boire trois gorgées à la foire
sous la pluie glacée des tiroirs
reprendre en main tout l’attirail du début
se fendre en deux
racler avec une raclette
s’allonger dans le sens des mailles
passer sans rien percevoir
plier le tissu dans la longueur
se faire tondre comme un tourton
verser l’eau des averses
hors du cadre et des contours
se sortir du bain
je transmets
une main après l’autre
le pied qui me reste
brutalement lancer une jambe
cassée, osseuse, brique après brique
monter à la hauteur
ratisser les flocons qui fondent
le sable de ma chemise est une ruine
la plupart du temps la forme est en fait tordue
retroussée comme un ourlet
que le sel dépose en nappe fragile
sous les pieds des baigneurs agiles
courir sur la plage du livre
c’est encore avril pour deux mois
arriver à suivre les astres
aussitôt que la nuit s’étend
je m’éteins
sur la voie du tram je marche sur une noix
la friche de papier est en carton
un enfant qui traverse en courant
je suis dans un café Vert,
un citron amer servi dans un verre glacé
ce ne sont jamais les mêmes choses qui se font
je regarde au même endroit
le sang de ton ventre est usé
mon vieux chien est sourd
les leçons perdues sur des tables renversées
une pincée de sel dans un plat oublié
marcher longtemps le long des haies
ce qui sépare les saisons
ne jamais mûrir
sur le dos de ma tortue,
je m’avance dans les fraisiers
j’ai les paupières qui s’ouvrent
qui se ferment comme un store tranchant
l’amertume sucrée des cafés corsés de la nuit
frissons de la lame émoussée de ma hache
il neige dans ma tête
paniers pleins, lits bordés, chemins assurés
étonné de me voir dans le miroir
me casser les dents sur un marshmallow
traverser un troupeau de pamoisées
tremper ma main dans l’eau pour soulever les choses
tout faire en un rien de temps
j’épaissis ma crème avec de la crème plus épaisse
je joue mon âme à la roulette
je bouillonne comme une huître dedans
se hâter de dire n’importe quoi qui puisse être entendu une fois au moins
se voir finir au fond d’une marmite
les couverts sont mis sur la table
les assiettes creusées par le sel
l’ail me pique la lèvre gercée
attendre que tout passe
aller partout pour connaître la fin avant
s‘affamer d’herbes piquantes et de mie de pain
je me vois à 10 ans et plus
dans les draps d’une anglaise
frémir aux choses vues par les autres
mon verre est plein d’un liquide à boire vite
sur le tapis je suis couché sur le côté
ce monde rapide qui nous rentre dans la gueule
partir avec la clôture
mon cheval scellé qui saute
tous les mots sortis du corps à force de sueur
libre dans la vague du canal
je vois trouble
l’affolement du sable entre les doigts
La vie de ma chambre est exacte
les pas secs entendus sur la terre des mendiants
aller partout pour connaître la faim
rouler mes poings dans le foin
un quartier de pomme fendu sur la langue
deux mains dans ma poche à chercher le boulon de l’écrou
les lentilles sont vertes comme des cailloux
fabriquer des ustensiles solides et costauds pour partir
ma valise est pleine de vide
pour aller là-bas en bas
des escaliers blancs dans la poussière des marches
le chemin avec des nuages noirs
mon foie se ride
je tousses tes organes dans la rue
je balaye encore
frotte toujours tu m’intéresse
filmer avec mes seuls muscles
le cœur écrasé par la pluie
embourbé dans mon sommeil
mouiller les entrailles
je m’endors
le pendule s’arrête là
ta main est morte dans ma main
liseré de ta manche en velours brûlant
j’écrase un fruit sec sous ton genou-rotule
ici et là c’est pareil
je vois comme avant
trois saphirs safran incrustés dans tes dents
le dos adossé au mur de chaux
mon verre est plein d’un liquide à boire vite
au bras, à la hauteur des herbes
mes pieds poussent
à rester là en voyage, assis
je suis au sommet pour voir que j’y suis
en bas pour voir le haut
je revois ce que nous avons fait
on ne recommencera pas
me laisser faire et toujours avec
la somme des mètres à refaire à pied
longer les crêtes et voir ce qui nous attire
la confiture n’a pas pris une ride
le jour où je suis descendu
trois journées passées sous les arbres au bord du fleuve
débarquer un lot de planches de sapin
voir une dernière fois
la révolte de ma route
j’ai repris mes notes de montagne
chaque crête ou j’ai cru tomber vraiment
je crie à chaque étage
sur le palier en carton où je patiente
comme l’algue marine bleue
rien dire de plus
pourquoi une fois de plus je me suis fait prendre par la nuit
mes pieds invisibles dans l’eau chaude
hacher la terre
broyer le temps
le tas de cailloux de générations
c’est un excellent médecin ce Monsieur Caverne
sa chaloupe est pleine
prendre la berge le soir venu
se revoir dans le même film
tu ne peux pas être désespéré quand t’es nul
l’origami de ouf est dans le bourgeon du poirier
déplier sa voix rauque qui parle des pierres usées
pose l’œil
il y a peu de choses à comprendre
tu as recours au même tamis
rien ne dépasseras
les feuilles défroissées des arbres lancés comme des vagues
l’agonie du grain de poivre dans le moulin
des reflets changeants selon la lumière reçue
chanson au ton des amours déçus
prendre la photo qui restera dans la boue des flaques
les photos ne seront jamais développées
les oiseaux méchants défilent dans la brume des arbres
le cirque s’est dissout sous l’acide acétique
les reins qui calculent
les quilles couchées le long du quai du bowling ambiant
Je brasse les saisons
je ne reconnais plus ma peau
plus tard est passé
les journées se pendent aux branches
mon nez sur mon cœur se rejoignent
un escargot vivace et sans coquille
passer partout où je passe
traverser sans moi
les rivières, les fleuves
le point complexe au crochet
le déroulement qui met longtemps à se dérouler
on voudrait vivre comme des indiens
parler comme eux, avoir les mots, les mêmes mots
depuis longtemps que l’on bricole dans nos têtes des choses qui tiennent debout
avoir les mots des indiens
marcher en dehors de la forêt
courir les champs
longer la ligne tordue des lisières
depuis le temps
elle n’a pas besoin de mémoire la mémoire
le train de la plaine déborde de toute part
il faut passer beaucoup de temps à s’abrutir
lire un livre en regardant les gens de dos
ouvrir des bières
en fermer
mettre de l’eau dans ton venin
froidement comme ça
je reviendrais avec ma camionnette
chercher les oiseaux dans les combles
ta vidéo gratuite des tracas
et une autorisation à mollir
je me gomme
le ressac plaque au rocher ton emprunte
crache-moi ton ordre
ta méduse sale
ta cécité
tu veux faire quoi avec ça
des piqûres
n’en parlons plus
le bruit est dans un sachet
dans le gras du jambon
si vous saviez l’ombre qu’on traverse
les petites choses étranges
la fièvre qui rattrape les trucs en bout de course
impossibles à dire aujourd’hui
avancer jusqu’à l’arrêt
le vide du temps que tu me prends
les robots qui durent le temps des piles
serrer l’une contre l’autre les secondes qui te restent à m’écouter manger
aspirer les morsures de l’ours qui crache sa forêt
enterrer ta terre
Luc Garraud | Mon verre est plein d’un liquide à boire vite
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