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Nathanaëlle Quoirez | Textes (03)

Nathanaelle Quoirez - Crédit photo : Quentin Désidéri

© Quentin Désidéri

Nathanaëlle Quoirez naît pas morte en 1992. Écrit depuis longtemps quand même surtout des textes poétiques. Est passée par les arts du spectacle. Explore la lecture et la performance poétique. Donne des ateliers d’écriture et de théâtre. Bidouille des livres minuscules sur sa machine à écrire. Attend. Se trouve sur Facebook. Ailleurs parfois : ab imo pectore

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centre le fruit
soi de guerre
croître
comme contrer
l’autour de boue
la viande du sacré
qui pousse la merde
a repoussé le jumeau mort
dans sa contrée céleste
retour de l’énigme
en son point de prescience
puissé-je m’expulser
pour reformer le corps.

*

je supplie seigneur
où l’eau froide
marie
dans son écoulement
le noiement de la tête
celui serein du corps
le déclin
de tout homme
je serai celui
sécrété dans la liquidité du ventre
un autre homme
que moi-même
cet effaré tremblant
dans le bleu égide
qui rend à la carté
l’oiseau réconcilié de l’océan
je m’accentuerai
de dénaissance
mais un corps déjà
abat l’interdit
de voler l’heure de son temps
et assèche maintenant
la tombe d’eau limpide

je refleuris de pierres aux endroits de la pluie
je me console.

*

au seuil
on m’égare la route
on m’appauvrit
du halo antéfixe
on me pousse dans le vide
ainsi trace d’oiseau
rejetée dans la mer
j’ai giclé blanche madrépore
j’ai coulé bleue
on me terrifie du cadavre

J’AI FAIM

sans somnoler l’absence
sans boire au pistolet
j’ai faim de ma plus haute mère
qui a pris son berceau dans le bébé maman
j’ai faim d’eau à dormir
m’écouler à ta peau
c’est l’hypothèse
de me croire
jailli de la terreur de naître
m’épouser moi
m’incomber à ma mère jumelle
qui de mon père
ou de la face exclamative
délivrera mon nom
de leur nomenclature
os pourris de genèse
mimesis de l’acte du réel

je ne m’entends plus venir

à l’oreille
bâillon de cris
je supplie le coryphée
de s’étourdir à la confrontation

NE MÉPRISEZ PLUS JAMAIS LE SANS SA LANGUE.

*

je confie à tes mains solitaires
mon destin ensablé
varech larges tessons polis
de crimes sur la plage
je te confie
et même l’image
l’écran ébouriffé de l’âme
l’éventration palpable
du vent dans nos habits.

*

20 h 18

fleuve violet
quelques fleurs mélancoliques
me pourchassent de fureur
je tète un idéal
sans idéal de corps
sans corps flottille à submerger
ma tête ma prison
audace
ma bêtise

mais tu voulais l’ombre, non ?

*

19 h 46 :

seigneur priez
les âmes retournées
dans le chagrin d’alcôve
fœtus de l’absente madre
qui se contracte au jour de crue

*

je descends dans mes fibres
en détressant ma peau
plus que nue dans vos bras
je me demande encore
si je parviens
à mettre le mot vivre
dans le cœur abandon

je vous brûlais mes vêtements
et vous appelais digues
camisole physique
qui me tient hors danger

je ne veux plus de moi

je descends plus bas
que les entailles primaires
augurale violence
dans le bassin du vieux
je sens le violeur ruisselant
sa dalle de mortes
est grande

aigres chairs aux étreintes
peau règne cannibale
lance ta flamme
dans le moyeu pourri
ce nid toujours au centre
dans ma religion je t’accueillerai
jusqu’à la fin du jour

vain passé au crâne d’indifférence
mes tripes ont repoussé
en vieilles fleurs éteintes
sinistre mellifère
je voudrais m’accoucher
mourir avant le cri
pour retrouver mes autres

je vous ai trop perdu

mystagogue tant chéri
donne-moi le bâton des audiences
une phrase nous suffit
guérir ne tient qu’à la promesse

tu précèdes.

