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17. Antipop Consortium, Tragic epilogue, 2000 | BV



 

Découvert par hasard grâce à l’émission de France Inter (dont je ne sais plus le titre), jamais pu me détacher de cet album, qui manque de très peu la première place du podium, pourquoi ? Pour des broutilles, peut-être ce corporatisme intellectuel new-yorkais à la fois minorité à la fois cool. En concert une tuerie. Mais oui leur premier album est le meilleur.

Il faudrait d’ailleurs en dire un peu plus… Mis à part les innovations formelles typiques du son du groupe, de hip-hop non consensuel, et pas forcément d’ailleurs pas grand public (mais évidemment sans succès médiatique), parfois rapproché de l’IDM (ce genre de techno créative).

Des morceaux qui ne rechignent pas à lorgner du côté du jazz, même free (expliquant leur futur album avec Matthew Shipp) comme le magnifique Eyewall, des choses étranges comme Smores ou Driving in circles.

Il y a aussi de petites pièces sonores revigorantes, parfois instrumentales. Mais on a surtout des morceaux de flot très solide : Sllab en tête, mais aussi Laundry, Nude paper, Rinseflow, 9.99, Lift. Ce qui n’est pas rien sur un tel album.

Le groupe, qui signera bientôt chez Warp (Aphex Twin, Autreche, etc.) est prêt pour ravir les oreilles curieuses, tout en ne parvenant pas à franchir le cercle assez fermé du rap underground (avec Jurassic 5, Kool Keith, Mos Def) sans toutefois non plus parvenir à cette minimaliste gloire.

L’album est l’un des plus beaux du monde, je le jure, et confine à la perfection, je ne sais pas, d’un Kronos Quartet ? Je veux dire dans le choix des instrumentations, des sons, et leur agencement. Et pour ne rien gâcher des textes parfois obscurs, parfois abstraits, mais toujours à la fois très poétiques et très politiques, ce qui là aussi, n’est pas si courant (même chez Nas ou le Wu-Tang Clan).

Oyez Sllab, ci-dessous, et voyez le texte étrange qui en sort.

 

 

808. Brian Eno & David Byrne, My life in the bush of ghosts, 1981 | BV



 

Sans doute un excès d’épices un peu forcées, voire forcenées, nuit à la bonne foi de l’ensemble — ah et puis on est certainement repoussé dans un canton expérimental — le tout confinant à un je-ne-sais-quoi de vaguement radical chic — mais avec de belles altercations parfois entre deux grosses têtes chercheuses musicales… Un morceau au-dessus du lot, Two against three. Le titre est excellent.

 

 

99. Bill Withers, Live at the Carnegie Hall, 1973 | BV

 



 

C’est le premier disque que j’ai entendu de lui. Il me plaît beaucoup que cela se passe au Carnegie Hall, cette musique à la fois classe et simple, pleine d’émotion et efficace. J’adore Bill Withers ; on peut être un peu ramolli par son aspect un peu trop romantique, et ses longues introductions, mais il aligne les chansons (c’est un véritable chansonnier) avec une grâce et un groove incomparable et impeccable.

 

 

864. Cornelius, Point 2002 | BV



Tout un pan de cette musique oscillant entre pop, rock et électro m’a échappé, je l’avoue, dans les années 2000, mais j’avais d’autres chats à fouetter. Cornelius est sympathique et il est habile. Artisan sonore, il est un producteur impeccable. Les moments les plus foufous sont les plus intéressants certainement, Fly, Point of view Point et Another view Point. Ensuite il y a des faiblesses, dues à cette espèce d’excès d’aménité qui peut parfois peser sur l’écoute (la reprise de Brazil en est emblématique).

