Nathanaëlle Quoirez | Textes (02)

Nathanaelle Quoirez - Crédit photo : Quentin Désidéri

© Quentin Désidéri

Nathanaëlle Quoirez naît pas morte en 1992. Écrit depuis longtemps quand même surtout des textes poétiques. Est passée par les arts du spectacle. Explore la lecture et la performance poétique. Donne des ateliers d’écriture et de théâtre. Bidouille des livres minuscules sur sa machine à écrire. Attend. Se trouve sur Facebook. Ailleurs parfois : ab imo pectore

 

14 h 22 : illusion d’orage dans le cirque des épicéas, tombent les gouttes d’aiguilles, la morve au vent, le cri percé du ventre. on rentre les oreilles aux genoux d’avoir suivi le petit enfant. le tenir, verbe des passants qui oublient que l’enfance déficitaire n’est pas une faune de compagnie mais une intempérie dans la force intérieure. que penser. rien que la vie rituelle, recommencement des alignements du jour. trafalgar de l’été, je rentre au pays sans la terre qui me porte et tout est désigné comme aboli. me goinfrer de bornes aux lacets, pas trop branler le cognitif, aligner le squelette dans l’horizon. vaille que vaille dans l’envie de rien. se faire tasser dans le pot, rouler du plat, absorber du dénivelé. allez jouir un peu. JE TE SOUPIRE. on fume.

*

21 h : descendre n’est pas cogner. MAIS COGNER c’est limiter la peau à la lisière du soi. j’ai descendu les barbelés dans les écorchures, c’était de l’évidence critique. j’ai pris les bonnes chaussures pour dévaler les pistes pesanteur. tout le sable avec ses étendues patraques de mer j’ai tout marché, tout dégueulé le suicide de médicaments dans la joue du silence. c’était la fin d’or livide pour m’adorer avec du bleu couteau pour effiler le cri. grand de regard partout sur le plat du sang. les plaies de cailloux, crime d’anéantissement, je suis tombé sous le coup de nuit, l’arrêté du soleil. c’était principal comme sentence, la vie sans cinéma. j’avais pour moi un autre à qui je demandais la vie. besoin de me vivre à deux pour pas finir. alors on avait nos quatre jambes de rumination mentale, on divisait l’espace, on rapprochait les murs. un peu la peau couvrait le monde, un prenait place. on s’épanouissait. c’était ma peur contre ton double. vouloir user la nuit. du ventre à plat toute la mer plate, on bricolait la nourriture des mains qui fouillent sur les rochers. je voulais sauter dans l’eau. MAIS QUI CONDAMNE A DISPARAÎTRE ? on dit : cafouillage instantané dans la parole de naissance. j’ai pas pris ça pour moi, me suis cru excusée dans la solution terrestre de l’écriture. j’ai continué à la lame le grand désert de sable. j’étais néant gâté de l’horizon de mer, le corps réclamait d’y mourir. trop de jeunesse et on avait rien tué de la malédiction. je respirais bien mal dans le poumon fantôme mémé faisait encore des crises abominables. conduit bouché de la pulmonation, prise en apnée dans les fers du thorax toute la lignée femelle de la déglutition. par là que maman a pas prononcé le premier de ses mots dans le petit âge. faute à la syncope. car j’y viens : les phrases. toutes ont bu à la suffocation du dire. goulée sapée de la ventilation, le clapet qui débloque. l’arythmie dans le grand corps génétique de la langue c’est ça la poésie.

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15 h 00 : te pleurer dans les bras. zéro prise. habiller d’un frac le cadran des heures sales. se lever. grande feuille de papier blanc : qu’est-ce que je vais faire ? c’est raté je pense, une histoire de discontinuité de lignes, brouillade de blanc cassé dans la courroie des transmissions. attaque des images, ancienne vue amère, recommencement. toujours recommencement. injecter de la poussée inverse dans la tradition du temps, naître à la fin. peut-être tension d’hormones ou petites truites malades de la neuro-caboche. prennent les autres toute une caisse à gober : contre les angoisses contre les tristesses contre les insomnies. un jour peut-être je les rejoindrais dans le panier à musette des dépossessions, le chronos pendu à l’heure. pas dis ni au père ni à la mère que j’avais été finie au sucre : excitée, friable, dopée, hypoglycémique. rien dis. j’ai traversé mes trous d’eau, mes trous d’air. pressurisée, dépressurisée, en vrac au baromètre. j’avais mon lot de consolation : dieu avait été tué, restait ma cour de pierres tombales. le paranormal, les tables, les charlatans du tout pouvoir de la divination, les hasards recensés comme des aérolithes, j’y croyais, m’y noyais. fallait draguer en moi le disciple à instruire. j’aimais pas vraiment le danger, flirt léger au précipice, pas de quoi fouetter dans les bordels. plutôt dans les clous d’ailleurs. plutôt polie d’ailleurs. pas tant de violence au fond. j’avais resserré les sangles, besoin du parachute. c’était pas la peine de s’embarquer dans ses torpeurs. je crois que j’ai tout aimé : du faux sage à l’alcoolique. j’ai tout brûlé en moi. l’amour me parvenait du pire, est-ce qu’on choisit vraiment ? je m’arrêtais dans la vie, je regardais : j’aimais beaucoup les gens, j’aurais voulu en être. de leurs jeunesses, habitudes, de leurs forces et joies, de leurs intelligences et légèretés, de leurs mouvements dans le froncement de l’air. on me dit : mais tous voudrait ça. sans doute. j’avais besoin d’une autre vie, d’un crâne à la hauteur du monde. je voulais des muscles, du rire, faire la cuisine pour les amis. je voulais mes vingt-ans ans dans la facilité de l’être et du sans peur dans ma traînée de sang. je voulais de la force pour tout abattre. des fêtes jusqu’à six heures. voulais être acrobate. mais non j’avais fermé ma tête, j’avais cassé mon corps.

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