Né en 1975, Eric Darsan est écrivain, critique, nomade, et membre actif du Général Instin. Il publie textes et articles dans diverses revues littéraires en ligne (remue.net, Poezibao, Sitaudis, La vie manifeste, etc.) ainsi que sur son site personnel, avec un intérêt particulier pour l’édition indépendante, la littérature contemporaine et expérimentale, poétique et politique. Il est l’auteur du Monde des contrées, paru en 2016 aux éditions Le Tripode et illustré par les 400 coups.
« Tous les réactionnaires sont des tigres en papier. En apparence, ils sont terribles, mais en réalité, ils ne sont pas si puissants. A envisager les choses du point de vue de l’avenir, c’est le peuple qui est vraiment puissant, et non les réactionnaires. » (Ma(k)o®)
Face à la place de la porte de la Paix céleste, Hon poursuit sa (m-/)v-is(s)ion, aperçoit sous/sur le portrait du Grand, la figure du Petit Timonier, concentré (petimonier), menant son équipage, qu’il avait bien (du courage). Censuré, hors-champ/-cadre (derrière, avant, le feu d’artifice(s) final) : le montage (financier), l’explosi(ti)on (médiatique), le mélange (d)étonnant, fondu/soudé de la dictature politique et de l’économie ultra-néo-libérale dans une Chi(na)mérique(,) union démocratique et sociale. La fusion d’un réel et d’un virtuel omniprésent€($),d’une vision unilatérale centralisée, (dé)formée, d’un capitalisme rouge qui n’a gardé du communisme que l’Etat : moins l’ordre que le pouvoir, (con)testé par HK.
Two countries, One system : Delenda Carthago et tout ça. De nouveau, Hon part, court les manuels scolaires, (pro)mu(s) par le pouvoir, voit les deux superpuissances mondiales se j(a)uger à travers leurs avatars — sociétés miroirs, truc-hement/-ages pour (sa)voir qui sera. Premier King d’Hong-Kong, nuque calée sur son oreiller à mémoire déformée, Hon rêve encore. D’histoires de cow-boys et de fantômes chinois : l’un des deux est de trop dans cette ville et tout ça. « On ne saisit rien la main ouverte » disait Ma(k)o® : depuis les guerres de l’opium et la révolte (à poings fermés, nommée) des boxers, à Hong Kong, (S)RAS de la RPC, on ex-porte/-trade à qui mieux ↔ mieux de/vers l’O-ri/-ccid-ent et vers/de l’O-ccid/-ri-ent.
« Seul celui qui porte des chaussures sait si elles lui conviennent, et il n’y a que les gens qui peuvent dire si la voie de développement qu’ils ont choisie pour leur pays est la bonne » (Xi Jinping)
Face à la gestion impéri-euse/-ale de l’espace (con)sacré, Hon voudrait se tenir debout comme l’armée de terre (cuite) de Xi(a)n, mais Hon peut seulement. Lever les yeux et entrevoir, dans cette obscure parasomnie infantile et militaire, en lieu et place de l’heur-e/-t du réveil, deux dates et leur commentaire : 1949=>2019 : décalage, horreur. Hon gît, dort, sombre, songe que, malgré toute sa bonne volonté, le sursaut de Hong-Kong est encore rêve d’unité, émeute des boulettes de poisson, naïf dans ses appels à la Communauté Internationale. Hon s’indigne, du World Dream répond : il n’y a pas de CI. De là, exhorte HK à abandonner la dépendance et la fascination. En vain : là-bas comme ici, le régime d’exception confirme toujours la règle.
Enrichissez-vous, disait un autre Deng, un autre Xi, et si le rêve chinois (Zhongguo meng) n’est pas l’américain dans sa way of life (ce rêve bleu, je n’y crois pas, c’est merveilleux), il le concurrence à sa façon : c’est un songe intérieur dont le veilleur se veut gardien. Camps d’internement, de rééducations, persécution des minorités, interdictions de manifester, liquide marqueur, yeux crevés — chaises du tigre, assise chez les Dragons. Les hauts fonctionnaires, pour pallier à l’indignation, comme partout parlent économie, poétique du panoptique octroyant à l’argent une valeur morale — individualisme communautaire et autres contradictions (l’économie n’est jamais solidaire) initiées par la lignée des Ma(k)o®.
