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‘‘ Quelle ombre sort de la nuit ? ’’ | Daniel Dobbels & Carole Quettier

Quelle ombre sort de la nuit ?
Daniel Dobbels | Carole Quettier
Performance effectuée au Cyclone le studio les samedi 28 et dimanche 29 mai 2022

« Je ne danse pas pour que l’on m’attende », dit, dans ses « Cahiers », Nijinski. Mais des danses peuvent attendre, patienter, vivre de souffles presque éteints et, sans s’y attendre, se voir ouvrir un espace, se conjuguer un temps propre à les accueillir, une porte se déverrouiller qui les enjoint à respirer en prenant corps – un corps, toujours, vient vers elles et en incarne l’âme, passant de la liasse à la liesse – et à « rappeler » au jour leurs écritures passées. Peut-être ne danse-t-on (rives et étranges bordures des danses) que lorsque les êtres semblent au plus loin, sont déjà au plus loin, très loin devant, en avant ou retirés dans leurs plus secrets abris ? Peut-être est-ce l’un des secrets et la pudeur la plus réfléchie de la danse : se « produire » hors de toute attente, conjurant ainsi ce qui demeurerait « déceptif », décevant, indifférent dans le cœur de toute attente ? Avertie qu’elle serait, étant née sans origines et comme telle orpheline, qu’un rapport trop greffé (noté par un greffier anonyme) aux lois d’un temps administré se révélerait n’être qu’un échafaud d’âges, nécessairement meurtris.
Détente mais non détention ! le « moindre geste » – pour reprendre ici une expression sans prix de Deligny – y trouve sa chance, son élan, son infime et même infirme liberté : l’une s’étend, l’autre s’appuie sur un point non contrôlé et s’accorde des sorties, de nuit comme de jour.
L’ œuvre de Schönberg en a descellé les gonds et desserré les compressions (du moins a-t-elle tout tenté en ce sens). Sortir est aussi périlleux que d’entrer dans un ordre. Une vie s’y joue qui ne sait pas et cherche une vision qui n’aveuglerait pas ses « sens ».
Olivier Revault d’ Allonnes, dans son livre, « Aimer Schoenberg » décrit et ana- lyse de façon bouleversante le mouvement inouï qui conduit et hante Les six petites pièces pour piano, opus 19 de Schönberg : « (…) Lorsqu’il écrit cette pièce – on ne peut pas dire qu’il la compose : il la pose, tout au plus – Schönberg revient des obsèques de Gustav Mahler ; il veut faire entendre, entre « piano » et un quadruple pianissimo final, et « très lentement », quelque chose qui pourrait passer comme un ultime hommage à Mahler, un minuscule « collage », un infime « pot-pourri » qui, comme la vie même du maître disparu, se ter- mine « ein Hauch », comme une haleine, comme une buée, comme un souffle sur un la bémol à peine audible » (Bourgois, p.60).
Ce « pot-pourri » (l’expression vient peut-être d’Adorno) est à entendre comme un ineffable sans fin. Un ensorcellement vague en remue les fonds et les em- pêche de tourner à l’aigre.
Se donne là, on pourrait l’imaginer et tenter de s’y fier, la tonalité de ces deux journées que nous a offertes Patrick Sandrin, dans le cadre si singulier du « Cyclone » : une haleine, un souffle volé au pire, des œuvres et des noms n’ayant cédé sur rien, hantés seulement par le fait que le dernier des souffles soit repoussé… que « l’accord parfait » se voit déplacé et, pour des raisons vitales, refusé ou différé… Schönberg, Kagel, Coltrane, Dylan… procède-t- on à un « collage » en associant ces auteurs en une sorte de programmation subjective ? Entre l’exhalaison et l’exaltation des noces se nouent, inattendues, imprévues mais ayant le pouvoir d’accorder des échos et des résonances là où les champs semblent désertés. Dans It’s all right, Ma, Dylan chante en fin de refrain : « So don’t fear if you hear a foreign sound to your ear, it’all right ma, I’m only sighing…”
“To sigh” est en anglais plus modulé et fluide que soupirer en français… mais ce qui s’y suggère de vertige et d’extrême, entre langues et langages, appelle en silence des Ponts… dont la parole et la danse ont aussi l’obsession.
Paris, le 28 mai 2022

Le 28 mai 2016 : « Il y a cinq ans, jour pour jour, nous avions pensé cette offre avec les mots qui suivent. Ils sont sans oubli et signent une fidélité qu’aucune circonstance ne pourrait effacer. » :
« (Texte de 2016)

Daniel Dobbels

CHORÉGRAPHIER/ÉCRIRE ?