Nathanaëlle Quoirez | Textes (02)

Nathanaelle Quoirez - Crédit photo : Quentin Désidéri

© Quentin Désidéri

Nathanaëlle Quoirez naît pas morte en 1992. Écrit depuis longtemps quand même surtout des textes poétiques. Est passée par les arts du spectacle. Explore la lecture et la performance poétique. Donne des ateliers d’écriture et de théâtre. Bidouille des livres minuscules sur sa machine à écrire. Attend. Se trouve sur Facebook. Ailleurs parfois : ab imo pectore

 

14 h 22 : illusion d’orage dans le cirque des épicéas, tombent les gouttes d’aiguilles, la morve au vent, le cri percé du ventre. on rentre les oreilles aux genoux d’avoir suivi le petit enfant. le tenir, verbe des passants qui oublient que l’enfance déficitaire n’est pas une faune de compagnie mais une intempérie dans la force intérieure. que penser. rien que la vie rituelle, recommencement des alignements du jour. trafalgar de l’été, je rentre au pays sans la terre qui me porte et tout est désigné comme aboli. me goinfrer de bornes aux lacets, pas trop branler le cognitif, aligner le squelette dans l’horizon. vaille que vaille dans l’envie de rien. se faire tasser dans le pot, rouler du plat, absorber du dénivelé. allez jouir un peu. JE TE SOUPIRE. on fume.

*

21 h : descendre n’est pas cogner. MAIS COGNER c’est limiter la peau à la lisière du soi. j’ai descendu les barbelés dans les écorchures, c’était de l’évidence critique. j’ai pris les bonnes chaussures pour dévaler les pistes pesanteur. tout le sable avec ses étendues patraques de mer j’ai tout marché, tout dégueulé le suicide de médicaments dans la joue du silence. c’était la fin d’or livide pour m’adorer avec du bleu couteau pour effiler le cri. grand de regard partout sur le plat du sang. les plaies de cailloux, crime d’anéantissement, je suis tombé sous le coup de nuit, l’arrêté du soleil. c’était principal comme sentence, la vie sans cinéma. j’avais pour moi un autre à qui je demandais la vie. besoin de me vivre à deux pour pas finir. alors on avait nos quatre jambes de rumination mentale, on divisait l’espace, on rapprochait les murs. un peu la peau couvrait le monde, un prenait place. on s’épanouissait. c’était ma peur contre ton double. vouloir user la nuit. du ventre à plat toute la mer plate, on bricolait la nourriture des mains qui fouillent sur les rochers. je voulais sauter dans l’eau. MAIS QUI CONDAMNE A DISPARAÎTRE ? on dit : cafouillage instantané dans la parole de naissance. j’ai pas pris ça pour moi, me suis cru excusée dans la solution terrestre de l’écriture. j’ai continué à la lame le grand désert de sable. j’étais néant gâté de l’horizon de mer, le corps réclamait d’y mourir. trop de jeunesse et on avait rien tué de la malédiction. je respirais bien mal dans le poumon fantôme mémé faisait encore des crises abominables. conduit bouché de la pulmonation, prise en apnée dans les fers du thorax toute la lignée femelle de la déglutition. par là que maman a pas prononcé le premier de ses mots dans le petit âge. faute à la syncope. car j’y viens : les phrases. toutes ont bu à la suffocation du dire. goulée sapée de la ventilation, le clapet qui débloque. l’arythmie dans le grand corps génétique de la langue c’est ça la poésie.

*

15 h 00 : te pleurer dans les bras. zéro prise. habiller d’un frac le cadran des heures sales. se lever. grande feuille de papier blanc : qu’est-ce que je vais faire ? c’est raté je pense, une histoire de discontinuité de lignes, brouillade de blanc cassé dans la courroie des transmissions. attaque des images, ancienne vue amère, recommencement. toujours recommencement. injecter de la poussée inverse dans la tradition du temps, naître à la fin. peut-être tension d’hormones ou petites truites malades de la neuro-caboche. prennent les autres toute une caisse à gober : contre les angoisses contre les tristesses contre les insomnies. un jour peut-être je les rejoindrais dans le panier à musette des dépossessions, le chronos pendu à l’heure. pas dis ni au père ni à la mère que j’avais été finie au sucre : excitée, friable, dopée, hypoglycémique. rien dis. j’ai traversé mes trous d’eau, mes trous d’air. pressurisée, dépressurisée, en vrac au baromètre. j’avais mon lot de consolation : dieu avait été tué, restait ma cour de pierres tombales. le paranormal, les tables, les charlatans du tout pouvoir de la divination, les hasards recensés comme des aérolithes, j’y croyais, m’y noyais. fallait draguer en moi le disciple à instruire. j’aimais pas vraiment le danger, flirt léger au précipice, pas de quoi fouetter dans les bordels. plutôt dans les clous d’ailleurs. plutôt polie d’ailleurs. pas tant de violence au fond. j’avais resserré les sangles, besoin du parachute. c’était pas la peine de s’embarquer dans ses torpeurs. je crois que j’ai tout aimé : du faux sage à l’alcoolique. j’ai tout brûlé en moi. l’amour me parvenait du pire, est-ce qu’on choisit vraiment ? je m’arrêtais dans la vie, je regardais : j’aimais beaucoup les gens, j’aurais voulu en être. de leurs jeunesses, habitudes, de leurs forces et joies, de leurs intelligences et légèretés, de leurs mouvements dans le froncement de l’air. on me dit : mais tous voudrait ça. sans doute. j’avais besoin d’une autre vie, d’un crâne à la hauteur du monde. je voulais des muscles, du rire, faire la cuisine pour les amis. je voulais mes vingt-ans ans dans la facilité de l’être et du sans peur dans ma traînée de sang. je voulais de la force pour tout abattre. des fêtes jusqu’à six heures. voulais être acrobate. mais non j’avais fermé ma tête, j’avais cassé mon corps.

