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Raymond Bozier • Erèitam tam (1)

Nous publions en feuilletons de l’été les différentes parties du long poème texte de Raymond Bozier, plein de matière et de mots. Nous remercions chaleureusement l’auteur qui a bien voulu nous accompagner dans l’aventure.

Né en 1950, à Chauvigny, dans la Vienne, Raymond Bozier vit et travaille à la Rochelle. Il a animé la revue Cargo, publié un grand nombre de poèmes et de nouvelles dans des revues et des journaux tels que L’Express, Le Monde Diplomatique, Action Poétique, Moebius, Poésie présente, Europe, avant de donner la priorité au roman. Il a publié récemment Fenêtres sur le monde, Paysages avant l’oubli 3 (Fayard, 2004), L’Homme-ravin (Fayard, 2008), Divagation 1, suivi d’une réédition de Lieu-dit (Fayard 2008) ; sans oublier un récit, La maison des courants d’air (Fayard, 2008).

Pierre Antoine Villemaine | Le corps inconnu. De la parole écrite

Ce qui est en train de poindre, de se frayer une issue vers toi. Cela arrivera-t-il à naître, à survivre ? Ce n’est point sûr. Cela est bien fragile, n’ose se présenter en pleine lumière, cela semble déjà reculer, semble revenir à sa source. L’esquisse qui vient n’a que peu de poids, mais on sent de la détermination en elle. Le plus difficile pour elle sera de se maintenir en cette précarité. Ca zigzague, ca griffonne apparemment sans but. L. est extrêmement absorbée par le contact de l’air sur sa peau et cette sensation lui donne un air trop sérieux, elle le sait et aussitôt elle se détend, s’abandonne sans réserve à ce corps qui commence à prendre de la consistance, qui commence à sourire. Ce corps ne sait pas qu’il est regardé. Il ne faut pas qu’il le sache. Elle est maintenant ce corps étendu, endormi. L. est cette femme très belle qu’il regarde avec envie, il l’a dévore des yeux mais ne la touche pas encore. Qu’est-ce que la grâce d’une pensée ou d’un corps ? La légèreté, la transparence, le sourire ? L’invitation à la profanation ? Dans son sommeil, elle se sent regardée. Elle ne peut dire d’où provient ce regard, mais elle en reçoit l’intensité, comme une pointe qui traverse ses cheveux, touche crûment la peau. Presque une brûlure. De son visage jaillira bientôt une brumisation de paroles : « cela ressemble à la vie », dira-t-elle.