Feuilleton itinérant publié par Hors-sol, La vie manifeste, Libr-critique et remue.net.
Puis. Le 13 novembre 2011. On retrouve Ernesto dans les allées ombragées de People’s square square du peuple. On le retrouve, sans tabouret ni pancarte, marchant en célibataire aux côtés des filles et de leurs mères, toutes → à la recherche d’un mari. Ernesto se dit alors eh bien voilà, c’est exactement ça : je ne suis pas assis sur un tabouret, avec une pancarte autour du cou, mon salaire mensuel, mon 06, tout ça, non, moi, je marche, célibataire, aux côtés des filles et de leurs mères, toutes → à la recherche d’un mari.
Je marche à côté d’elles, depuis maintenant peut-être dix ans, trois secondes → + → à peu près deux ou trois siècles → et parfois lorsqu’une fille et sa mère s’arrêtent devant une pancarte, avec salaire, 06, tout ça → parfois → je m’arrête à côté d’elles, un tout petit peu en arrière, et je regarde la courbe de la nuque de la jeune femme. Et → parfois → avec cette sensation d’un regard glissant de son cou jusqu’à toute l’étendue de son dos, parfois → la jeune femme se retourne et elle et moi nous établissons alors ce minimum relationnel → regard + sourire. C’est une joie simple. On se sourit. On se regarde. Par ce sourire on se salue.
Par ailleurs, Pǔtōnghuà signifie langue commune.
• 13 novembre 2011 • Si l’état du monde est visible un peu sur mon visage alors je peux dire un peu je suis de ce monde → derniers visages → 1/10 → ce jour-là → est visible sur le visage d’Ernesto → le visage de Jamal al-Wadi → distributeur d’instruments ménagers sur toute la Syrie → + → membre du conseil national syrien → il se souvient → tout a commencé à la chute du président égyptien Moubarak → nous étions tous devant la télévision et les enfants Ivan, Maryse & Pavlov sont sorties dans la rue et ils ont écrit sur les murs ce qu’ils avaient entendu → dégage → le peuple veut la chute du régime → ils ont été arrêtés mais cette première arrestation ne les a pas empêchés de recommencer → ils ont été arrêtés une deuxième fois → on a réclamé nos enfants → par ailleurs nos demandes étaient d’ordre social → on a décidé d’agir → ils ont envoyé les forces de sécurité → nous étions en pleine négociation avec les policiers → ils ont tiré sur la mosquée → ils ont dit oubliez vos enfants → ils ont dit faites en d’autres avec vos femmes.
Par ailleurs. Comme tous les dimanches depuis maintenant dix ans, quatre secondes → + → un peu moins de trois ou quatre siècles. Ici. À People’s square square du peuple. D’une part je marche aux côtés des filles et de leurs mères toutes à la recherche d’un mari. D’autre part je distribue une petit tract au format des petites cassettes de dictaphone once upon a time analogique. Je. Distribue ces petits morceaux de papier 5,5 cm sur 3,8 cm sur lesquels j’ai écrit la seule phrase qu’à ce jour j’aie lu de Spinoza → l’amour → est une joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure. J’ai fait traduire la phrase en caractère chinois. J’espère qu’elle a bien été traduite. J’espère vraiment qu’elle a bien été traduite parce que depuis 10 ans et 15 secondes → sans compter les siècles → chaque dimanche, dans les allées ombragées de People’s square square du peuple, j’écoute ce que les filles et les mères à la recherche d’un mari me disent après avoir lu la phrase d’amour, une joie, qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure. J’écoute → les sons de cette langue que j’apprends à comprendre, depuis 10 ans, 16 secondes → + les siècles → chaque dimanche. J’écoute le son de cette langue → d’amour, me dis-je. C’est une langue d’amour. Du moins je veux le croire. Cette langue des filles et des mères à la recherche d’un mari, dans les allées ombragées de People’s square square du peuple. J’écoute cette langue. J’écoute et progresse dans l’apprentissage de la Pǔtōnghuà.
