Archives de catégorie : #08 | Poésie aujourd’hui

Gracia Bejjani | Fragments

Gracia BejjaniGracia Bejjani quitte sa terre natale le Liban à 20 ans, après un autodafé de tous ses textes de jeunesse. Cet acte fondateur relève d’un projet ou fantasme : donner une autre perspective à son écriture à laquelle elle dédie tout son temps. Du moins, celui qu’une vie professionnelle très chargée lui laisse. De manière récurrente mais non exclusive, ses écrits portent « naturellement » sur la guerre, l’exil, l’identité, le lien.

Textes brefs, récits, romans mais aussi photos-textes, vidéos-écritures, poésies. Publications sur YouTube, Instagram, Facebook et dans certaines revues comme la Plume Francophone. Elle a animé de nombreuses vidéos-live en philo directe et en littérature. Elle a par ailleurs fait partie de la programmation du Festival Extra, Litteratube, au Centre Georges Pompidou en 2018.

Son site personnel graciabejjani.fr regroupe l’ensemble de ses productions.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nathanaëlle Quoirez | Textes (02)

Nathanaelle Quoirez - Crédit photo : Quentin Désidéri

© Quentin Désidéri

Nathanaëlle Quoirez naît pas morte en 1992. Écrit depuis longtemps quand même surtout des textes poétiques. Est passée par les arts du spectacle. Explore la lecture et la performance poétique. Donne des ateliers d’écriture et de théâtre. Bidouille des livres minuscules sur sa machine à écrire. Attend. Se trouve sur Facebook. Ailleurs parfois : ab imo pectore

 

14 h 22 : illusion d’orage dans le cirque des épicéas, tombent les gouttes d’aiguilles, la morve au vent, le cri percé du ventre. on rentre les oreilles aux genoux d’avoir suivi le petit enfant. le tenir, verbe des passants qui oublient que l’enfance déficitaire n’est pas une faune de compagnie mais une intempérie dans la force intérieure. que penser. rien que la vie rituelle, recommencement des alignements du jour. trafalgar de l’été, je rentre au pays sans la terre qui me porte et tout est désigné comme aboli. me goinfrer de bornes aux lacets, pas trop branler le cognitif, aligner le squelette dans l’horizon. vaille que vaille dans l’envie de rien. se faire tasser dans le pot, rouler du plat, absorber du dénivelé. allez jouir un peu. JE TE SOUPIRE. on fume.

*

21 h : descendre n’est pas cogner. MAIS COGNER c’est limiter la peau à la lisière du soi. j’ai descendu les barbelés dans les écorchures, c’était de l’évidence critique. j’ai pris les bonnes chaussures pour dévaler les pistes pesanteur. tout le sable avec ses étendues patraques de mer j’ai tout marché, tout dégueulé le suicide de médicaments dans la joue du silence. c’était la fin d’or livide pour m’adorer avec du bleu couteau pour effiler le cri. grand de regard partout sur le plat du sang. les plaies de cailloux, crime d’anéantissement, je suis tombé sous le coup de nuit, l’arrêté du soleil. c’était principal comme sentence, la vie sans cinéma. j’avais pour moi un autre à qui je demandais la vie. besoin de me vivre à deux pour pas finir. alors on avait nos quatre jambes de rumination mentale, on divisait l’espace, on rapprochait les murs. un peu la peau couvrait le monde, un prenait place. on s’épanouissait. c’était ma peur contre ton double. vouloir user la nuit. du ventre à plat toute la mer plate, on bricolait la nourriture des mains qui fouillent sur les rochers. je voulais sauter dans l’eau. MAIS QUI CONDAMNE A DISPARAÎTRE ? on dit : cafouillage instantané dans la parole de naissance. j’ai pas pris ça pour moi, me suis cru excusée dans la solution terrestre de l’écriture. j’ai continué à la lame le grand désert de sable. j’étais néant gâté de l’horizon de mer, le corps réclamait d’y mourir. trop de jeunesse et on avait rien tué de la malédiction. je respirais bien mal dans le poumon fantôme mémé faisait encore des crises abominables. conduit bouché de la pulmonation, prise en apnée dans les fers du thorax toute la lignée femelle de la déglutition. par là que maman a pas prononcé le premier de ses mots dans le petit âge. faute à la syncope. car j’y viens : les phrases. toutes ont bu à la suffocation du dire. goulée sapée de la ventilation, le clapet qui débloque. l’arythmie dans le grand corps génétique de la langue c’est ça la poésie.

