoir s’échanger des “points-biodiversité”, etc.

On écrit des rapport sur l’économie des écosystèmes et de la biodiversité : par exemple ici, ici, ici, ici, ou encore, de Bernard Chevassus-Au-Louis, Jean-Michel Salles, Jean-Luc Pujol, Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes – Contribution à la décision publique, Centre d’analyse stratégique, 2009, téléchargeable ici : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics//094000203/0000.pdf.

L’Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire a identifié quatre catégories de “services pour l’homme5” :

  • les services support ; ce sont les sols pour l’agriculture par exemple ;
  • les services d’approvisionnement ; eau, chasse et pêche, etc ;
  • les services de régulation ; concernant par exemple le climat ;
  • les services culturels et sociaux ; tourisme par exemple !

Je cite l’un de ces documents effrayants :

1. Les services support – sont ceux qui sont nécessaires pour la production de tous les autres services de l’écosystème. Ils sont différents des trois premières catégories de services, par le fait que leurs effets sur les hommes sont soit indirects soit apparaissent sur des longues périodes de temps.
Ainsi, certains services, tel que le contrôle de l’érosion, peuvent être caractérisés aussi bien comme « support » ou « de régulation » en fonction de l’échelle de temps des effets de ses changements sur les êtres humains.
Par exemple, les êtres humains n’utilisent pas directement les services de formation de sol de l’écosystème (services « support »), même si des changements dans ce service affecteraient indirectement les êtres humains par l’effet sur la production alimentaire.
De la même manière, la régulation du climat est caractérisée comme étant un service de « régulation » car les changements de l’écosystème peuvent avoir un effet sur le climat local et/ou global à des échelles courtes, comparables avec l’échelle de la vie humaine (décennies ou siècles), alors que la production d’oxygène par le processus de photosynthèse est un service « support » car tout impact sur la concentration d’oxygène de l’atmosphère et sur sa disponibilité aux humains ne se manifesterait qu’à une échelle très longue de temps.
Des exemples de services support sont la production primaire, la production d’oxygène atmosphérique, la formation et la rétention du sol, les cycles bio-géo-chimiques, le circuit de l’eau, et l’offre de habitat.

2. Les services d’approvisionnement permettent aux hommes d’obtenir des biens commercialisables, par l’exploitation des écosystèmes tels que :
– la nourriture, les fibres. Cette catégorie inclut une large catégorie de produits alimentaires dérivés de plantes, animaux, bactéries, ainsi que des matériaux tels que le bois, le jute, le chanvre, la soie…
– le combustible. Bois énergie, tourbe, le fumier et autres matériaux qui servent de sources d’énergie
– les ressources génétiques – incluent les gènes et l’information génétique utilisée pour l’élevage des animaux, la culture des plantes et la biotechnologie.
– les substances chimiques – beaucoup de médicaments, biocides, additifs alimentaires tels que les alginates, et matériaux biologiques sont dérivés des écosystèmes.
– les plantes médicinales (menthe de Milly-la-Forêt)
– les ressources ornementales – sont les produits tels que les peaux et les coquillages, les fleurs utilisées comme ornements, même si la valeur de ces ressources est souvent déterminée par le contexte culturel de leur usage.
– les matériaux de construction – bois, sablons, etc.
– la faune chassable