Le lien se fait-il ? Se laisse-t-il lire ou voir ? Ou juste pressentir ?
Ou bien ne doit-il ni être noué ni dénoué ?
Cette « carte blanche » offerte par Patrick Sandrin ne déplie peut-être qu’une segmentaire plage de temps, d’autres « coins » restant enfoncés dans l’espace, fermés comme des angles qui pourraient, une autre fois, s’ouvrir et laisser transparaître une lueur d’existence passée, battante comme l’un de ces cœurs qui se sont croisés sans se fondre dans le strict silence.

Certains pourront s’y attarder, s’ils le veulent, à leur rythme et à leur pas; d’autres ne feront que la longer, émaillant leur parcours de quelques brefs regards veillant à ce que la distance demeure et ne soit pas rompue : la ligne d’attrait ou d’attraction (qui n’est pas d’horizon) dessinant dans son tremblement un monde d’apparitions qui semble obstinément se tenir par ailleurs, plus loin ou plus profond, plus réel et plus intime. Attente que rien ne saurait désavouer et qui s’impose intermittente et sans conteste. Un visi- teur (un invité) est plus libre de cours qu’un spectateur. Et la carte, blanche, fait d’abord signe d’une invitation, n’exigeant pas, par essence, de répondre, encore moins de faire preuve. Le temps qui passe (ou passé) laisse encore une faible marge où chacun a le choix de se dire : «Je veux bien y passer et y faire passer un peu de mon temps».

Quelques heures donc. Pour indiquer, rappeler ou suggérer quelques voies empruntées, certaines suivies, d’autres suspendues ou abandonnées. Sont- elle aimantées par un même souci (une seule obsession) ou ne sont-elles qu’esquissées, juste amorcées avant qu’un spectre s’en fasse l’hôte et l’occupant ? L’équation de Marcel Duchamp (peut-être héritée de Joyce) ne cesse jamais de flotter étrangement, inscrite comme des lettres chiffrées dans un espace aléatoire où rien ne brille ni ne s’éteint absolument. « A Guest + A Host = A Ghost ». Stance d’une instance joueuse ? Stase d’un jeu instable ne bénéficiant même pas de ce plan et de ce support qu’est l’échiquier où l’on déplace les pièces et réduit leurs marges de mouvements aux règles de la victoire, de la défaite ou du mat.

Chorégraphier n’est-il pas l’art d’éviter tous les pièges que les calculs et les contingences d’une existence dressent comme au-devant du corps pour qu’il s’y heurte et en soit stupéfié ? Une écriture, hantée par le temps perdu, par le temps qui se perd, n’essaie-t-elle pas, même en ayant recours à la ma- gie, de plier l’objet qui fait obstacle ou de courber le plan indéfini qui érige le vide comme un mur ou une dalle séchée… et de se promettre un autre corps pour passer corps et âme non pas de l’autre côté mais dans une zone de pures proximités, non pas rivales mais riveraines les unes des autres ?

Zone d’existence à laquelle le moindre geste rêve pour y composer des suites d’instants que l’enfer ne saurait condamner. Brèves épiphanies, secrètes illuminations, incertaines du temps qui prétendrait les accueillir, les recueillir et les transformer en forces utiles, pour en forcer les sens.

Le corps ne porte peut-être sur soi que ce désir de rayer la lumière sans la blesser, de faire entrevoir son propre rayonnement non meurtrier (ni soleil trop intense, ni braise de cendres noires). Serait-ce le vœu à peine émis, jamais prononcé, de cette présence, si peu sûre d’elle-même, de ces deux corps se silhouettant dans la lumière blanche de la Synagogue de Delme, lumière brûlée et intacte où l’absence est entière, où le jour est sans appels, sans aubes glaciales, sans mémoires à détruire ?

L’écriture ne chercherait-elle pas cette levée de temps où un corps viendrait vers elle, rayonnant mais veillant sur le sens de « gestes inapparents», suivant l’expression d’Egon Schiele, seuls en mesure d’effacer, en anticipant sans fin, l’extrême menace de voir « un corps rayé » hanter les temps, sans exception ?