*

15 h 00 : te pleurer dans les bras. zéro prise. habiller d’un frac le cadran des heures sales. se lever. grande feuille de papier blanc : qu’est-ce que je vais faire ? c’est raté je pense, une histoire de discontinuité de lignes, brouillade de blanc cassé dans la courroie des transmissions. attaque des images, ancienne vue amère, recommencement. toujours recommencement. injecter de la poussée inverse dans la tradition du temps, naître à la fin. peut-être tension d’hormones ou petites truites malades de la neuro-caboche. prennent les autres toute une caisse à gober : contre les angoisses contre les tristesses contre les insomnies. un jour peut-être je les rejoindrais dans le panier à musette des dépossessions, le chronos pendu à l’heure. pas dis ni au père ni à la mère que j’avais été finie au sucre : excitée, friable, dopée, hypoglycémique. rien dis. j’ai traversé mes trous d’eau, mes trous d’air. pressurisée, dépressurisée, en vrac au baromètre. j’avais mon lot de consolation : dieu avait été tué, restait ma cour de pierres tombales. le paranormal, les tables, les charlatans du tout pouvoir de la divination, les hasards recensés comme des aérolithes, j’y croyais, m’y noyais. fallait draguer en moi le disciple à instruire. j’aimais pas vraiment le danger, flirt léger au précipice, pas de quoi fouetter dans les bordels. plutôt dans les clous d’ailleurs. plutôt polie d’ailleurs. pas tant de violence au fond. j’avais resserré les sangles, besoin du parachute. c’était pas la peine de s’embarquer dans ses torpeurs. je crois que j’ai tout aimé : du faux sage à l’alcoolique. j’ai tout brûlé en moi. l’amour me parvenait du pire, est-ce qu’on choisit vraiment ? je m’arrêtais dans la vie, je regardais : j’aimais beaucoup les gens, j’aurais voulu en être. de leurs jeunesses, habitudes, de leurs forces et joies, de leurs intelligences et légèretés, de leurs mouvements dans le froncement de l’air. on me dit : mais tous voudrait ça. sans doute. j’avais besoin d’une autre vie, d’un crâne à la hauteur du monde. je voulais des muscles, du rire, faire la cuisine pour les amis. je voulais mes vingt-ans ans dans la facilité de l’être et du sans peur dans ma traînée de sang. je voulais de la force pour tout abattre. des fêtes jusqu’à six heures. voulais être acrobate. mais non j’avais fermé ma tête, j’avais cassé mon corps.

*

Marine Riguet | Hors-série

Marine Riguet

Marine Riguet est chercheuse en Littérature et en Humanités Numériques. Elle est l’auteure de textes poétiques, d’une pièce de théâtre (Talk to me, mise en scène par Laurent Cazanave en juin 2012 au Théâtre Côté Cour), d’un texte sonore (La Souterraine, illustrée par Emma Duffaud et performée Galerie POS en 2018), et pratique l’écriture audiovisuelle.

 

 

Tu seras sauvage
Tu garderas tes histoires comme des odeurs
à même la peau
Ta voix aura l’épaisseur des pierres qu’aucune nuit, qu’aucun jour ne perce
Tu habiteras les chemins qui ont ton allure
Tu marcheras le dos rond
le ventre lourd
comme la terre porte sa semence
Tu seras plein de ton royaume
des connus, des croisés, des souvenus et des invisibles
peu importe les noms
Tu emprunteras des langues, des bancs, des toits
et des traces de chaleur
Tu seras partout ce qui demeure

(On m’a appris que chaque homme portait au fond de lui un point de rupture vers lequel il ne fallait pas aller, pas creuser. Qu’on apprenait à travestir en suivant les routes tracées, en écartant de soi la vieillesse, les tremblements, l’insoluble. On m’a appris que chaque homme portait sa folie comme le fruit son noyau et qu’il ne fallait pas l’ouvrir. Je l’ai cru longtemps.)

Je me suis trompée
Je repars du début, de ma mort, je remonte
J’ai quitté mon nom
J’ai quitté les miroirs

Suis-je d’eau et de mots
Suis-je des gravats d’histoires
Et les graviers que je prends le soir dans mes chaussures pour des photos d’enfance
Ou toutes les figures de papier, de peau, de béton dépliées en villes

Suis-je dans chacune des traces qui me balisent
Comme des points de croix, de non retour
Des déchets que personne ne réarticulera

Suis-je la chaussée pour les jours migratoires
La vacance entre le ciment et les pierres
Ou les os qu’on noie dans la mer
Comme les pièces dans la fontaine, accrochées à un voeu
Et que fait-on des ombres qui se restent sur les rives avec nos haillons en plastique
Est-ce qu’elles se revêtent, est-ce qu’elles se portent encore
Ou s’évaporent
Dans le soleil