3. Les services de régulation – sont des bénéfices obtenus de la régulation des processus des écosystèmes, tels que :
– le maintient de la qualité de l’air : les écosystèmes apportent des produits chimiques et extraient des produits chimiques de l’atmosphère, influençant ainsi la qualité de l’air.
– la régulation du climat : les écosystèmes influencent le climat aussi bien à échelle locale qu’à échelle globale. Par exemple, à échelle locale, des changements dans l’occupation du sol peuvent influencer aussi bien les températures et le régime des précipitations. A échelle globale, les écosystèmes peuvent jouer un rôle important dans le climat, soit en séquestrant soit en émettant des gaz à effet de serre.
– le cycle de l’eau : la récurrence et la l’importance du ruissellement, des inondations, et la recharge des aquifères peuvent être fortement influencés par les changements dans l’occupation des sols, par des altérations qui peuvent changer le potentiel de stockage de l’eau au niveau de l’écosystème. De telles altérations peuvent être déterminées par la conversion des zones humides ou des forêts en zones agricoles, ou des zones agricoles en zones urbaines.
– le contrôle de l’érosion – la couverture végétale joue un rôle important dans la rétention du sol et dans la prévention des glissements de terrain.
– la purification de l’eau et le traitement des déchets. Les écosystèmes peuvent apportés des impuretés dans l’eau, mais peut aussi aider à filtrer et décomposer les déchets organiques introduits dans les zones humides, les eaux intérieurs et les écosystèmes marins.
– la régulation des maladies humaines. Les changements dans les écosystèmes peuvent changer directement l’abondance des pathogènes humains ; tels que le cholera, et peut altérer l’abondance des vecteurs de maladies, tels que les moustiques.
– le contrôle biologique – les changements des écosystèmes peuvent affecter la prévalence des maladies et des prédateurs des cultures et du cheptel.
– la pollinisation – les changements des écosystèmes peuvent affecter la distribution, l’abondance et l’efficacité de la pollinisation.
– la protection contre les tempêtes et contre les inondations – par exemple, la présence des écosystèmes forestiers peut diminuer l’intensité des vents et/ou des eaux

4. Les services culturels et sociaux – sont des bénéfices non-matériels obtenus par les hommes à partir des écosystèmes à travers l’enrichissement spirituel, le développement cognitif, la réflexion, la création, les expériences esthétiques, comprenant :
– l’offre d’emploi, qui est le résultat de la gestion, restauration, protection etc. des écosystèmes
– les valeurs éducatives : les écosystèmes et leurs composantes fournissent une base pour l’éducation dans beaucoup de sociétés.
– source d’inspiration – les écosystèmes offrent une source d’inspiration riche pour l’art, le folklore, les symboles nationaux, l’architecture et la publicité.
– les valeurs esthétiques – beaucoup de personnes trouvent de la beauté ou des valeurs esthétiques dans des aspects variés des écosystèmes ; ceci se reflète par exemple dans les visites des parcs, des « paysages » et dans le choix des localisations pour construire des maisons.
– des relations sociales – les écosystèmes influencent les relations sociales. Par exemple, le fait de bénéficier des aspects esthétiques et récréatives des écosystèmes (forestiers, parcs urbains…) peut contribuer au renforcement des liens sociaux (ex. : entre les jeunes d’un groupe, entre les voisins…).
– les valeurs « patrimoniales » : beaucoup de sociétés apprécient le maintien de paysages historiquement importants (« paysages culturels ») ou d’espèces ayant une signification culturelle.
– recréation et éco-tourisme – par exemple, les gens choisissent souvent les endroits de leurs vacances en fonction des caractéristiques naturelles du lieu.
Bien-être : Le bien-être de l’Homme est composé de multiples éléments dont, les éléments de base pour une vie agréable, la liberté et la possibilité de choisir, la santé, les bonnes relations sociales et la sécurité. Représenté sur un continuum, le bien-être est à l’opposé de la pauvreté définie comme une “absence prononcée de bien-être”. Les constituants du bien-être tirés de l’expérience humaine et tels que perçus par les hommes sont dépendants des situations elles-mêmes reflet des conditions géographiques, culturelles et écologiques locales.

Je trouve ainsi des sites qui “vendent” de la biodiversité (comme Néoconservation.org6

Plutôt que de répéter mal les questionnements citoyens et/ou de certains scientifiques sur les intentions réelles de cette subite considération de la biodiversité, je préfère ici renvoyer aux deux émissions consacrée à la Conférence par Ruth Stégassy pour son émission Terre A Terre sur France Culture (lorsque ces émissions ne seront plus disponibles à l’écoute, on pourra s’adresser à la revue).
http://www.franceculture.fr/emission-terre-a-terre-conference-des-parties-de-la-convention-sur-la-diversite-biologique-cop-10-la
http://www.franceculture.fr/emission-terre-a-terre-nagoya-2-conference-des-parties-de-la-convention-sur-la-diversite-biologique-

Il conviendrait que les naturalistes, les chercheurs, les médecins, les biologistes se posent une question, se penchent sur ce problème. Lorsque l’économie libérale s’intéresse à un domaine qu’elle va chercher à monétiser et sur lequel elle est prête à déposer des brevets, donc à décréter des états de propriété, on peut penser que ce n’est pas avec les meilleurs intentions “environnementalistes”.