 

 

56. Dr John, In the right place, 1970 | BV

 



 

Premier album acheté d’occase à G, pas du tout déçu, il serait parfait si l’autre, Gris-Gris, n’était pas plus parfait. Découvert Dr John dans le fameux documentaire de Philippe Manœuvre sur le blues et le Crossroad. Le Médecin de l’Âme tire la couverture à lui, à un certain moment, et délivre une magistrale leçon de blues (docu introuvable par ailleurs parfait pour débuter, un disque avait même été produit, avec Keith Richards — par ailleurs exquis dans la vidéo — interprétant Key to the highway). Ici au sommet de son art entraîneur, l’album, porté par Such a night et Right place, right time contient également d’incomparables (et inquiétantes) pièces comme Same old same old, Qualified, où l’envoûtant (et parfait) I been hoodood.

 

 

1038. Elastica, Elastica, 1995 | BV



 

Un souvenir des années 90, un morceau imbattable (2:1). Et de bonnes chansons (Vaseline) mais qu’après coup on peine à ne pas avoir déjà entendues quelque part. Un des nombreux albums propres, bien interprétés, justement balancés entre punk et ‘concerné’, des années 90, mais qui marque le pas à acquérir son indépendance.

 

 

367. The Clash, London calling, 1976 | BV

 


 

Je connaissais la pochette par les livres. Je l’ai vue pour la première fois en vrai et en vinyle dans le car scolaire de mon bled pour Montélimar, sous le bras de A, qui venait d’un bled encore plus reculé et montagnard. J’avais follement aimé A à l’école maternelle puis surtout primaire, dès l’instant où elle a débarqué dans le village, je me rappelle bien. Ce jour de lycée, elle ramenait le disque à la médiathèque. On ne se parlait pas beaucoup. On ne s’est jamais beaucoup parlé. On s’est parlé autour du disque. Voilà : comment ne pas associer ce disque à A ?

Il y a quelque chose qui m’attirait très fort, et quelque chose de mystérieux qui m’inquiète encore. Il y a des morceaux parfaits : Brixton (l’une des meilleures chansons de l’Histoire), London, mais force est de constater qu’on n’est pas dans le punk hardcore… il y a des morceaux super mais aussi des morceaux moins intéressants, il faut le dire. C’est la variété qui frappe, ici, des genres, des thèmes, une espèce de bissectrice inédite entre Springsteen et Costello, secondée par une très nette maturité, parfois même un peu troublante, jusqu’au design, donc, de la pochette…

 

 

675. Ten Years After, Crickelwood Green, 1970 | BV

 

C’était le bon temps, et on produisait des disques à tire-larigot. On le décrit comme le meilleur du groupe (j’ai une préférence pour Stonehenge) et on voit bien ici la recherche en acte d’un groupe de power blues à frisottis psychédéliques, qui doit non seulement se détacher des concurrents (Creedence donc, Jimi Hendrix Experience, voire les Doors) et y parvient, avec des originalités que ne dédaignerait pas un Prince (50000 Miles…). Sans ces excursions hardies (Circles) ou plus strictement rigoureuses (Love Like A Man), cela resterait un album aimable de blues américain, un disque des Doors. As The Sun… démontre cette ambivalence, arnaquée par les machines d’Andy Johns.

 

 

131. Creedence Clearwater Revival, Creedence Clearwater Revival, 1967 | BV

 

 

Il faudrait réécouter tout Creedence pour comprendre ce qu’il s’est passé avec ce groupe. Les chansons comme les textes sont on ne peut plus simples, c’est peut être la sincérité ou l’engagement de Forgerty qui fonctionne mieux qu’ailleurs… Ou alors c’est la voix, épaisse et rauque, parfaite pour l’exercice. Sans doute un peu des deux : une voix qui sait rendre subtil des basiques — comme d’ailleurs les soli de guitare, de même acabit. Cet album est meilleur, même s’il est sans doute un peu moins connu que les autres, et marque le début d’une production de hits incomparable dans la période — même si ici on a deux reprises, et lesquelles ! I put a spell on you et Susie Q. Mais tout est là : la caresse vaguement progressive sur un blues blanc et boueux, qui ne déroge pas à un certain mystère propre au bayou, notamment dans l’extraordinaire Walk on the water.

