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Eric Petiot | Témoignage

Eric Petiot nous transmet ces lignes :

Diplômé en Horticulture puis en paysage, j’ai créé mon entreprise en 1990. Diplômé entre 1990 et 2003 en phytothérapie et biologie, j’organise des formations dans l’idée d’autonomiser les professionnels sur la thématique “Les plantes pour soigner les plantes”. Auteur de deux livres sur ce thème (Les soins naturel aux arbres en 2008 et Purin d’ortie et compagnie, avec Bernard Bertrand et Jean-Paul Collaert, en 2009,  tous deux aux édition de Terran), j’ai été “mis à mal” par les autorités en 2006 pour le simple fait d’apprendre aux professionnels les métiers de la terre; à réaliser des préparations naturelles par les plantes. Je prône une recherche pour le domaine public libre accès.

L’écologie définit donc une science de l’habitat qui permet à bon nombre de spécialistes (biologistes, économistes, sociologues…) de trouver chaussure à leurs pieds.

Qu’entendait Haeckel en introduisant le terme écologie ? Ce naturaliste allemand (1834-1919), fervent disciple de Darwin et grand voyageur émit la « Loi de biogénétique fondamentale » selon laquelle l’ontogénèse (développement embryonnaire) est une courte récapitulation de la phylogénèse (suite des formes ancestrales). Cette acquisition des formes modelées par ces forces cosmo-telluriques qui constituent la matière et qui sont en résonances avec ces dites forces.

Peut-on imaginer ou encore mieux ressentir ces forces informatrices qui nous façonnent, de la cellule à l’embryon et de l’embryon à cet être doué de raison ?

Ces forces qui nous pénètrent, nous lient à la terre, participent à notre éducation proprement individuelle. La naissance de la science Moderne fut précédée puis accompagnée par la pensée philosophique qui divisa l’esprit et la matière. Cette dualité a générée par un conformisme éducatif une scission sur la manière d’entrevoir les choses de  la vie.

La naissance sémantique du bien et du mal au 8ème Concile Œcuménique (en 869) a fait naître une pensée clivée, partagée où progressivement jaillit une perte d’identité. L’être humain a certainement su utiliser à bon escient cet instinct animal en coévolution avec son environnement. L’un et l’autre se bâtissaient mutuellement. Le regard façonné puis projeté sur le vivant ne s’est pas toujours entouré d’une scrupuleuse connaissance sémantique qui de façon inaliénable à rendu les choses hermétiques.

Certains philosophes durant la période de l’antiquité, enseignait la façon de regarder, d’observer le vivant sans jugement ni doctrine. Une simple plante pouvait  être observée sans forcément la nommer ou chercher à le connaître. La connaissance par l’interprétation à façonné notre façon de voir les choses mais en même temps est née une dualité cartésienne proprement individuelle, isolant l’individu à l’intérieur de lui-même !  Cette «  connaissance » consciente a pris le pas sur le moi organique et a générée une spéciation de la pensée qui plus tard a générée des formes de pensées élémentaires. Chaque individu s’accroche à ses pensées qui se transforment en éléments spécifiques comme le talent, les croyances, les sentiments…

Observer sans interprétation, sans nommer, sans disséquer peut permettre à l’individu de se réapproprier. Nous n’observons que les connaissances et non les phénomènes et ce qui compte, c’est la transformation par un processus puis un contreprocessus.

Le vivant est en permanence en train de faire deux pas en avant puis trois pas en arrière. L’être humain se doit d’en faire autant  afin non pas « d’évoluer » de façon unidirectionnelle mais de se grandir par déconstruction et reconstruction. C’est peut être cela le plus gros défi écologique de l’humanité : le regard sur soi.

Cela peut générer une écologie identitaire en accord avec soi même et redonnera un sens aux décisions et actions collectives !

Vivre l’écologie mais aussi vivre la philosophie permet l’autonomie de son entier et ne fera plus de l’écologie et de la philosophie un concept. Pour cela, nous nous devons d’expérimenter par delà les concepts l’écologie et la philosophie afin de transmettre des expériences organiques non hermétiques mais bien vivantes ! En passant par l’expérimentation, l’être humain, la société toute entière deviendra lente. Cette lenteur salvatrice au niveau individuelle et sociétale va «  droper » une écologie spéculative et hypocrite. La transmutation sera lente en accord avec les changements de chacun et ce qui est lent est fiable.

Jonathan Gowthorpe | Ignore et détruit


Jonathan Gowthorpe est musicien, sous le nom de Vompleud. Il participe à de nombreux projets qu’on peut retrouver sur sa page Myspace. Son dernier album, Mini melodies for polystyrenophone est sorti en 2008 sur le label Key on a records. Il propose une création electronica à partir du livre de Maurice Blanchot L’attente l’oubli.


Dominique Quélen • Comme le reste

Dominqiue Quélen est poète.