Malheureusement, et malgré tout notre équipement scientifique, théorique, philosophique voire religieux ou psychanalytique, nous n’en démordrons pas : nous sommes pris dans le mouvement, pris dans la masse. Nous faisons partie de ce tout, et ne pouvons, ne pourrons jamais nous en défaire. Considérer que l’on s’exclue de l’ensemble revient à nier toute réalité sensible ou esthétique ; consiste à objectiver le réel et le réifier ; consiste à se prendre pour dieu — ce qui est absurde. Nous devons nous considérés idiots, indiens, des captifs éclairés, pas — jamais — des savants fous.


Claire Nouvian | Lettre ouverte aux producteurs de “Thalassa”

Claire Nouvian est journaliste, productrice et réalistatrice. Elle a été en 2005 la correspondante de la mission océanographique de l’institut de recherce Harbor Branch dans la golfe du Maine Les films qu’elle a écrits ou réalisés ont remporté de nombreux prix ; citons Une nuit sous la mer, Expédition dans les abysses, Océanautes. En 2007-2008 une grande exposition sur la vie des abysses est organisée au Muséum d’Histoire Naturelles de Paris, dont elle est la commissaire et pour laquelle elle écrit un très beau livre, Abysses, publié la même année aux éditions Fayard. Nous publions ici une vive polémique déclenchée suite à la diffusion d’un reportage de Thalassa (France 3) sur la pêche en hauts fonds.





1. Le Courriel accompagnant la lettre

Bonjour,

Vendredi 8 octobre, Thalassa a diffusé une émission sur la pêche profonde qui n’était pas seulement favorable à celle-ci, mais qui en faisait ouvertement la promotion.

Cet épisode arrive dans un contexte politique particulièrement important car les quotas fixés par l’Europe pour les espèces profondes sont en cours de négociation or ces espèces sont vulnérables, beaucoup d’entre elles sont menacées et les habitats profonds sont ravagés par les chalutiers industriels dont on connaît les dégâts environnementaux et l’absence de sélectivité.

L’objectif politique est clair : assurer aux armateurs industriels que la France, par le biais de l’opinion publique, soutient cette pêche destructrice. Une balle offerte aux défenseurs de cette activité résiduelle et déficitaire, bien que massivement subventionnée, pour aller clamer la légitimité de ce massacre de la biodiversité à Bruxelles.

J’écris d’Asie où le gouvernement de Hong Kong a, quant à lui, annoncé aujourd’hui qu’il interdirait dès l’année prochaine le chalutage dans ses eaux (une étape historique qui peut avoir un effet vertueux sur les régions alentour).

Ironiquement, le jour de la diffusion de Thalassa, les négociations sur les subventions recommençaient à l’OMC à Genève et l’Australie appelait les nations à interdire les subventions allouées aux méthodes de pêche destructrices comme le chalutage de fond (et a fortiori le chalutage profond).

C’est dire si la France est dans l’air du temps en termes d’orientation de ses pratiques de pêche vers des méthodes durables, équitables et sélectives…

A la lumière de ce contexte, on comprend que ce reportage est plus grave qu’on ne peut l’imaginer. Il ne s’agit pas seulement de désinformation, mais de propagande, avec distorsion des propos au montage, manipulation des images, sélection soigneuse des informations etc. de façon à scléroser les marges de manœuvres politiques.

J’ai été profondément choquée par la suite de mensonges décomplexés qui y sont promus. Il m’est impossible de laisser passer des propos aussi dangereux et lourds de conséquences pour notre économie et notre environnement, sans rétablir une image plus fidèle (et référencée) de la situation.

Je joins la lettre ouverte que j’ai adressée au journaliste de Thalassa ainsi qu’à sa direction, qui fait dans un premier temps une synthèse de la situation en France à l’heure actuelle : les problèmes de cette pêche, son impact sur les espèces, les milieux marins, l’économie française, et qui plus loin décrypte les manipulations qui sont faites au montage pour ternir l’image des environnementalistes au profit de celle des chalutiers industriels de façon à fausser le débat.

Les deux premières pages concernent plutôt la rédaction de Thalassa, je vous enjoins donc de vous rendre directement à la troisième page.

Ce document est destiné à la plus large diffusion possible, n’hésitez aucunement à le faire circuler.

Respectueusement,

2. Lettre ouverte