Albino Crovetto est né à Gênes en 1960. Il est photographe et traducteur. Il a publié deux recueils de poèmes : Una zona fredda (Niebo-La Vita Felice, 2004) et Imposizioni, Genova (Il Canneto Editore, 2011), les deux avec une préface de Milo de Angelis. Il a traduit entre autres : Dumas père, Mirbeau, Jaccottet (avec Ida Merello), Régnier, Volodine, Flaubert (avec Emanuela Schiano di Pepe), Judith Gautier.
Les poèmes que nous publions, inédits, sont extraits de Salita a Pietra Minuta 2011-2013, et sont traduits par Emanuela Schiano di Pepe. Photographies © Albino Crovetto
Avant que la nuit ne tombe
il faut chercher les signes ;
un ciel gris suffit,
les nuages amassés
et qu’une pluie se prépare.
Et qu’on ne sache pas
la saison,
ni les noms des pays,
ces pays qu’on ne trouvera pas
en prenant la mauvaise crête, la mauvaise direction.
9 avril
De quoi a-t-il souffert sinon des restes,
du fer battu contre le fer,
d’une progression lente et amère.
Sans s’arrêter il écrase ses pas
sur la matière pentue ou sur le rien
le vent emmène les graines ou la vide sécheresse.
28 avril
Les noms dans les fissures
redeviennent ce qu’ils ont été :
des souffles haletants en plein hiver.
Un dans les souvenirs,
un autre entre les épines
d’un agave de roche.
Un fragment roule
dans un franchissement perpétuel.
D’autres poursuivent
là où l’air les déplace.
10 mai
La journée terminée
ce que je peux rapporter :
maisons superposées,
observations et notes, taches
disparues derrière les vitres,
animaux qui courent,
et l’odeur de la proie
dans son parcours aveugle.
30 mai
Une maison et un mur
semblent territoire et sol.
Une graine se plante
et la plaine l’accueille.
Aucun cri :
juste, de petites ouvertures
qui dialoguent avec les morts
4 juillet
L’envergure orange des ailes
est celle d’un insecte
au vol rasent et régulier
qui disparaît sans aucun bruit
dans ces cinquante mètres
de forêt
traversée par une entaille.
21 juillet
Finalement le ressac
et d’abord le chant de l’homme saoul.
Poubelles dans les escaliers,
couloirs, porte fermée.
Vagues sur les rampes, silhouettes arquées –
et pour chacune une éraflure.
8 avril
Petites arcades emmurées et jaunes.
Ce sont néanmoins de nuages,
et ça, c’est de l’air.
Dans le marbre aussi un son de grelots.
Et l’ardoise
a des tintements sans lumière.
7 mai
Gênes
Sous la porte du levant des lettres creusées,
deux arcs dissemblables et des tours courbées.
Il remonte et il coupe vers le pont.
Il observe le visage d’une statue
pendant que la nuit avale une voiture
et le gel paralyse les crochets,
les mouvements des grues.
Il ne cherche pas.
Le chemin des murailles
le pousse en avant
les yeux obstinés qui fixent les espaces vides
le pas qui s’abandonne
l’espace d’un détour
et l’accompagne.
Des bassins de marbre dans les cours
et dans les cours ils demandent quelque chose.
Une femme répand de la nourriture entre les oliviers.
En haut le soleil.
Il rencontre une statue
aux mains érodées.
Là où l’eau ruisselle
c’est l’abri des oiseaux
et les portails se resserrent.
Il lit des noms,
il croise rapidement un visage
et une main désigne et salue.
Escaliers,
emblèmes superposés –
une vasque reflète les rampes.
Dénivelés, pierres en forme de serpent
sur la couche ajustée de gravier.
Il attend que le soleil se meuve,
il compte les dernières marches,
et du jardin le corps
est déjà loin,
perché.
16 février
On a saisi le ton, le rythme, les sonorités… Une traduction poésie, elle-même : c’est très beau à lire