 

Albino Crovetto | Avant que la nuit ne tombe…

Albino Crovetto est né à Gênes en 1960. Il est photographe et traducteur. Il a publié deux recueils de poèmes : Una zona fredda (Niebo-La Vita Felice, 2004) et Imposizioni, Genova (Il Canneto Editore, 2011), les deux avec une préface de Milo de Angelis. Il a traduit entre autres : Dumas père, Mirbeau, Jaccottet (avec Ida Merello), Régnier, Volodine, Flaubert (avec Emanuela Schiano di Pepe), Judith Gautier.
Les poèmes que nous publions, inédits, sont extraits de Salita a Pietra Minuta 2011-2013, et sont traduits par Emanuela Schiano di Pepe. Photographies © Albino Crovetto

 
 

Avant que la nuit ne tombe
il faut chercher les signes ;

un ciel gris suffit,
les nuages amassés
et qu’une pluie se prépare.

Et qu’on ne sache pas
la saison,
ni les noms des pays,
ces pays qu’on ne trouvera pas
en prenant la mauvaise crête, la mauvaise direction.

9 avril

 
 

De quoi a-t-il souffert sinon des restes,
du fer battu contre le fer,
d’une progression lente et amère.

Sans s’arrêter il écrase ses pas
sur la matière pentue ou sur le rien
le vent emmène les graines ou la vide sécheresse.

28 avril

 
 

Les noms dans les fissures
redeviennent ce qu’ils ont été :
des souffles haletants en plein hiver.

Un dans les souvenirs,
un autre entre les épines
d’un agave de roche.

Un fragment roule
dans un franchissement perpétuel.

D’autres poursuivent
là où l’air les déplace.

10 mai

 
 

La journée terminée
ce que je peux rapporter :
maisons superposées,
observations et notes, taches
disparues derrière les vitres,
animaux qui courent,
et l’odeur de la proie
dans son parcours aveugle.

30 mai

 
 

Une maison et un mur
semblent territoire et sol.

Une graine se plante
et la plaine l’accueille.

Aucun cri :
juste, de petites ouvertures
qui dialoguent avec les morts

4 juillet

 
 

L’envergure orange des ailes
est celle d’un insecte
au vol rasent et régulier
qui disparaît sans aucun bruit
dans ces cinquante mètres
de forêt
traversée par une entaille.

21 juillet

 
 

 
 

Finalement le ressac
et d’abord le chant de l’homme saoul.

Poubelles dans les escaliers,
couloirs, porte fermée.

Vagues sur les rampes, silhouettes arquées –

et pour chacune une éraflure.

8 avril

 
 

Petites arcades emmurées et jaunes.

Ce sont néanmoins de nuages,
et ça, c’est de l’air.

Dans le marbre aussi un son de grelots.

Et l’ardoise
a des tintements sans lumière.

7 mai

 
 

Gênes

Sous la porte du levant des lettres creusées,
deux arcs dissemblables et des tours courbées.

Il remonte et il coupe vers le pont.

Il observe le visage d’une statue
pendant que la nuit avale une voiture
et le gel paralyse les crochets,
les mouvements des grues.

Il ne cherche pas.
Le chemin des murailles
le pousse en avant
les yeux obstinés qui fixent les espaces vides
le pas qui s’abandonne
l’espace d’un détour
et l’accompagne.

Des bassins de marbre dans les cours
et dans les cours ils demandent quelque chose.

Une femme répand de la nourriture entre les oliviers.

En haut le soleil.

Il rencontre une statue
aux mains érodées.

Là où l’eau ruisselle
c’est l’abri des oiseaux
et les portails se resserrent.

Il lit des noms,
il croise rapidement un visage
et une main désigne et salue.

Escaliers,
emblèmes superposés –
une vasque reflète les rampes.

Dénivelés, pierres en forme de serpent
sur la couche ajustée de gravier.

Il attend que le soleil se meuve,
il compte les dernières marches,
et du jardin le corps
est déjà loin,
perché.

16 février