Suis-je l’arbre quand tu viens
Quand tu t’appuies debout
Un instant
Ventre de haut en bas
Racines écorces
Qui respirent en poussant
Un instant

Sommes-nous devenus des fugitifs
À quel moment

Ma mère m’avait dit : tu n’auras pas d’enfant
Tu n’auras pas d’enfant, ma fille
Pas toi
Parce que ça ne peut pas être autrement bien sûr, la fille mère de sa mère
Tu as choisi, tu es la fille et la mère de ta mère
Tu n’auras pas d’autre enfant
Tu n’auras pas d’autre enfant dans ce ventre
Pas toi

Jusqu’à ce jour…
Je ne saigne plus
Je ne saigne plus
Plus de sang entre les cuisses
Tout à l’intérieur qui reste et qui grandit

Mon enfant
Je suis ta chambre noire du cœur à l’os
Mes jambes forcissent pour te porter
Et mon dos et mon ventre comme deux coques, comme ciel et terre autour de toi
Et mes seins qui s’emplissent et se tendent pour toi
Mon corps après le passage de l’homme
Après l’amour et les peaux qui se boivent se confondent s’agrègent
Mon corps ouvert et fermé, resserré sur lui, empli par lui
Après ce trou creusé par l’homme qui se retire et s’en va
Aimé jusqu’au sillon
Mon enfant de chair d’entrailles de réconciliation
Tu seras la mémoire des champs travaillés par nos mains et qui ont besoin de trois saisons pour mûrir
Des tiges qui montent dans le matin bleu, que les fleurs font plier
Et qu’on égraine en juillet en frottant dans des draps
La mémoire de la sueur sur l’échine, du blé parmi la paille
Et de la farine blanche dans la pliure des doigts
La mémoire de l’homme qui m’a prise pour refuge
Du midi qui se lève
Tu seras
Mon enfant

Ils répètent ils insistent comme une maladie
Ils répètent : plus rien qui ne coule ni ne vient
C’est dans les nerfs et non le ventre, le corps qui fait semblant
Et qui grossit d’inexistence
Ils répètent comme on cogne la pierre
Plus de blé, plus de terre
Ils répètent comme une maladie
Comme ma mère qui m’avait dit : tu n’auras pas d’enfant

 

On ne parlera pas
de ses mains au volant
de ses épaules apprises dans l’embrasure des matins et des soirs
en trois gestes
sa présence dans trois gestes
capitonnés de cuir de clim de pastilles à la menthe
et l’air émaillé de la ville entre vous
On ne parlera pas
entre vous
Seulement l’autoradio

Non, on ne parlera pas du père
apparaissant quand on se penche sur le rétroviseur
et le regard ailleurs
jamais droit jamais dit
mais dehors toujours dans l’arrière-pays
toujours dans les pierres
toujours ce que l’on quitte

Jolyon Derfeuil | Coeur sauvage

Jolyon Derfeuil

Jolyon Derfeuil

Né à Angers en 1971, Jolyon Derfeuil a découvert la poésie à l’adolescence, au sein de l’atelier théâtre de son lycée, reprenant des textes de Raymond Queneau pour les jouer sur scène. Il découvre aussi dans la foulée Pierre Reverdy, Antonin Artaud, les poètes surréalistes, Baudelaire, etc. Puis il enchaîne avec des études de comptabilité qui ne mènent nulle part, le service militaire et quantités de petits boulots avant de faire une fac de lettres d’où il ressort avec une licence de lettres modernes. La suite de son parcours s’illustre dans l’associatif, l’écriture de scénarios, la réalisation de courts métrages sans pour autant délaisser la poésie. Il anime entre autres des émissions de radio consacrées au slam et au cinéma sur la radio angevine alternative « Radio G » et fait des improvisations poétiques en direct dans une autre émission dédiée au Free jazz.