*

Nathanaëlle Quoirez | Textes (01)

Nathanaelle Quoirez - Crédit photo : Quentin Désidéri

© Quentin Désidéri

Nathanaëlle Quoirez naît pas morte en 1992. Écrit depuis longtemps quand même surtout des textes poétiques. Est passée par les arts du spectacle. Explore la lecture et la performance poétique. Donne des ateliers d’écriture et de théâtre. Bidouille des livres minuscules sur sa machine à écrire. Attend. Se trouve sur Facebook. Ailleurs parfois : ab imo pectore

 

 

 

je mincis
à ma bouche
langue ne te retourne pas
aboyer pour mes luttes
chien de falaise blanche
puissant voyou de gueule
retourne mon oblique
atteint ma trajectoire
mektoub de l’incroyant
langue
crie le feu à mes rangs
pour ma patrie d’insultes
enchâsse le discours
entre deux tortionnaires
je me vis pour mourir
langue
j’ai côtoyé mon pire
sans toi dans mon oubli
langue
stigmate de l’insincère
creuse et je rougis
dans le poumon des lettres
je mincis
dans le crassier des mots
maman avait chanté
mon alphabet sans le connaître
creuse et je m’immole
à lire le ventre du carême
sans toi le feu puissant
dévore le grand voyant
j’ai mal à redoubler
la classe mélancolie
nous frères et sans parents
la main tenue dans l’hémisphère
nous mal à langue
l’enfant fou qui libère
j’ai dévoyé l’oiseau
pour abîmer ton ciel.

*

appelle mon corps
ardoise périssable
racket de l’addition
le multiple zéro
c’est de se sacrifier
et de boire à la rame
l’immobile vertige
matin déshabillé
je me guéris je me conteste
je décroise le dieu
resté prostré au sein immaternel
frappe marteau à gorge brune
le délire de mon sang
à la veine éclatée
de la tempe du buveur
frappe la maladie immonde
innommé de l’été
crâne à chair viande
tu pourris de m’aimer
j’ai patience à ma fin
pour absoudre mes vers
j’ai patience à ma fin
pour bousculer mon chant
j’ai patience à mon meurtre
dans l’extase du lent.

*

creuse humeur
le corps des prétentions
et la messe de famille dans le repas des vaniteux
creuse sans oublier
la tarière idéale
elle débouchera de l’orifice de la parole
palabre du siège scabreux
le canard immondice

les hommes tels
les femmes grasses de rire
les femmes griottes laides sans mari
les hommes cacophoniques
les hommes sales de leurs assises

creuse humeur
méchante humeur du canard de l’enfance
creuse un trou syllabique dans le revers de la cuisse de poulet
nettoie méchante humeur
frotte l’éponge aux entournures minables
attaque méchante humeur
les discussions les lentes et les continuelles
les ordres de la réassurance
le besoin des yeux
creuse humeur
en bout de table
l’ennui malade
les affectés

demain les tiens seront pleurés à la tombe
tu auras creusé
et colle de honte pour l’avenir
frappée d’impuissance
tu prononceras le mot de solitude

tu t’appartiendras canard
dans ta grappe de sucre liquide
ivre
dévalant la pente humaine de force.

*