Se rappeler, ici, les premières pages du « Journal » de Kafka : « Je priais en rêve la danseuse Eduardowa de bien vouloir danser encore une fois la czardas. Une large bande d’ombre ou de lumière lui coupait le visage entre le bord inférieur du front et le milieu du menton. Juste à ce moment, quelqu’un s’approcha d’elle avec les gestes répugnants de l’intrigant qui s’ignore, pour lui dire que le train partait tout de suite.

A la manière dont elle accueillit cette information, j’eus la terrible certitude qu’elle ne danserait plus. « Je suis une méchante femme, une mauvaise femme, n’est-ce pas ? », dit-elle. – « Oh non, dis-je, pas cela… et je me dis- posai à partir dans n’importe quelle direction… ».

Danser/écrire : ne pas céder aux gestes de l’intrigant qui s’ignore. Tenter cela… en partant et en cherchant dans toutes les directions…

Daniel Dobbels – 4 mai 2016.

 

PROGRAMMATION

SAMEDI 28 MAI 2022

15h00
Schönberg peintre, le corps et la nuit (Kandinsky, Gerstl, Schiele, Kokoshka) (1 h) Conférence par D. Dobbels

« Il faut que ce qui est sans lieu soit astreint à un corps » Merleau-Ponty

16h00
L’ombre du soir – 2018 (30 min)

Chorégraphie : D. Dobbels | Interprétation : C. Quettier Musique : Arnold Schönberg, La nuit
direction Pierre Boulez avec le New-York Philarmonic 2006

Solo dédié à Alain Fleischer et Danielle Schirman

A l’origine il y a cette phrase de Nelly Sachs
«Elle danse, une charge sur les épaules».
«L’ombre du soir ne pèse rien. Elle se place, étroite, étirée, mince comme un fil que l’existence ne peut suivre que par égard, là, entre les masses évidées, que les rêves ont désertées. Ne rien écraser en ce passage limité, dans le temps, dans l’espace.»
D. Dobbels

18h30

Avant-propos par D. Dobbels sur John Coltrane

Double impression – 2020 (16 mm)

Chorégraphie D. Dobbels | Interprétation: C. Quettier Musique : (alternate take) The John Coltrane quartet, Africa Solo dédié à Francis Marmande

Station unaire – 2022 | Création pour Cyclone le studio (30 min)

Co-chorégraphie de Daniel et Carole Dobbels
Musique: John Coltrane, Love Supreme, Live in Seattle (Interlude and Persuance) Solo dédié à Patrick Sandrin

« Pourquoi ne jouez-vous plus autant d’harmoniques qu’il y a quelques mois ? » « Pour le moment j’en ai assez. Les harmoniques sont trop difficiles.
Cela finit toujours par « couiner » »
(Entretien avec John Coltrane, « Je pars d’un point et
je vais le plus loin possible » éd. De L’Éclat)

20h00 | COCKTAIL DÎNATOIRE

 

DIMANCHE 29 MAI 2022

15h
Le corps acéphale, Michaux et la danse (1 h)

Conférence par D. Dobbels
« On préfèrerait dans le secret de soi un corps plus uniquement corps (corps: émouvant infirme)bondissant aveugle, sans tête…» (Michaux, Danse, 1938)

16h
« Mes « soudains » » – 2021 (22 min)

Chorégraphie et interprétation: C. Quettier Musique: Mauricio Kagel par Alexandre Tharaud

« Mes jambes coulaient sous moi… Je me surveillais…Je me savais toujours en danger de me trouver emporté en altitude, sur n’importe quel impossible corps qui se trouverait passer ou se tenir dans l’espace… Fini le solide. Fini le continu et le calme. Une certaine infime danse est partout… Désentravé, débrayé, devenu un être d’une nouvelle espèce, s’oriente vers une nouvelle patrie… plaine ébrieuse de la folie ».
(Henri Michaux, Connaissance par les gouffres)

 

17h30
Avant-propos par D. Dobbels sur Bob Dylan: Wounded Places

It’s alright, Ma (I’m only bleeding), 2022 (8mn)
Under the line, alone, 2016 (30mn)
Chorégraphie D. Dobbels | Interprétation: C. Quettier | Musique : Bob Dylan

« I was thinking of a series of dreams
Where nothing comes up to the top.
Everthings stays down where it’s wounded
And comes to a permanent stop. » (Bob Dylan, Series of dreams)

