Toute la nuit, je l’aurais entendu comme un gémissement qui jamais ne cessera. Je ne le connais pas, je l’ai sans doute déjà rencontré dans le jardin, je ne le reconnaîtrai pas, je crois avoir bien du mal à distinguer un chat d’un autre chat. Et cette nuit, même la chouette s’est tue. J’ai attendu un moment de silence, j’ai dû m’endormir. J’ai rêvé, et j’ai revu une scène que ma mémoire a conservé comme une carte postale qu’on pose sur le chambranle d’une cheminée en souvenir d’un voyage. C’était dans le bûcher, j’allais chercher du bois pour mettre dans le feu, sur le tas de bûches, au moment où j’allais en prendre une, j’ai vu le corps raide d’un chat terrorisé, ses poils étaient dressés tels des épis plantés dans sa chair morte, ses pattes tendues, sa queue rigide. Je n’ai pas bougé, je suis resté là, immobile comme lui, paralysé par la seule image de la terreur avant la mort brutale.
Quand j’ai ouvert les yeux, le chat miaulait encore dans la nuit. Sa musique qui, au commencement me déchirait, me berçait maintenant sur un rythme presque languissant, comme celle d’un tango argentin. Ton corps m’est apparu et surtout ton visage sédaté, les paupières écartées, figées dans leur absence d’animation, ta parole suspendue entre tes lèvres écartées, ton visage de morte atterrée. Je me suis mis à danser avec toi, je t’ai même invitée à te relever, aucun mouvement n’est venu ni de la vie, ni de la mort.
Le chat est devenu un orchestre. Son miaulement de violon et de violoncelle semblait bien avoir retenu la nuit pour toujours.
Tu n’as plus jamais bougé autrement qu’en image.