Parham Shahrjerdi & Benoît Vincent • M.A.

Elle s’appelait                                     
                   Maurice
                   Robert
                   Jackie
                   Dionys
                   Marguerite
                   Elio
                   Roland
                  
                   Thomas
                  
                   Maurice
                  
Tour à tour Elle

était la certitude de ceux qui n’étaient Elle
       était,     oui,       la

voix retentissante des absents qu’elle
       était.

Elle
       était

Lutter, venir, inter-
venir, elle le savait. Quand il le fallait. Elle

rappelait la joie
mais aussi le chagrin Elle
       était
le chagrin qui nous
sourit. Elle

       était l’équilibre manqué.

La mémoire des temps oubliés      ô combien Elle
       l’
                   était.    

*

 

Oui, elle est la joie,
la joie triste, la joie simple, la joie concernée
par le désastre

Ce qu’elle ne porte pas forcément dans le mot,
Ses yeux
le trahissent.

C’
était
l’amour, l’amitié,
le don et l’aban-
don

Elle porte encore la voix.
Elle porte encore la voix tue
Tu portes encore la voix
Tu es la voix.

La voix est tue.

 

*

Enfin plutôt taire, enfin nous voilà nus, nous n’aurions jamais pu imaginer cela, et pourtant cela. Lorsque dans les ruelles nous balancions, au bras, puis c’était déjà la nuit. Le miel de lavande, les cartes postales, les petits livres
                   rouges,
                                          les petits messages.

Destinés en vain.

*

D’une certaine façon, nous le savions, n’est-ce pas, que le désastre finit par tout prendre.

Même vous, même eux, même mots.

Nous le savions et nous ne saurons jamais accueillir l’effacement même.

Un monde s’écroule. Et nous avec. Et
avant que l’oubli vienne tout effacer, nous effacer, nous penserons à M.A

À cette capacité, cette volonté, cette ferveur de garder
       intact
                   quelque chose, quelqu’un, quelques-uns

pendant des jours, des années, longtemps après leur disparition

— être-là toute une vie, après la vie.

Nous penserons à l’Impossible, à l’Impossible nous ne cesserons de penser.

À la discrétion qui manque, qui manquera toujours.

À ces mots : « Très bien », « Merci », « À bientôt », « Vous m’appellerez », « Je vous embrasse », « Au revoir, au revoir »…

Et puis nous penserons à ce que nous perdons à jamais : M.A. Et puis nous penserons à ce que nous gagnons pour toujours :

Rien.

Elle
appelait
M.A, Elle
appelait

Elle
s’appelait
M.A
rappelait
M.A,

Elle
était
tout un monde.

C’était M.A,
la nôtre, toute,
tout entière aux autres
l’incarnation de tout
le monde.

Un monde, qu’elle rappelait, s’évanouit dans un sourire. Un sourire triste dans l’air.

Elle
rappelait tout
un monde.

Un monde n’
est plus.
                  
                  

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *