Archives de catégorie : Format

Fanny Garin • retenant / naufrages

Nous sommes heureux de publier des extraits d’un recueil inédit de Fanny Garin, auteur aperçue notamment chez Remue.net, Larmes de cerf.



 

retenant peine ta corde au temps,
à terre lourdeurs – étrange – pendues

mon regard fuyant pas voir tes yeux
les briques dehors un monsieur passe

tes yeux naufrages



 


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Fanny Garin • volant / ventre

Nous sommes heureux de publier des extraits d’un recueil inédit de Fanny Garin, auteur aperçue notamment chez Remue.net, Larmes de cerf.



 

volant l’oiseau fauve

volant aux couloirs verts soudain verts

puis langue

langue un sol

 

cependant que les aigles, vastes aigles d’herbe terreuse

abîment ravissent

les os noirs — vestige — au ciel coupable

jettent mangent

 

toi, piaillant

aigu ciel jaune les fragments noirs

tu ramasses une première âme

mille

ton ventre



 


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Fanny Garin • désormais / immobile

Nous sommes heureux de publier des extraits d’un recueil inédit de Fanny Garin, auteur aperçue notamment chez Remue.net, Larmes de cerf.



 

désormais, nous croyant vous que vos pas
crevassent et mentent la terre
et voyant vos yeux que vos yeux que,
la corne griffée de vos yeux
— de noyade vos yeux et les branches roulant noires —
n’a plus oscillé,
nous partons
avec les pas ordinaires

nous voyant vous
seulement nous partons
pesant peine d’un savoir ordinaire : votre être immobile



 


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Fanny Garin • cependant / étroit

Nous sommes heureux de publier des extraits d’un recueil inédit de Fanny Garin, auteur aperçue notamment chez Remue.net, Larmes de cerf.



 

cependant, marchant Vous, comme, buisson toujours terne en
de longues marches lentes et
bruyant à peine tristesses
Vous
masses d’air obscur vos fantômes en leurs
imperturbables poitrines

certains sans doute
yeux pressés gorge lasse ventre étroit



 


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Gilles Amiel de Ménard & Benoît Vincent • Les ressorts objectifs de la création

Ce texte est la version brute de réflexions menées en marge du champ politique ; elles consistent à dédramatiser les discussions sur tel ou tel film, disque, livre. Le texte est brut en ce sens qu’il est dénué d’exemples concrets qui pourront, le cas échéant, être ajoutés en note.

Paris 19e


Bien qu’éminemment subjective, tant dans sa production que dans sa réception, l’œuvre d’art, quelque discipline artistique que ce soit1 peut tout de même être analysée par le moyen de quelques ressorts objectifs que l’on présuppose universels, c’est-à-dire adaptables ou applicables à toutes les œuvres de tous les temps, et pour l’ensemble d’un public, dans la limite, néanmoins, bien évidemment, d’un domaine culturel donné, d’une région, d’une « civilisation » donnée.

Nous chercherons ici à en poser quelques-uns, simples, principiels.


1. Le point de vue singulier

Définition possible du territoire singulier

Une proposition ou un propos artistique nous apparaît en tout premier lieu comme un point de vue singulier, une espèce d’avis, de photographie, de condensé de sentiments ou d’émotions portés par un unique individu. On pourrait décrire ce point de vue comme le regard personnalisé de l’artiste sur le monde, le découpage de son territoire personnel. Une position donnée, voire une position prise, jetant un point de fuite et une perspective particulière sur le monde, par le biais de la mise en forme de sentiments.


1.1 Le point de vue

Celui-ci lui est propre et plus celui-ci lui sera propre, endémique, pourrait-on dire, plus il sera juste, c’est-à-dire en cohérence avec ce qu’il va pouvoir en tirer comme forme en soi. Il n’est ni vrai ni beau a priori, il est simplement en relation directe avec la subjectivité de l’auteur, subjectivité qui est tout sauf un donné transparent à lui-même, mais au contraire qui reste toujours à trouver, à définir, à préciser, à ajuster.


1.2 Singularité et originalité

Nous avons parlé à plusieurs reprises de singularité. Ce terme est capital. La singularité s’oppose à l’originalité en ce qu’elle est unique, spécifique à un parcours dans le temps et l’espace. L’original n’est pas forcément subjectif, n’est pas unique mais nouveau formellement, renouvelle la forme, certes, mais pour ainsi dire formellement, à vide, et déconnecté de toute nécessité expressive. En tant que tel, il est surtout remarquable par son inadéquation avec l’esprit du lieu ou du moment ; le singulier est au contraire tout attaché à l’esprit du lieu ou du moment, mais sa proposition, en terme de contenu, est nouvelle en tant qu’unique, elle n’a jamais été formulée auparavant. Sa forme est nécessaire, ou tend à l’être. Quand la forme doit être profondément renouvelée, voir créée ex nihilo, c’est parce qu’aucune autre forme préexistante n’est à même d’exprimer la singularité trouvée par l’artiste. Elle ne saurait ainsi être gratuite. Et elle ne saurait non plus être vraiment adaptée à un autre propos, ni faire véritablement école. Se demander comment être novateur, c’est cesser de vouloir faire œuvre artistique. Le nouveau artistique, lorsqu’il advient, arrive comme par surcroît.


2. La forme

La singularité va donc s’exprimer sous la forme… d’une forme. Cette forme peut soit être déjà existante, soit être totalement nouvelle à son tour. L’essentiel est que c’est le propos singulier qui indique, nécessite, cherche sa forme, jamais l’inverse. Une forme a priori ne pourra jamais “coller” exactement à un propos artistique qui ne l’aurait pas engendré. C’est bien tout le problème d’une grande partie de l’art contemporain qui de ne fait que chercher des propos à des formes censées être tenables a priori.

Parfois l’artiste sent sa forme dévier de l’axe singulier qu’il s’est donné ; il doit alors chercher de toutes ses forces à ramener la forme dans l’horizon de son travail.

En tout état de cause, totalement inédite ou adaptation nouvelle de formes préexistantes, la forme présente à la fois deux versants :


2.1 L’expression de la singularité du propos…

La forme est l’unique moyen qui puisse correspondre à la singularité du point de vue de l’artiste, il n’y a pas deux formes possibles pour une même idée, bien qu’il puisse y avoir différentes facettes de la même forme pour cela.


2.2 …pour une communication universelle

Or cette forme du tout-singulier doit, pour s’accomplir, pouvoir trouver un auditoire et donc permettre à ce que quelques-uns, le plus grand nombre possible, puisent se retrouver dans la forme, la saisir, la comprendre.

Evidemment ces énoncés objectifs ne sont pas isolés ; il y a tout un travail d’intersubjectivité entre l’auteur et le public où peuvent se jouer toutes les passions, les goûts et les couleurs, et ils sont évidemment présents des dès l’origine.


3. L’itinéraire

L’œuvre d’art peut donc être considérée comme le cheminement de l’artiste, qui va façonner son propos singulier et le sublimer en une forme qui lui soit fidèle à destination d’un public le plus large possible.

Parfois, la construction du propos artistique prend une vie entière. Pareil pour la recherche de la forme. Il n’est donc pas si innocent pour l’artiste de s’exposer au public, et il n’est pas rare que l’œuvre d’art ne soit pas encore totalement mature. Cela n’empêche : on est pris de vertige, lorsqu’on est ému, bousculé, renversé ou choqué par une œuvre d’art dont la forme est en adéquation avec le propos (quelque violence que cela puisse représenter, on dira que l’œuvre d’art est en paix) ; celle-ci sera toujours cent fois plus efficace, plus juste, plus sincère, que n’importe quel autre artefact2.

Derek Munn • Conte à rebours

Derek Munn vit et écrit à Bordeaux, il a publié un roman : ‘Mon cri de Tarzan’ (Laureli/Léo Scheer), un recueil de nouvelles : ‘Un paysage ordinaire’ (Christophe Lucquin éditeur) et des textes dans plusieurs revues.


Le prince meurt à la fin.
Son prince.
Cela devait arriver, c’est elle qui l’a sacré, elle n’avait rien d’une divinité, elle était simplement une princesse de tous les jours.
Sa princesse.


Elle revient à ses vieux souliers, troués, pleins de cendres. La forme de ses pieds a changé, mais elle ne fait plus cas de ses douleurs. Si le chemin est interminable, il ne va nulle part, elle n’est pas pressée. Le château cesse de rêver, se plie derrière ses pas, adhère à ses semelles. Les pièces sont essoufflées, les bruits qui les transpercent sont générés par les voisins.


Quand ils ont enlevé la dépouille, elle est restée assise à côté du lit. Elle regardait l’empreinte sur les draps. Elle ne l’a pas touchée, cela aurait été impudique dans cette compagnie. Le froid montait dans son ventre, elle a plongé ses poings entre ses cuisses pour essayer d’étancher la vie qui fuyait. Elle s’est dit qu’il était raide pour toujours maintenant, qu’il bandait tout entier afin de pénétrer le vide. Mais le vide en elle était si vaste, plus rien ne suffirait.


On est venu lui poser les mains sur ses épaules.
On lui disait qu’on comprenait.
On était partout.
On l’entourait.
On était tous les autres.
Cela a continué pendant un temps, on venait sonner, lui apporter le monde, des paquets d’enfants, du chocolat, des plantes. Du bonheur en creux. Tout ce qu’elle, tout ce qu’ils n’ont jamais voulu. Puis on l’a laissée. Elle était ce qui restait, tout ce qui n’était pas on.


Chaque jour elle se traîne sous un ciel de mots, chaque nuit elle rêve le dictionnaire de sa vie. La maison s’assombrit, le temps, l’espace se rejoignent, les heures s’entassent, s’émiettent. Dans le miroir elle paraît comme un paysage inhabité.


Absorbée par la froissure blanche de l’absence de corps, elle est respirée par l’air, elle entend des pattes de souris sous la voûte de son crane, des ailes de chauve-souris font chut ! Dans le noir, une voix répète, Il était une fois…


Arno Bertina • ‘Je suis une aventure‘

Hors-Sol a réalisé en 2013 un série d’enregistrements vidéos avec deux de nos auteurs les plus importants, Arno Bertina et Nicole Caligaris, qui nous parlent de livres et de lectures. Nous poursuivons cette série avec Arno Bertina, qui lit deux extraits de son roman Je suis une aventure.