Corps en tout point en alerte mais aussi – paradoxe irrésolu – sous protection, soucieux des moindres figurations venant le frôler, le traverser, peser sur lui ou l’alléger ou le dispenser d’une peur soudaine (trop sienne). Il n’aurait, en un sens, qu’une tâche : danser de travers mais avec la plus aigüe des précisions (précision qui au- rait comme visée de ne toucher aucun but, de ne rien confondre, de révéler une forme d’osmose séparée de

 

Cyclone le studio
16/18 rue Vulpian
75013 Paris
cyclonelestudio.com

… Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre. Dans ce trou noir ou lumineux, vit la vie, rêve la vie, souffre la vie.
Charles Baudelaire

… Nous ne sommes tués que par la vie.
La mort est l’hôte.
Elle délivre la maison de son enclos et la pousse à l’orée du bois.
Soleil jouvenceau, je te vois ; mais là où tu n’es plus.
Qui croit renouvelable l’énigme, la devient.
Escaladant librement l’érosion béante, tantôt lumineux, tantôt obscur, savoir sans fonder sera sa loi.
Loi qu’il observera mais qui aura raison de lui; fondation dont il ne voudra pas mais qu’il mettra en œuvre.
On doit sans cesse en revenir à l’érosion. La douleur contre la perfection.

René Char

Général Instin • La Prise de la Belleville

22 bis rue Dénoyez, Paris XX, métro Belleville
du mardi 16 au dimanche 21 juillet 2013
performances chaque soir à 20 heures (sauf dimanche)
« vernissage » du mur vendredi 19 juillet à 19 heures 30

Chaque jour à partir de lundi 15, le programme précis du lendemain sera annoncé sur cette page, ainsi que sur les comptes GI Twitter et Facebook
Actions déjà prévues :

mardi 16 : Anne Kawala, Marc Perrin, Pierre Antoine Villemaine, Philippe Régnier (vidéos)
mercredi 17 : Benoît Vincent, Patrick Chatelier
jeudi 18 : Tamara Schmidt, Philippe Régnier (vidéos), Dominique Dussidour
vendredi 19 : Christophe Caillé avec Alice Letumier, Anaïs Nina Debaisieux, Marielle Lemarchand, Séverine Batier, Sylvain Granon
samedi 20 : Christophe Caillé avec Alice Letumier, Anaïs Nina Debaisieux, Marielle Lemarchand, Séverine Batier, Sylvain Granon

Avec (entre autres) les écrivains, plasticiens, street-artistes, comédiens, musiciens, vidéastes… Séverine Batier, Estelle Beauvais, Sereine Berlottier, Mathieu Brosseau, Christophe Caillé, Éric Caligaris, Nicole Caligaris, Patrick Chatelier, Eli Commins, Anaïs Nina Debaisieux, Dominique Dussidour, Gilles Duval, Alexis Forestier, Sylvain Granon, Fred Griot, Maja Jantar, Anne Kawala, Marielle Lemarchand, Alice Letumier, Pedrô, Marc Perrin, William Radet, Philippe Rahmy, Philippe Régnier, Anne Savelli, Tamara Schmidt, Joachim Séné, SP 38, Sunny Jim, Lucie Taïeb, Vincent Tholomé, Pierre-Antoine Villemaine, Benoît Vincent, Guillaume Vissac, Laurence Werner David…

En collaboration avec Frichez-nous la Paix, association, rue Dénoyez, Paris
et La Panacée, centre de culture contemporaine, Montpellier.


Général Instin ou GI, projet artistique collectif et interdisciplinaire, fantôme de soldat qui s’est mis en tête de conquérir le monde, prend d’assaut la rue Dénoyez à Paris Belleville et son mur dévolu au street-art avec un affichage monumental et des performances.

Investir un mur dans la rue, avec un affichage composé principalement de mots, est une façon de désenclaver la littérature, de la remettre au cœur de la ville et des enjeux contemporains.



