Derek Munn vit et écrit à Bordeaux, il a publié un roman : ‘Mon cri de Tarzan’ (Laureli/Léo Scheer), un recueil de nouvelles : ‘Un paysage ordinaire’ (Christophe Lucquin éditeur) et des textes dans plusieurs revues.
Le prince meurt à la fin.
Son prince.
Cela devait arriver, c’est elle qui l’a sacré, elle n’avait rien d’une divinité, elle était simplement une princesse de tous les jours.
Sa princesse.
Elle revient à ses vieux souliers, troués, pleins de cendres. La forme de ses pieds a changé, mais elle ne fait plus cas de ses douleurs. Si le chemin est interminable, il ne va nulle part, elle n’est pas pressée. Le château cesse de rêver, se plie derrière ses pas, adhère à ses semelles. Les pièces sont essoufflées, les bruits qui les transpercent sont générés par les voisins.
Quand ils ont enlevé la dépouille, elle est restée assise à côté du lit. Elle regardait l’empreinte sur les draps. Elle ne l’a pas touchée, cela aurait été impudique dans cette compagnie. Le froid montait dans son ventre, elle a plongé ses poings entre ses cuisses pour essayer d’étancher la vie qui fuyait. Elle s’est dit qu’il était raide pour toujours maintenant, qu’il bandait tout entier afin de pénétrer le vide. Mais le vide en elle était si vaste, plus rien ne suffirait.
On est venu lui poser les mains sur ses épaules.
On lui disait qu’on comprenait.
On était partout.
On l’entourait.
On était tous les autres.
Cela a continué pendant un temps, on venait sonner, lui apporter le monde, des paquets d’enfants, du chocolat, des plantes. Du bonheur en creux. Tout ce qu’elle, tout ce qu’ils n’ont jamais voulu. Puis on l’a laissée. Elle était ce qui restait, tout ce qui n’était pas on.
Chaque jour elle se traîne sous un ciel de mots, chaque nuit elle rêve le dictionnaire de sa vie. La maison s’assombrit, le temps, l’espace se rejoignent, les heures s’entassent, s’émiettent. Dans le miroir elle paraît comme un paysage inhabité.
Absorbée par la froissure blanche de l’absence de corps, elle est respirée par l’air, elle entend des pattes de souris sous la voûte de son crane, des ailes de chauve-souris font chut ! Dans le noir, une voix répète, Il était une fois…