Big Brother/Da-da/-ta : vidéosurveillance & censure, contrôle & crédit social : il n’y a pas de diplomatie du Jinping-pong (Nixon in China), aucun jeu possible : juste un grand vide, un filet et des balles : : : (Made in China). La poudre aux yeux du Ma(k)o® original contenait déjà en creux la drogue et le poison, l’opium du peuple, l’obéissance comme religion. Le pinyin de Xi Jinping n’est pas né de la dernière pluie, le jump de Jinp pas un saut dans l’inconnu, mais la poursuite du Grand Bond en avant et de la Discipline confondus. Le régime dur(e), donc le régime ment. Amitié immortelle, décorée. De chrysanthèmes, de poignée de m-/n-ain(s). De Kim à Xi — R(D)PC. Au même moment, dans le Port aux Parfums, un étudiant est abattu.
« Voyez, n’étaient-ce pas des tigres vivants, des tigres de fer, de vrais tigres ? Mais, en fin de compte, ils sont devenus des tigres en papier, des tigres morts, des tigres en fromage de soya. Ce sont là des faits historiques. »
Le tyran, revenu à sa place par la magie de la télévision, déplace le curseur et regarde le doigt en haut ^ à droite > en bas v a-vant/-rrière, carré(,) noir de militaires, a/o-u pas. Bruit blanc => Une femme crie, d’autres lui répondent <=Bruit blanc. Le regard fixe(,) l’une(,) fixe l’autre. La caméra(,) la diagonale. Figée, dans la ligne de mire, chaque femme en blanc de la rangée. Égale dans son rang, commande un mouvement, reine dupliquée formant un échiquier (é)mouvant sous le regard soudain (é)m(o)u(ssé) d’Hon qui, relayant un scoop, participe((,) présent,) à sa viralité : HK se coupe, coronavire (un temps, soit peu) la Chine pour raisons sanitaires — « L’homme n’est pas une marchandise comme les autres », disait l’homme au Kärcher®.
Leçon de confu-sion(-/cia-)nisme : travailler + pour gagner + que la somme des parti(€)s. Au pouvoir, on vise l’immunité diplomatique par l’intoxication massive d’une population m-/n-assée, (dé)classée, à la lutte détour(n)ée. Avec le virus, le net et la rage sont muselés, endigués effluves et flux. Tendu, à force de se laver les mains & la conscience, boule à z & tabula rasa, Hon ne distingue + rien (ne) réagit + (ne) s’en-f(o)uit +. Du rêve de la réalité, les chaînes de (super)production libellent l’imagination par-delà les frontières. Apparition encadrée du Grand Timonier : le Vrai, Ze Dong (l’autan, du levant), format portrait. En contrebas, en faux-col Ma(k)o®, dé-/en-touré de ses sbires, Xi [(sou)rire en croiX :-z] relance le coup d’envoi.
Femmes-oranges (rouges & jaunes, dégradé(es)). Détonations, tirs et bottes : échos. Les soldats, sans se défiler, (en)filent la trame du roman national, le regard vide, a-/lobo-tomisés. Un moment de répit et c’est reparti, comme s’ils s’apprêtaient à ré-envahir le Tibet, la Hongrie. Coup d’œil dans le rétro(-action) de la voiture à f[r]ic(tion) de la doublure Ma(k)o® : cascades, tonneaux, de documents d’époque. Ailes volantes, chasseurs à géométrie variable, avion(-)[s, ]cargos. D(‘)assault®, Elbor et Getbo. Loopings, loupes et coupés, oiseaux de bois (mu yuan) conçus à des fins/par défunts militaires, pour mettre l’ennemi aux abois, émettre aux alliés et assimilés, ®épandre en boucles é-t/rr-atiques — la répétition comme équivalent du spectacle.
Crédit photo : ©Huang Gang, 16 Mao (résine peinte), 2005