• 13 novembre 2011 • Si l’état du monde est visible un peu sur mon visage alors je peux dire un peu je suis de ce monde → derniers visages → 2/10 → ce jour-là → est visible sur le visage d’Ernesto → le visage de Dilma Vana Rousseff → présidente de la République fédérative du Brésil → tandis que des centaines de soldats et de policiers appuyés par des hélicoptères déclenchent l’opération d’occupation de la plus grande favela de Rio de Janeiro c’est-à-dire le plus grand bidonville de Rio de Janeiro → la Rocinha → l’intervention a lieu en vue de renforcer la sécurité et de mettre fin au règne des gangs de trafiquants de drogue dans cette favela, dans ce bidonville à flanc de colline où vivent environ 100.000 personnes à proximité des quartiers résidentiels les plus riches de la ville, à proximité des plus belles plages de Rio de Janeiro → l’occupation de cette favela c’est-à-dire de ce bidonville est un volet crucial dans les préparatifs de Rio de Janeiro pour la Coupe du monde de football en 2014 ainsi que dans les préparatifs pour les Jeux olympiques en 2016.
Ernesto marche aux côtés d’une jeune femme célibataire et de sa mère, un tout petit peu en retrait, derrière elles deux. Ernesto regarde la courbe de la nuque de la jeune femme.
• 13 novembre 2011 • Si l’état du monde est visible un peu sur mon visage alors je peux dire un peu je suis de ce monde → derniers visages → 3/10 → ce jour-là → est visible sur le visage d’Ernesto → le visage de Mathias Matallah → président de Jalma → cabinet conseil en assurance → il commente le sondage qu’il a commandé à l’Ifop → Institut français d’opinion publique → sondage selon lequel 58% des Français disent avoir renoncé à aller voir un médecin spécialiste en raison du fait que le délai est trop long pour obtenir un rendez-vous → il dit → on constate un fort décalage entre la perception des Français et la réalité → il dit → les délais de rendez-vous proposés par les médecins sont beaucoup plus courts selon les médecins que la perception qu’en ont les patients → il dit que les praticiens et leurs patients ne sont pas disponibles aux mêmes moments → il dit que beaucoup vont détester ce parallèle mais les spécialistes doivent faire la révolution du service sur le modèle de la grande distribution.
Et. Un tout petit peu derrière lui, Ernesto sent comme un regard glissant de son cou jusqu’à toute l’étendue de son dos. Ernesto → pense fugitivement au vieux maîte Wang Taocheng. Ne te retourne pas. Surtout. Ne te retourne pas. Ernesto ne se retourne pas. Il pense je me suis beaucoup retourné depuis 10 ans et quelques siècles, et toujours quand je me suis retourné → grosse grosse grosse déception → jamais rien qui vienne correspondre à quoi que ce soit en relation avec cette sensation de regard dans mon dos. Jamais rien sinon un putain de gros paquet plein de vide. Oui. Aussi, aujourd’hui → Ernesto ne se retourne pas et la sensation du regard glissant de son cou jusqu’à toute l’étendue de son dos petit à petit s’amenuise, disparaît Adieu vieux maître Wang Taocheng. La sensation s’amenuise et disparaît tandis qu’Ernesto s’approche de la jeune femme célibataire, qui de son côté semble se détacher de sa mère, un tout petit peu, juste ce qu’il faut, c’est vraiment super, elle ne lui tient plus la main comme tout à l’heure, c’est vraiment parfait, c’est bien fait, c’est juste → en train de se faire.