            

La couleur est passée directement du ciel dans ce poème à cabine de douche où elle fait un dépôt. Enfance et air iodé partent ensemble par un trou unique. Les mots diminuent. Des lois de la prononciation ne subsiste que l’enveloppe. Aucun corps ne surgit plus, n’enfle, n’éclate en totalité. Le ciel n’était qu’une représentation. Les oiseaux n’y sont plus prononçables, ou différemment, comme le reste. On obtient une forme qui se divise en deux pour passer dans deux trous à la fois ou davantage. Une même main agitée de mouvements contradictoires se détache de son ombre en s’élevant ou en s’enfonçant dans le langage. À la fin seulement elle défait tout.

            
            
            


            
            
            

On a cru voir disparaître quinze ou vingt mille points par minute, il y en avait le double, c’étaient des lignes ou fragments de lignes. Les points disparaissent dans un champ de vision à côté dont, faute de langue, on ne dit rien. Tous les éléments sont remplacés terme à terme. Peu probable qu’il en manque un ou qu’il fasse provisoirement défaut. Des détails se succèdent dans des épisodes. C’est le matin puis le soir. Impression de vitesse relative. Il s’agit d’apprendre. Tel mode d’action devient le seul possible. Un corps fait un petit bond au-dessus d’une ombre à plat comme ici sur le sol. On ne sait pas vers qui ou quoi revenir avec des mots différemment coupés et reliés entre eux. La nuit est allée très vite, sans autre fin qu’un enchaînement, une accumulation.

            
            
            


            
            
            

Au démarrage on prend dans les phares une tête et des membres de chien en carton. La tête est dans un raté de la langue un visage, un corps, selon l’angle adopté. La chaleur du corps se révèle à une heure de là. Il ou elle a son équivalent dans la réalité, de supposés renards, éphémères constructions fauves et nerveuses sorties de la forêt. Peut-être vingt, ou cinquante. Une oreille pointue devient l’épreuve à surmonter. Tout le lac se soulève en même temps puis déferle. Il faut revoir les chiffres. Dans la confusion, c’est-à-dire langue et réalité confondues, plusieurs disparaissent qu’il faut retrouver si on veut savoir ce qu’ils sont ou ce qu’on est. Mais on oublie ce qu’on cherche et quand on se croise on s’échange comme un mot de passe : toujours rien. Mystère et invention.

            
            
            


            
            
            

Le nom n’existe pas pour la perte d’un ami surgissant de ses vêtements puis de sa peau. La phrase écrite ou prononcée qui manque a lieu juste après. L’exercice long et fastidieux n’implique pas le résultat décevant. Un serpent sorti d’un tuyau pénètre avant nous dans la pièce et la remplit d’un seul coup, signe d’un grand désordre. À tout énoncé s’oppose une respiration du corps alternant haut et bas visible sur un tableau. Le serpent qui nous précède échappé d’un tuyau est un ver, le ver un serpent dans nos mains qui nous fuit. Le serpent, sauf erreur, a quitté son tuyau tandis que, hagards et le corps épais comme une planche à passer et repasser ses nerfs, nous trouvions dans la fuite une issue menant à cette histoire où il s’agit d’en découdre enfin.

            
            
            


            
            
            

Nous observons les oiseaux que nous voyons divisés par trois ou un multiple de trois sur le radiateur. Un tableau montre leur chant divisible en autant de chants qu’il en existe. En réunissant leurs corps et en les réduisant à un seul on obtient ce résultat. On met bout à bout ce qui est éparpillé dans la nature où les corps des oiseaux vont aux habits d’un opéra qu’on écoute en accéléré. Nous finissons d’observer ensemble le tableau. Le pouls qu’on entend continue sans ornements ni détours. Un savoir momentané nous envahit. Nous figurons près du radiateur où sont réunis les oiseaux en un seul et constatons en prenant leur pouls qu’il marche au ralenti. La même opération permet d’obtenir à volonté d’autres résultats. Nous héritons du chant costumé des oiseaux sur le radiateur.

            
            
            


            
            
            

L’arbre costaud manque tomber d’un côté puis de l’autre avec le vent très fort qui tourne et le bâtiment gris de l’école apparaît derrière. Une cabane en bois voit son toit s’envoler. L’oiseau dont le nom s’arrête arrive au milieu du ciel. On observe de loin l’objet qui fait semblant. Les travaux de terrassement débordent sur un chantier plus ancien. Quelque chose ou quelqu’un pousse un cri qui pourrait être un animal. Un homme en réfléchissant mieux fait des progrès fulgurants sans rien dire. Une longueur au creux du feuillage est effectuée dehors en moins de deux. L’homme aux progrès sans rien dire élit domicile et le vent qui souffle éteint le feu dissimulé qui dévorait son cœur. On ne voit pas les finitions de la syntaxe. Au feu qu’on attisait dans le foyer succède un oiseau qui s’arrachant du sol atteint le sommet de l’arbre au moment de tomber à terre.

