Gracia Bejjani quitte sa terre natale le Liban à 20 ans, après un autodafé de tous ses textes de jeunesse. Cet acte fondateur relève d’un projet ou fantasme : donner une autre perspective à son écriture à laquelle elle dédie tout son temps. Du moins, celui qu’une vie professionnelle très chargée lui laisse. De manière récurrente mais non exclusive, ses écrits portent « naturellement » sur la guerre, l’exil, l’identité, le lien.
Textes brefs, récits, romans mais aussi photos-textes, vidéos-écritures, poésies. Publications sur YouTube, Instagram, Facebook et dans certaines revues comme la Plume Francophone. Elle a animé de nombreuses vidéos-live en philo directe et en littérature. Elle a par ailleurs fait partie de la programmation du Festival Extra, Litteratube, au Centre Georges Pompidou en 2018.
Son site personnel graciabejjani.fr regroupe l’ensemble de ses productions.
sommes-nous encore contenus par nos peaux
corps brassés, os apathiques
nos heures carapatent aux parages
vies oubliées des verticales.
sommes-nous désormais histoires
inaudibles au présent
sommes-nous récits radotés par des joues marmotte
mélodies de fantômes plus coriaces que fatigue
sommes-nous désormais spasmes de filiation
scellant ciel et monts comme distance entre les vies
branches en fuite devant le désarroi de nos enfants
on tremble
on tremble comme peau.
on égare les phrases
sur des visages crevasses
sommes-nous monologues de silence
syllabes solitaires et inanes répétitions
on tremble des mots, servitudes de paupières
sommes-nous déjà le silence à venir
sourdines de nos aimés
on tremble
terreur ordinaire
on tremble
sommes-nous raidis, creusés de trop de mots
failles de nos regards obèses, sans écorce de pensée
nous flânons, entre filiation et absence
pris dans une chair vaine comme univoque tissu
usés de cendres, on tremble éventrés
sommes-nous remous de nuages gelés
vertèbres de pluie quand l’heure se tait
sommes-nous parenthèses de vent
sur des visages sans consolation
qui scrutent et nous évitent
on tremble
on tremble des os.
sommes-nous frange de vie
nous clignons à peine
liturgie de mâchoires arrachées à la démence
sommes-nous le dédain des seuils
splendeur sans éclat
on se heurte, corps avides
sommes-nous figures de disgrâce
on se dit métaphore d’homme
muscles courbés par les mots
on tremble de silence
sommes-nous la preuve de l’absurde
l’étrange du monde, mort ordinaire qui se rapproche
on tremble
on tremble en silence.