Pierre Antoine Villemaine est metteur en scène, écrivain, artiste et enseignant. Chargé de cours à l’Institut d’Études Théâtrales de Paris III, directeur artistique des Ateliers de lecture à haute voix de la Bibliothèque Publique d’information, Centre Pompidou (2001-04).
A mis en scène des oeuvres d’Artaud, Bataille, Blanchot, Celan, Duras, Genet, Giacometti, Handke, Jabès, Kafka… A organisé et participé à des rencontres et colloques notamment sur Artaud, Jabès, Blanchot, Celan, Michaux…
A publié de nombreux articles, récits et poèmes en revues : Remue.net, N4728, Ralentir/Travaux, Revue des Sciences Humaines, Revue d’Esthétique, Théâtre/Public, Europe, Le Nouveau Recueil, Sens Public, Communications …
Une pensée est limitée par une autre pensée.
Une voix. Il n’était guère autre chose qu’une voix. (J. C.)
creuser tout cela
avec toujours plus d’abandon
toujours plus d’ignorance
sans forçage
sans outre-passage
sans dramatisation qui altère
sans formalisme
sans violence
venue de zones verbales
lentement et avec patience
pas d’envol – dis-je – un creusement
à la dérobée / dans la discrétion / les touches fugitives de la main musicienne règlent la dispersion de la pensée / sa scansion / accordent une musique du sens
construire dans ces glissements et ces fuites / dans ces égarements féconds / depuis la langue / depuis son épaisseur / autre chose que de la signification / un nouveau possible
… tout cela pas raisonnable
perdu dans les escaliers
le dit de l’effort
raccords et coutures
marques de soudures
pressenti plus que su
le frottement familier
l’affect qui excède
la poussée qui origine
– l’écho d’une voix dans le sommeil ?
par le chemin de brume tu avances / vers le passé / des particules imperceptibles bientôt des échos de pas dont tu ignores la provenance étourdissent ta pensée / des éclats ou étincelles déliés fusent / t’interloquent / te retournent
… et le chemin de neige voyage en mémoire
là — le monde se dépose en toi
le monde d’avant
et des cris :
kamalatta !
killalusimeno !
pallaksch ! pallaksch !
notes esseulées / matière de langue fouillant les replis du cerveau / mots heurtés / vibrations de la pensée dans les corps / cherchant une issue par delà les langues comprises
… et cela devient clair sans être compris
en ces temps inquiets où la réalité fait défaut il avance avec trouble / il s’aventure / se met découvert / un ton à demeure s’invente la coulée d’une vie / sa couleur vocale / sa compréhension rythmique
… et ce n’est pas l’expression d’un seul mais le passage de la multitude en lui
collecte de mots sur le clavier primitif de la parole
un frôlement de
pensée
une étincelle
dire du mort
dans les tranchés / aux aguets / l’immobilité tendue / autour les mots pleuvent
la langue descends dans le cerveau / heurte l’époque glacière / heurte la nuit / d’autres régions d’attention
tu arpentes un territoire mental / tu veux saisir le mouvement de la pensée / son maelström / son délire
même bruit / même pensée
d’une si grande douceur
d’une si intimidante lenteur
… il y a là quelque chose qui force à penser
au bord d’une pensée / l’éclat d’une locution / la scintillation d’une lumière particulière propage un halo de sens
il ne resta de lui que trois traits en zigzag. (K.)
rendre la parole / ce qui échappe / qui sans cesse revient
dans l’indécision des commencements / à côté / toujours de côté / dictée du passé / la phrase unique et sans but / panique
à sauts et à gambades / ondoyante diverse / jamais liée à l’intention logique / sinueuse mobile / lentement / dans la voltige / maintenue à l‘état de projet / en mouvement dans la bruine / elle affleure / entame la surface
en mémoire / dans le report incessant / c’est ainsi qu’elle répond / dans le degré d’équivoque requis
la parole glisse sur l’image
tu n’inventes pas / tu composes / par déplacement discret / une cohérence / dans l’arrêt probable / à chaque instant / reprenant la mort des figures
componimento inculto / aspiration de l’esquisse / de la composition informe / de l’ébauche / de la vision informelle
le piège de l’instant / de la fascination sensible