Transposition des « Transmissions » du Textopoly,
centre de ressources de La Panacée, Montpellier, juin 2013


L’affichage du Textopoly

La Panacée est un centre de culture contemporaine de la Ville de Montpellier inauguré le 22 juin 2013. Général Instin y était en résidence de décembre 2012 à juin 2013 avec quatre artistes : Eric Caligaris (plasticien et musicien), Patrick Chatelier (écrivain), SP 38 (street-artiste), Benoît Vincent (écrivain et botaniste), qui ont particulièrement travaillé sur le Textopoly, site cartographique créé par La Panacée et dédié aux nouvelles écritures, composé aussi d’images et de sons.
Pour sa première exposition intitulée “Conversations électriques”, La Panacée a transposé sur le mur de son centre de ressources l’un des “monuments” GI du Textopoly : les Transmissions.

C’est cet affichage qui sera reproduit sur le mur de la rue Dénoyez à Paris, Belleville.

Les autres affiches seront des créations originales d’écrivains et plasticiens.

Claire Nouvian | Lettre ouverte aux producteurs de “Thalassa”

Claire Nouvian est journaliste, productrice et réalistatrice. Elle a été en 2005 la correspondante de la mission océanographique de l’institut de recherce Harbor Branch dans la golfe du Maine Les films qu’elle a écrits ou réalisés ont remporté de nombreux prix ; citons Une nuit sous la mer, Expédition dans les abysses, Océanautes. En 2007-2008 une grande exposition sur la vie des abysses est organisée au Muséum d’Histoire Naturelles de Paris, dont elle est la commissaire et pour laquelle elle écrit un très beau livre, Abysses, publié la même année aux éditions Fayard. Nous publions ici une vive polémique déclenchée suite à la diffusion d’un reportage de Thalassa (France 3) sur la pêche en hauts fonds.





1. Le Courriel accompagnant la lettre

Bonjour,

Vendredi 8 octobre, Thalassa a diffusé une émission sur la pêche profonde qui n’était pas seulement favorable à celle-ci, mais qui en faisait ouvertement la promotion.

Cet épisode arrive dans un contexte politique particulièrement important car les quotas fixés par l’Europe pour les espèces profondes sont en cours de négociation or ces espèces sont vulnérables, beaucoup d’entre elles sont menacées et les habitats profonds sont ravagés par les chalutiers industriels dont on connaît les dégâts environnementaux et l’absence de sélectivité.

L’objectif politique est clair : assurer aux armateurs industriels que la France, par le biais de l’opinion publique, soutient cette pêche destructrice. Une balle offerte aux défenseurs de cette activité résiduelle et déficitaire, bien que massivement subventionnée, pour aller clamer la légitimité de ce massacre de la biodiversité à Bruxelles.

J’écris d’Asie où le gouvernement de Hong Kong a, quant à lui, annoncé aujourd’hui qu’il interdirait dès l’année prochaine le chalutage dans ses eaux (une étape historique qui peut avoir un effet vertueux sur les régions alentour).

Ironiquement, le jour de la diffusion de Thalassa, les négociations sur les subventions recommençaient à l’OMC à Genève et l’Australie appelait les nations à interdire les subventions allouées aux méthodes de pêche destructrices comme le chalutage de fond (et a fortiori le chalutage profond).

C’est dire si la France est dans l’air du temps en termes d’orientation de ses pratiques de pêche vers des méthodes durables, équitables et sélectives…

A la lumière de ce contexte, on comprend que ce reportage est plus grave qu’on ne peut l’imaginer. Il ne s’agit pas seulement de désinformation, mais de propagande, avec distorsion des propos au montage, manipulation des images, sélection soigneuse des informations etc. de façon à scléroser les marges de manœuvres politiques.

J’ai été profondément choquée par la suite de mensonges décomplexés qui y sont promus. Il m’est impossible de laisser passer des propos aussi dangereux et lourds de conséquences pour notre économie et notre environnement, sans rétablir une image plus fidèle (et référencée) de la situation.

Je joins la lettre ouverte que j’ai adressée au journaliste de Thalassa ainsi qu’à sa direction, qui fait dans un premier temps une synthèse de la situation en France à l’heure actuelle : les problèmes de cette pêche, son impact sur les espèces, les milieux marins, l’économie française, et qui plus loin décrypte les manipulations qui sont faites au montage pour ternir l’image des environnementalistes au profit de celle des chalutiers industriels de façon à fausser le débat.

Les deux premières pages concernent plutôt la rédaction de Thalassa, je vous enjoins donc de vous rendre directement à la troisième page.

Ce document est destiné à la plus large diffusion possible, n’hésitez aucunement à le faire circuler.

Respectueusement,

2. Lettre ouverte