LIVRE I
J’étais devant la porte
Et vous étiez mes clefs
Faust. Goethe
Chez elle on venait boire, l’après-midi du thé, le soir du champagne ou du vin. Ils faisaient du bruit dans les escaliers. Les autres locataires n’osaient pas s’en plaindre à elle. Ils s’inclinaient sur son passage à cause de sa beauté et de l’ampleur de ses robes.
Elle n’aimait vraiment que les cadeaux scandaleux et les chansons bêtes. Elle distribuait les regards comme des bons points, elle vendait son corps par lots. Un baiser sur son poignet valait très cher et elle donnait en prime le mépris de ses yeux et un sourire un peu cruel qui ne disait rien. Les battements de son cœur faisaient un bruit de tiroir-caisse. Au fond elle faisait partie de la pire race des vierges.
Ils savent bien quand ils la regardent qu’elle ne devait pas avoir été grand chose pour cesser si vite de l’être : une apparence de beauté dans laquelle ils avaient déposés leurs rêves comme de l’argent à la caisse d’épargne.
Peut-être pensait-elle qu’une histoire d’amour n’est pas quelque chose qui vous arrive, mais quelque chose qu’on fait arriver aux autres et qu’on se raconte pour s’endormir.
Elle n’était jamais malade. Elle n’avait pas assez d’âme pour que cela se voie sur sa peau, même sous la forme d’un bouton.
Un regard aussi beau, aussi innocent, aussi vide que celui des chèvres. C’est ce qu’elle avait de mieux, et elle en était avare.
Quand Parfione était petit, comme il était méchant, coléreux et sournois. Ah, il m’a fait souffrir. Il criait, il pleurait, il ne souriait qu’aux étrangères et moi il me regardait l’air de dire que je n’étais rien et d’ailleurs qu’est-ce que je suis.
Quand il était grand il venait manger et il repartait, c’était toujours trop chaud, trop salé, trop froid, pas assez salé, la porte claquait et il était reparti.
Ce n’est pas comme son frère.
Elle a fait peindre son portrait sur un médaillon d’ivoire par un artiste genevois de passage. Elle l’a promis à chacun et ne l’ a donné à personne. Peut-être même que le portrait n’existe pas.
Si elle donne une mèche de cheveux, elle l’a coupée à sa bonne .
Allons allons
Dit Nastasia
Aux militaires
Qui la vénèrent
Pressons pressons
Dit Nastasia
Aux militaires
Qui ne paient pas
Mais non mais non
Dit Nastasia
Aux militaires
Qui poussent leur pion