89. Prince, Parade, 1986 | BV ⚫

 


 

Arf. Comme on le sait peut-être (comme la semaine dernière…), je voue un grand respect à Prince

Et le hasard veut que ce soit le premier album de Prince traité ici (comme la semaine dernière), et, coup de bol, je pense que c’est son plus cohérent, son plus abouti.

Là encore, pas nécessaire de s’appesantir outre mesure, tant tout a été dit et redit sur le personnage comme sur le disque. Bande originale d’un film tout à fait passable (mais qui mérite un visionnage pour ne pas mourir con), il recentre les efforts du prince et de ses Révolutions sur la musique rythmique, après une escapade en terrain psychédélique, plus ou moins compris par la réception (Around the world in a day, 1985, #506). Étant une BO, la liberté est un peu contrainte et c’est peut-être ce qui donne son unité de ton à l’ensemble, chose qui, semble-t-il après des milliers d’heures d’écoute, semble être la grande difficulté de Prince devant le format disque (en concert c’est tout à fait autre chose). Assemblage bluffant qui ne rechigne en rien à défendre ces territoires (sonores) chèrement acquis, le disque peut sembler au premier abord touffu, voire confus (l’ouverture est psychédélique en effet), mais devient vite une marque de fabrique, ou, dit poliment, un style.

À cette époque, et le délire du cinéma en est la preuve, Prince règne sans jeu de mot sur la pop, il a sonné ses deux principaux concurrents Michael Jackson et Madonna, et démontre, s’il était besoin, que derrière l’entrepreneur et l’entreteneur, il y a un musicien, et donc un cœur qui bat (ou en tout cas du sang qui bat quelque part). Il n’avait certes pas besoin de faire état de ses talents d’instrumentiste, l’ayant déjà fait dans les sept albums précédents, et il le refera dans le suivant, son unanime chef d’œuvre, Sign o’ the times (1987, #772, comme on voit, je ne suis pas unanime avec les autres) : “I know how to undress me”, feule-t-il dans Kiss.

Mais c’est dans Parade, je crois, qu’on est en mesure de saisir l’épaisseur artistique, et sans doute le témoignage le plus direct de son propos, pour qui serait en quête de cohérence. Ainsi loue-t-on, selon, l’audace (New position, géniale, étonnante Life can be so nice, rafraîchissants Mountains de/avec Wendy & Lisa), la confiance, incarnée par I wonder U, new-wave pop étrange faisant écho à l’atmosphère de Dirty mind (1980, #312), plusieurs notables excursions vers le jazz ou du moins une musique un peu moins pop, comme Parade, sur une partition de son père musicien de jazz, John Nelson, évidemment Do u lie? et Venus de Milo ; à quoi on ajoute deux imparables balades, Under the cherry moon (également cosignée avec son père) et Sometimes it snows in april, que demande le petit peuple ? Eh bien il en a encore sous le coude, le purple schtroumpf, avec l’authentique chef-d’œuvre de chanson qui est Anotherloverholenyyohead, l’une des toutes meilleurs de son répertoire ! puis encore l’indéniable et indémodable Girls and boys ! et encore ! ce n’est pas fini, puisqu’il faut encore finalement citer l’inoxydable Kiss, devenue classique des classiques du genre.

On a rarement retenu autant de morceaux de choix dans une même galette, ce qui rend ce disque aussi attachant que nécessaire, et permet une écoute inaltérable. Après Sign o’ the times, Prince se maintiendra à flot (et comment !), jusqu’à Diamonds and pearls (1991, #995) et Love symbol album (1992, #1196), et alors tout prendra une autre mesure (conflit avec Warner, abandon du nom, témoins de Jéhovah, maladie…) mais c’est une autre histoire, et ce n’est plus celle des folles nuits parisiennes des années 80.