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Raymond Penblanc † Instin de tous les songes

C’est par les traces toujours identiques de ses errances le plus souvent nocturnes qu’Instin s’est révélé à moi. Jamais je n’ai entrevu le moindre atome de son visage, et pas davantage sa silhouette. Tout juste ai-je surpris un balancement, parfois un simple tremblement du feuillage, comme au passage du vent. On ne saurait se montrer (se montrer ?) plus discret. Discrétion dont je m’oblige à faire preuve moi aussi. C’est qu’il en faut, dès lors que vous avez choisi de pister, sur des sentiers réputés imprenables, ce fantôme tout aussi imprenable, improbable même.

Je crois savoir qu’il est vêtu d’un ample manteau (noir) dans lequel il noie une silhouette tellement floue qu’elle semblerait l’émanation du corps qui (à minima) l’habite. Sans doute la perte du H est-elle à l’origine de cette extrême dématérialisation. Instin sans H, et donc sans âge, a la nature et le mystère des premiers brouillards du soir, ceux qui vous égarent à force de vous faire tourner en rond.

Lui-même ne cesse de tourner en rond. Il peut donc se trouver en différents endroits à la fois. Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser qu’il est capable de se couper en deux. G ici, et I là, ou inversement.

Aujourd’hui G a choisi de disparaître. Les derniers signes vont tous dans ce sens. Seul un I tenace, énigmatique et incorporel, témoigne désormais d’une présence qu’on devine douloureuse, électrisée par le resserrement d’un périmètre réduit à quelques arpents de forêts (bientôt à la surface d’une feuille de papier ou d’un écran ?) Mais au moins s’oriente-t-on vers ce que, chaque nuit, on guette avec une impatience fébrile : le centre exact où il se tiendra (droit comme un I.)

En attendant, c’est juste quelques traits de rouge, ce rouge carminé que les femmes déposent dans leurs mouchoirs de batiste comme dans leurs foulards de soie.

Instin serait-il donc

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une femme ?

Une chose en tout cas est sûre. Il ou Elle contamine ceux qui se sont donné pour mission de déchiffrer ses singuliers messages. Egarés sur les chemins du rêve, ils finissent par se vider d’eux-mêmes. On est toujours le produit de ce qu’on traque. Voyez ces chasseurs changés en pierres. Voyez comme ces Indiens Peaux-Rouges  ont fini par s’incorporer dans le paysage.

Alors, Instin ?

Instin,
confié-je à l’aile courbe du vent, qui es-tu ?

Ton double, répond-il dans un souffle, ton double incertain. Je suis qui tu fus et qui tu ne fus pas, qui tu seras et qui tu ne seras pas, je loge en toi, insaisissable et tout aussi incertain, comme je flotte autour de toi, aura, nuage, nuée, brouillard, ici et là, partout, nulle part, tel qu’aux premiers jours

de l’(H)umanité.