• 13 novembre 2011 • Si l’état du monde est visible un peu sur mon visage alors je peux dire un peu je suis de ce monde → derniers visages → 4/10 → ce jour-là → est visible sur le visage d’Ernesto → le visage de Chen Maohui → maire de la ville de Zhongshan dans la province du Guangdong au sud de la Chine → tandis que dans Xiaolan Town → l’un des 18 quartiers de la ville de Zhongshan → des villageois attaquent le parc industriel Jinrui, suite à la vente de terres agricoles, sans contrepartie pour eux → le visage de Chen Maohui → tandis que lui revient en mémoire, peut-être, les 90.000 incidents de masse, c’est-à-dire → les 90.000 émeutes, protestations, manifestations, qui selon les observations officielles ont eu lieu chaque année, en Chine, entre 2007 et 2009.
Ernesto est maintenant tout à côté de la jeune femme célibataire.
• 13 novembre 2011 • Si l’état du monde est visible un peu sur mon visage alors je peux dire un peu je suis de ce monde → derniers visages → 5/10 → ce jour-là → est visible sur le visage d’Ernesto → le visage de Jacques Perrochat → directeur du pôle Solutions Data Center de Schneider Electric → il dit → EcoBreeze™ est une solution modulaire de refroidissement par échangeur de chaleur air-air ou évaporation indirecte → elle se distingue par sa capacité unique de basculer automatiquement entre l’échangeur air-air et l’échangeur à évaporation indirecte et cela afin d’utiliser systématiquement le refroidissement le plus efficace pour le datacenter → EcoBreeze™ réduit la consommation d’énergie → EcoBreeze™ exploite la différence de température entre l’air extérieur et l’air produit par l’informatique pour assurer un refroidissement plus économique du datacenter → EcoBreeze™ est conforme aux normes ASHRAE 90.1/TC 9.9 de rendement et d’économie → EcoBreeze™ se décline en plusieurs formats pour répondre aux besoins de refroidissement de tous les types de datacenter.
MOI TU SAIS J’AI BESOIN D’UN HOMME SUR UN CHEVAL AU GALOP.
Oh pas de problème en ce qui me concerne par perfection et par réalité j’entends une seule et même chose.
Ainsi. Ernesto & Yameng se retrouvent-ils à Shanghai dans les allées ombragées de People’s square square du peuple. Et, illico presto à peine se sont-ils retrouvés que les voilà qui enfourchent un scooter, foncent en direction du pont Nanpu, là-bas, vers l’est → embarquent sur la première vedette qui prend la mer, et → quatre heures et demie plus tard se retrouvent sur l’île du Mont Putuo → là, ils louent un hors-bord et en 15 minutes → droit vers le sud → ils rejoignent l’île Zhujiajian et ses plages → uniques → avec sable fin → + → paysages enchanteurs reconnus par la World Sand Sculpting Academy dont le mandat est de promouvoir la sculpture sur sable → on voit alors Ernesto & Yameng contribuer à l’enchantement de la sculpture sur sable fin de plage unique, avec ébats cheval-écureuil, colibri-taureau, serpent-jument, singe & lapin, éléphant & sirène et tous les animaux de la basse cour et de la haute → + → les animaux des savanes → + → ceux des plaines et des montagnes et ceux des villes. Ou bien. Tout aussi bien. Ernesto & Yameng marchent-ils tranquillement tous les deux jusque vers la chambre d’Ernesto, sous les toits, au-dessus de l’appart de Caroline et Vince Parker. Où qu’ils soient → joie.
13.11.201
http://www.mediapart.fr/journal/international/111111/portraits-croises-de-cinq-membres-du-conseil-national-syrien?onglet=full
http://www.france24.com/fr/20111113-operation-policiere-lutte-narcotraficants-drogue-pacification-rocinha-favela-rio-janeiro-bresil/
http://www.20minutes.fr/sante/822342-20111113-sante-58-francais-renonce-soins-specialises-raison-delais
http://www.reuters.com/article/2011/11/13/us-china-land-protest-idUSTRE7AC0NY20111113
http://fr.wikipedia.org/wiki/Zhongshan
http://www.globalsecuritymag.fr/Jacques-Perrochat-Directeur,20111113,26832.html