 

Combien de temps, combien d’années peut-on passer à épuiser le sens d’un film à travers le prisme d’une fascination toujours renouvelée? Un film démesuré mais qui fait paradoxalement oeuvre intime à l’intérieur de soi comme peu de films savent le faire… La question se pose obstinément face à l’incroyable expérience cinégénique que représente « Apocalypse Now » depuis quarante ans. Et cette nouvelle vision du film en 4K, intitulé « Final Cut » (une version « Redux » en moins longue) prolonge la question, l’admiration surtout… Objet aux multiples lectures, le film de Francis Ford Coppola reste son entreprise la plus périlleuse, puisqu’elle consacre les digressions existentielles d’un auteur dans un environnement de superproduction hollywoodienne dont la fabrication bascula dans le chaos. A travers le genre envisagé, le film de guerre contemporain, “Apocalypse Now” déroule sa trame le temps d’un long périple cathartique. A l’origine, il a fallu que le roman de Joseph Conrad, “Heart of Darkness”, soit le matériau premier sur lequel travaillèrent successivement Georges Lucas, John Milius et Coppola dont l’idée centrale fut de transposer l’action dans la guerre du Vietnam, le trauma générationnel de l’Amérique des années 60/70. C’est toute l’alchimie du film, cet arrière plan historique en phase avec cette remontée du fleuve Nung effectuée par un militaire chevronné à qui on commande d’aller mettre fin à un haut-gradé, le colonel Kurtz. L’absurdité de cette mission résonne en écho avec l’absurdité du conflit de l’époque. De là, les mises en abyme ne manquent pas.
Le tournage du film porta sa propre guerre, on le sait, au point d’être devenu mythique. Ce qui ajoute (parfois excessivement) à la côte d’amour du film, sachant qu’il a failli ne pas aboutir, rester du domaine de l’impossible et du fantasme. Coppola du se battre avec lui même, frôlant le suicide et marinant dans la dépression nerveuse. Le réalisateur du “Parrain” et de “Conversation secrète” survit néanmoins et finit par donner une dimension métaphysique à ce projet à travers deux thématiques : celle du l’illusion du spectacle (l’attaque des hélicos au son de Wagner, Kilgore et ses cartes de la mort, le show des playmates…) et celle du retour à la nature, au rituel (l’arrivée du tigre, le sacrifice du boeuf sacré, la mort de Kurtz, l’omniprésence de flèches, de machettes, etc…). La transition entre les deux idées se faisant lors de la séquence du pont de Do Lung, avec ces allures de fête foraine de fin du monde ou soldats américains et vietnamiens se combattent à l’aveugle…

Par le biais d’une mise en scène inspirée qui matérialise la logistique insensée de la guerre et les visions cauchemardesques d’un périple surhumain, Coppola nous montre que la vraie nature de l’homme est sauvage, sans aucune notion de bien ou de mal, et que c’est la seule qui se rapproche de sa vérité propre et de l’horreur « dont il faut se faire une amie ». A ce titre, l’histoire des bras coupés raconté par Kurtz est autant révélatrice que fondamentale à cause de ce que cela a signifié personnellement pour lui ; c’est littéralement le coeur philosophique du film, qui accrédite parfaitement son projet et le rend d’autant plus probant et puissant…
Justement, une des constantes d’« Apocalypse Now », quand on y revient, c’est la force d’identification qu’on se découvre, d’abord avec le personnage du capitaine Willard, (brillamment interprété par Martin Sheen) auquel s’additionne parfaitement son monologue mental. Jamais personnage et voix off n’ont été à ce point liés sur un écran pour rendre parfaitement les émotions d’un homme endurci mais déstabilisé par la mission ultime… Quant à Marlon Brando en colonel Kurtz, il trouve-là son dernier grand rôle, improvisant plus ou moins un édifiant poète guerrier à la fois cruel et tribal, qui passe son temps à lire ou à méditer, tapi dans les ombres de son repaire… De ce fait, tous les acteurs convergent idéalement dans la forme à la fois réaliste et expressionniste du film, que ce soit par la grandiloquence roublarde de Kilgore (Robert Duvall, génial), la naïveté rock n’roll de Clean (Lawrence Fishburne et ses 14 ans !), le trip psychédélique de Lance le surfeur (Sam Bottoms), la paranoïa de Chef (Frédéric Forrest), la lucidité de Philips (Albert Hall), les calculs mystiques du photographe (Dennis Hopper)….