Anna de Sandre • Trois poèmes


PRENDRE LANGUE

Une poussière maligne
Faufile à points serrés
La langue et ses tracas
Dans la bouche du taiseux
De l’idiot d’Ardizas
A la brune une pluie crache
De sa plume malhabile
Sur la panse le jambage
Des six lettres d’un nom
Le papier du bonhomme
Ne tait plus l’anonyme
Et dépouille de son ombre
Un doux rêve d’enfançon
Comme on jette au vélin
Les aubes d’une encre folle
La neige offre un feuillage
Aux branches mortes des arbres
Et rappelle qu’il est temps
De commencer la danse
De toucher le pelage
Vif de la bête en marche
Et comme elle de tirer
Le fardier des saisons
Pour tracer le sillon
Puis marquer de son trait
Le sentier que prendra
A sa suite le petit
Dont il jongle dans les airs
Les syllabes du prénom
Bien avant d’engendrer
Les entrailles de sa mère.


*

LE TEMPS D’INFUSION

Dans une ville dézinguée
Des hommes amoindris
N’osent plus toucher leurs joues
Du fil de leur rasoir
Avant de sortir voir le monde
Pour payer leur écot
Des femmes à peine plus vieilles
Poussent et jettent leurs bicyclettes
Le long des fossés d’où
Elles tirent des orties de la
Menthe et du pissenlit
Dans le limon des jours crus
Tombent les heures de visite
C’est la recette instantanée
Des soupes et des pisse-mémé
Tout le monde tache ses dessous
En égrenant ses misères
Fait croire qu’il a connu la guerre
Chante en chœur et à la tierce
Une berceuse où se mêlent
Des vols noirs et des cerises
Et chacun est content
Quand le soleil sèche les os
D’avoir parlé si haut
Dans son sang et ses humeurs
Contre le jour la nuit s’adosse
Fermant leurs yeux d’une ombrée
Elle tend la main vers Azraël
Qui se penche et embrasse
Dans une envolée de mouches
Ces corps vêtus de flanelle
Avant de supprimer leur angoisse
En les baisant à pleine bouche.


*

L’ODEUR DE LA FÈVE TONKA

J’évite
la rue de la Chouette
où une vieille gosse
tire en laisse
un singe soyeux
recousu
derrière les deux oreilles.
On peut l’appeler Lola
Anne-Charlotte
ou pourquoi pas
Mama Bouba.
Son nom son âge
elle ne s’en souvient pas
depuis les Nuits
des Gros Couteaux.
Elle a cassé la branche
d’une famille
où ça vit
des mille et des cents
où ça oublie
de crever
et de léguer
de la poudre sèche
sur les pistes de glace
du zig-zag
dans la course
d’un monarchiste
en fuite
et des nuances
dans le sifflet
d’un mockingbird.
Elle dit pour ne pas
perdre la face
après avoir déjà
perdu la tête
qu’elle veut créer
un autre espace
un tout petit
qui respirera
par des artères
serrées entre les pierres
des bâtiments
où elle mettra
de chaque côté
un bar à soupe
et un bar à eau
le premier Zanzi
et le deuxième Cinna.
Sur sa chair ferme
au grain
déjà putrescible
il y a l’odeur
de la fève tonka
cuite aux rayons
de mille soleils.
Mille révolutions
d’un astre faiblard
empêché par les arbres
plantés plus tôt
de brunir sa peau
par la fenêtre de son bureau
sur lequel elle gratte
(il est au fond
du couloir
la dernière porte
à droite)
Je sais que les hommes
et les garçons
de son ancienne maison
ont tiré fort sur un drap grossier.
Je sais que tous les gars
de cette capitainerie
suaient dessus
devant la bâtisse
où elle avait passé
une dernière nuit
dans le faible
l’obscur et l’humide
à écrire
pour ne plus sentir
l’odeur poisser entre les douches
et les linges propres
et à tirer des lignes au stylo
à défaut
d’être de la lignée.
Se reconnaître par le choix
d’un nom de plume
collée pleine de merde encore
au cul de l’oeuf
d’où elle voulait sortir
pour naître légale
oui légitime et officielle
et qui sait peut-être par la presse
d’un imprimeur.
Tu pues, bâtarde !
(Elle le savait.)
La senteur de vanille
était des armoiries
d’une étrangère
et son faux père
ses faux oncles
et ses faux frères
jouaient
pour une nuit
à passer avec elle
jouaient
à reculons
les poings serrés
sur ce foutu drap
pour gagner
et l’emporter
faire un trophée
de son amande
et puis cracher
sur son visage.
Les rares fois
où je la vois
je baisse les yeux
et presse le pas
car je n’ai rien fait
pour qu’entre la lumière
dans ses nuitées
et dans son con déchiré.
Je la voulais tant moi
sa bâtisse
ils m’ont dit
Tu te tais
(j’étais en bas)
on te la vend
et on disparaît.
Une fois je l’ai croisée
dans cette rue
de la Chouette où
(je ne sais plus qui me l’a dit)
elle rêve sur ses commerces
en comptant
avec ses pas.
En me pressant
à sa hauteur
j’ai coulé
un bref regard
et vu ses narines
frémir.
Je crois
qu’elle a reconnu
sur moi
l’odeur
de la fève Tonka.