Jian • Contrespaces (de la rémanence) (3) • fr. 11-15

Hors-Sol attaque la publication d’un texte reçu il y a quelques mois (via réseaux sociaux). L’auteur explore ici les moyens d’une révolution, qu’elle soit politique, écologique, littéraire, philosophique. Dense et ardu, ce texte expérimental est parfaitement stimulant.

A noter la participation de Frédéric Dupré qui vient « accompagner ces propositions de ses puissants dessins »

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Re-volvere peut aussi signifier « rouler en arrière ». Ainsi de la vague qui se retire dans le ressac, chaos de goûte orienté, déferlement à rebours, dans cet étrange courant, intempestif, tiré vers le grand large. Car l’histoire n’est pas seulement le « déroulement » des faits, mais aussi l’enroulement sur lui-même de tout ce qui arrive : le roulement continu et bouleversant des vagues de temps et de leur ressac secret dans des passés qui reviennent sous nos pieds.
Ne plus nous laisser impressionner, dès lors, par certaines catégories désuètes faisant insulte automatique : réactionnaires, traditionnalistes, archaïques, anti-modernistes etc. On ne revient jamais en arrière, hors du temps linéaire.

Nous sommes les humbles, ceux qui revendiquent l’honneur d’appartenir à l’humus, la terre dont on naît et meurt, sur laquelle on se dresse et se couche, qui soutient dans l’action comme dans le repos, le lieu de la régénération. Car il s’agit bien d’une nouvelle naissance, d’un naître d’exception, dans l’habité géopratique.


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Nous avons à mettre les mots, les idées à leur place, mouvante. Ceux-ci ne sont pas la connaissance elle-même, ni son contraire, mais les passages de nos actions, des moments du processus plus large de sentir et d’agir. Ils font partie de nous. Nous les retrouvons inscrits dans nos corps, ils habitent nos gestes et demandent une culture active, sous peine d’être dévorés par eux. Des outils vitaux : c’est bien à tort que nous considérons les outils comme des choses inertes.

Nous entrons dans les tournants et retournements de l’enfantement et de l’avalement dans une temportalité révolutionnaire et fractale.


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Sans doute se rend-on compte rarement de l’immense potentiel de subversion dans nos « sociétés »- un grouillement de l‘ombre, teinté d’insolences secrètes et de réalismes sensés, de résistances viscérales, de coalitions improbables, de machinations secrètes.

Mais plutôt que de dire « tout est relation », la révolution qui vient insistera sur le raccord, sur notre aptitude active à créer des accords inédits, des raccords inouïs, de nouvelles chances qui permettent aux lieux les plus éloignés de « communiquer », ouvrant de nouveaux passages ou traçant de nouvelles lignes, frayant des chemins de traverse à celles et ceux qui font communauté en explorant la variabilité des conjugaisons et des déclinaisons. Et tout de se compose pas. Nous nous opposerons à ce qui nous empêche d’exister.


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A l’inverse du parti de l’in-nocence, nous habiterons toujours-déjà la nocence radicale, cette sordidissime noyade. « Causer la mort » (Nek-, Nok-) d’un monde à l’agonie, dont la préservation conjuratoire confine à l’acharnement thérapeutique.

Loin d’être-pour-la-mort, ce non-sens nourrira l’humus fertile favorisant la poussée d’autres manières vitales. Lesquelles ne nieraient plus, ni n’absolutiseraient la Mort. Nous ne serons nuisibles que pour les petites mains participant à la systématisation de cette double pince mortifère.

Des profanations de ce qui fut séparé dans la sphère sacrale auront lieu, cas par cas et habilement, en situation. Sera rendue au commun la nocence, la joyeuse impureté de nos vies infâmes et affamée, sans toutefois remplacer un Faitiche par un Autre immaculé, tel que Laïcité, Démocratie ou Humanisme. Le fantasme du Tout-Autre ne fera que reconduire le fantasme du Tout-Même sur son socle pulsionnel incompris.


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Nous reprenons ici l’infinition forte du (cosmo)politique comme « un certain degré d’élaboration dans l’élément éthique ». C’est-à-dire, en fait, et très concrètement : apprendre à comprendre les formes-de-vie dans une certaine indétermination, apprendre à apprendre des formes-de-vie dans leur opacité, dans leur « non-communicabilité », da5s l’impossibilité d’échanger les places. Non pas prétendre les chapeauter par un schème révolutionnaire transcendant, macrosphérologique, mais bien tenter de tramer le co-immunisme des formes-de-vie, des mondes sensibles en-train-de-se-faire. Déterminer, au cas par cas, l’arête politique dans les processus de mise en consistance : ce qui est viable ou non, ce qui peut se composer ou ce dont la composition mène à la décomposition collective. L’action poélitique s’intéresse aux processus de venue-au-monde, dans les champs de force de la vie au présent.

Entre-tien de la relation Terre-monde : tenir de l’entre, tenir par l’entre, prendre soin de cet entre-nous élargi, demeurant disponible et sachant respirer.


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