Dans la sueur, la fumée, l’ombre et la lumière, le sang et la fureur, leurs personnages traversent le film comme autant de guides vers le non sens et la folie. Paradoxalement, cet hallucinant périple est illustré de la meilleure des façons par une technique ahurissante de maîtrise. Il faut ici rendre hommage à Vittorio Storraro, le chef opérateur de Bertolucci qui crée ici le plus bel ouvrage de sa carrière avec un cinémascope judicieusement utilisé qui s’étire dans un magnifique format 2.35 auquel répond la flamboyance de la photographie et la composition inouïe des cadrages. Même idée d’excellence pour le son, avec un soin du détail qui nous emmène dans les moindres recoins de la jungle ou lors des scènes de batailles (le Dolby Atmos accentue encore mieux tous ces effets…), un boulot précurseur du 5.1 bien avant l’heure, orchestré par le talentueux Walter Murch. On citera évidemment le travail de Dean Tavoularis, dont les décors (le temple de Kurtz, Le pont de Do Lung, le podium des girls…) sont grandioses. Et tout le travail de post-production: le montage, le mixage, les choix musicaux judicieux (les Doors, les Stones, les nappes électroniques…). Bref, un travail d’artisan minutieux et miraculeux qui transcende le film et l’élève au statut de référence majeure même quatre décennies plus tard, à l’heure du tout numérique… Qu’il soit en 4K ou pas, rallongé ou pas, ce film-monstre agit de toute façon comme un grand huit en enfer, malaxé par de nombreuses visions contemporaines mais jamais émoussé, jamais vieilli et donc jamais mort de son propre statut. Moins énigmatique que le «2001… » de Kubrick (auquel on le rapproche souvent), le film de Coppola a pour lui la force de l’expérience sensorielle qui accroît son pouvoir réflexif. Quelque soit sa durée, sa forme, son extravagance, son passé ou son futur, « Apocalypse Now » est un de ces rares films qui dépasse justement la notion de film. C’est un indispensable voyage, d’une puissance immersive extraordinaire qu’il faut avoir vécu au moins une fois dans sa vie de spectateur. Un classique absolu qui fascinera encore longtemps.

https://www.youtube.com/watch?v=VyNwha5hrAo

Nathanaëlle Quoirez | Textes (01)

Nathanaelle Quoirez - Crédit photo : Quentin Désidéri

© Quentin Désidéri

Nathanaëlle Quoirez naît pas morte en 1992. Écrit depuis longtemps quand même surtout des textes poétiques. Est passée par les arts du spectacle. Explore la lecture et la performance poétique. Donne des ateliers d’écriture et de théâtre. Bidouille des livres minuscules sur sa machine à écrire. Attend. Se trouve sur Facebook. Ailleurs parfois : ab imo pectore

 

 

 

je mincis
à ma bouche
langue ne te retourne pas
aboyer pour mes luttes
chien de falaise blanche
puissant voyou de gueule
retourne mon oblique
atteint ma trajectoire
mektoub de l’incroyant
langue
crie le feu à mes rangs
pour ma patrie d’insultes
enchâsse le discours
entre deux tortionnaires
je me vis pour mourir
langue
j’ai côtoyé mon pire
sans toi dans mon oubli
langue
stigmate de l’insincère
creuse et je rougis
dans le poumon des lettres
je mincis
dans le crassier des mots
maman avait chanté
mon alphabet sans le connaître
creuse et je m’immole
à lire le ventre du carême
sans toi le feu puissant
dévore le grand voyant
j’ai mal à redoubler
la classe mélancolie
nous frères et sans parents
la main tenue dans l’hémisphère
nous mal à langue
l’enfant fou qui libère
j’ai dévoyé l’oiseau
pour abîmer ton ciel.

*

appelle mon corps
ardoise périssable
racket de l’addition
le multiple zéro
c’est de se sacrifier
et de boire à la rame
l’immobile vertige
matin déshabillé
je me guéris je me conteste
je décroise le dieu
resté prostré au sein immaternel
frappe marteau à gorge brune
le délire de mon sang
à la veine éclatée
de la tempe du buveur
frappe la maladie immonde
innommé de l’été
crâne à chair viande
tu pourris de m’aimer
j’ai patience à ma fin
pour absoudre mes vers
j’ai patience à ma fin
pour bousculer mon chant
j’ai patience à mon meurtre
dans l’extase du lent.

*

creuse humeur
le corps des prétentions
et la messe de famille dans le repas des vaniteux
creuse sans oublier
la tarière idéale
elle débouchera de l’orifice de la parole
palabre du siège scabreux
le canard immondice

les hommes tels
les femmes grasses de rire
les femmes griottes laides sans mari
les hommes cacophoniques
les hommes sales de leurs assises

creuse humeur
méchante humeur du canard de l’enfance
creuse un trou syllabique dans le revers de la cuisse de poulet
nettoie méchante humeur
frotte l’éponge aux entournures minables
attaque méchante humeur
les discussions les lentes et les continuelles
les ordres de la réassurance
le besoin des yeux
creuse humeur
en bout de table
l’ennui malade
les affectés

demain les tiens seront pleurés à la tombe
tu auras creusé
et colle de honte pour l’avenir
frappée d’impuissance
tu prononceras le mot de solitude

tu t’appartiendras canard
dans ta grappe de sucre liquide
ivre
dévalant la pente humaine de force.

*