Angèle Casanova est poète et auteur du web-livre Gadins et bouts de ficelles, initié en 2006. Elle publie régulièrement dans des revues de poésie depuis 2014.
[Photo © Philippe Martin, 2015]
le réveil émet son bruit neigeux
j’ouvre un œil
me soulève sur un coude
contourne le verre d’eau à moitié plein
et appuie sur le bouton latéral
il est 7h00
je soupire et m’écrase sur l’oreiller
je renifle son odeur
puis me cale sur le ventre
les mains en coupe sous les hanches
mes pieds dépassent au fond du lit
je les frotte l’un sur l’autre
longuement
je compte les minutes
mon corps les connaît
il ouvrira mes yeux à 7h37
et je me lèverai d’un seul bloc
pesant
maussade
mon lit
est un monde plat
à quatre coins
aux bords vertigineux tombant dans la poussière
il me donne l’impression que je pourrais
tel little nemo partir à l’aventure
m’envoler par la fenêtre avec pour seul bagage
ce continent mobile
et pourtant ce havre
tous les matins
je le quitte
et le regrette
mes yeux se ferment
je repose mon livre
et m’assois
sur le lit
je fais passer ma chemise
par-dessus tête
me tortille pour enlever ma culotte
sans exposer au froid
plus de peau
que nécessaire
et l’attrape du bout des doigts
je fais un tas sur la couette
avec ma culotte et ma chemise
et dépose la boule de coton froissé
sous mon oreiller
marquis de carabas
je plonge en mon lit
sans plus penser au lendemain
et au linge que je ne retrouverai pas
à mon réveil
fort heureusement
il apparaît un jour
sans prévenir
il n’y a rien
et puis
soudain
un petit bouton
je ne le vois pas tout de suite
je le sens
d’abord
du bout des doigts
d’énervement je le gratte
y plante un ongle jusqu’à ce qu’il
se détache
et puis
je l’oublie
très rapidement
il repousse
patiente
je le charcute
encore
et encore
alors je comprends
que ce n’est pas un bouton
autre chose pousse
là
je l’observe
qui grossit
prend de l’aise sur ma joue
devient noir et charnu
sensuel
il me donne l’air d’une marquise grand siècle
sauf que
un nouveau bouton
sur
l’autre
joue
je suis
un champ
de
champignons
un truc
saute
dans mes
cheveux
et je me demande
s’il existe ailleurs
que dans ma tête
peut-être est-ce
une puce avec une envie subite
de se dégourdir
les pattes
ce truc saute
ici
et là
et je m’agite
et je panique
suis-je sale
suis-je folle
non
c’est la laine de verre
du grenier en travaux
qui me pique
dans cet air impalpable qui la véhicule
je la respire
pourtant
cette laine
qui incruste de verre
mes poumons
et irrite ma peau
comme si
des insectes
fous
ruaient
sautaient
en permanence
elle finira bien par se dissiper
mais quand
Délicieux, chère Angèle
Bise,
Jacques